Blast (City under Siege) de Benny Chan (DVD)

Posté le 21 juillet 2011 par

Il devient véritablement difficile de trouver son bonheur parmi les grosses productions hongkongaises. D’un côté, nous sommes bombardés de blockbusters wu xia (co-produits par la Chine mainland), synonymes des mises en scène américanisantes bien pompeuses et sans la moindre folie. De l’autre, on trouve City Under Siege… pardon… Blast (nan mais c’est quoi ce titre, ça mériterait un BIP BIP BIP – suite à la violence des propos tenus à l’encontre du titre du film, East Asia se voit obligé de censurer cette introduction, mais vous aurez compris l’idée – Victor), qui l’a bien, lui, le grain de folie, quitte à passer pour un gros nanar friqué. Par Anel Dragic.

Benny à block

Sacré Benny Chan ! S’il y en a un qui est capable de passer du coq à l’âne cinématographique, tout en gardant sa spontanéité et sa sensibilité, c’est bien lui… Polar, triades, blockbusters, comédies, etc. : le bonhomme sait reprendre les genres en emballant de jolies scènes d’action et en y apportant des scènes intimistes over the top sur fond de canto-pop. Il n’en fallait pas plus pour que Benny s’attaque au film de super-héros. Si ça marche à l’étranger, ça va marcher avec un casting maison, pour peu qu’on choisisse bien. Aller, on prends Aaron Kwok (ça, ça marche dans toute la Chine), on ajoute Shu Qi (pareil, mais au moins Taïwan suivra), puis une pincée de Collin Chou et Wu Jing pour les artistes martiaux (on va pas prendre les plus charismatiques quand même, faudrait pas que le film dépasse son statut de nanar), voilà la recette du succès. Comme vous pouvez le constater, on a une bonne base pour construire un produit lisse, calibré mainland (et international), qui sent bon l’adoucissant.

Dans Blast (que l’éditeur veut nous faire bouffer, en allant jusqu’à retitrer le carton titre au début du film, chose qu’il ne faut JAMAIS faire!), Aaron Kwok a délaissé la chansonnette et les costumes à paillettes pour celui d’un clown. Fils d’un lanceur de couteaux qui voulait faire comme papa, il se retrouve finalement dans le rôle de la cible, victime d’un Collin Chou qui occupe le poste de ses rêves. Comme la vie est injuste ! Heureusement, la vie, c’est pas une pute jusqu’au bout. Un jour, en fouillant des laboratoires expérimentaux ayant servis aux japonais pendant la seconde guerre mondiale (on aura vu mieux que La Beuze comme référence), un gaz contamine Aaron ainsi que Collin Chou et sa bande de méchants potes. Alors qu’Aaron devient gros l’espace d’une nuit et se retrouve le lendemain avec de grands pouvoirs (les responsabilités en moins) tels qu’une vue aiguisée et des super-réflexes, Collin et sa bande se transforment en affreux mutants et en profitent pour aller braquer à droite à gauche. La suite… je ne vous fait pas un dessin, vous l’aurez comprise.

A partir d’un tel pitsch, Benny Chan parvient à construire un film naif et kitsch (vive les thèmes musicaux à l’américaine, dont certaines musiques à la harpe digne d’une pub ferrero rocher), plutôt bien filmé mais qui pâti d’effets spéciaux bien cheap et de longueurs devenues caractéristiques des blockbusters chinois actuels. C’est d’autant plus dommage que l’on sent une présence du réalisateur, mais trop sous-jacente pour exploser pleinement. Parfois le temps d’une séquence flashback, le romantisme canto-popé du réalisateur se fait sentir, sans jamais vraiment s’affirmer. Le film pourrait presque être destiné à un public enfantin : c’est coloré, naïf (pour ne pas dire con), et ce ne sont pas les scènes d’action qui rendent le spectacle tellement plus violent. Benny Chan semble bridé par le budget et se forcer à livrer un produit impersonnel.

Crise d’adolescence

Vouloir faire un film de super-héros n’est pas une mauvaise idée en soit (bien que l’on sente fortement le caractère opportuniste de l’entreprise), mais le traitement réservé au sujet est tellement peu abouti que l’on ne peut s’empêcher de crier au foutage de gueule. Le scénario, non content d’être basique, est en plus caricatural et sans la moindre inventivité. Benny Chan refuserait-il de grandir ? Pire : serait-il en pleine régression ? Le symptôme semble s’étendre à toute l’équipe du film ou presque, tant le spectacle semble décérébré. Aaron Kwok continue de jouer les jeunes premiers post-ado (il a 45 ans, rappelons-le !). Il avait pourtant une filmographie de qualité jusque là, mais il semblerait qu’il se montre moins rigoureux sur ses choix artistiques (jouer un clown immature était-il un challenge de taille qu’il se devait de relever ?). A notre grand surprise,  Shu Qi n’est, pour une fois,  pas cantonnée aux rôles de jeunes femmes immatures, puisqu’elle incarne une journaliste qui perd sa place au JT de 20h en faveur d’une chaire plus… fraiche ! Collin Chou incarne le méchant sans motif, dont le gaz va transcender l’essence maléfique en lui pour en faire un super-méchant. Et puis Wu Jing… lui aussi aime les challenges ! Il s’essaie à un rôle plus dramatique, mais au final ridicule (et en plus il se retourne quand il y a une explosion, hors tout le monde sait que « cool guys don’t look at explosions »).

On ressent pourtant l’influence comics dans cet univers coloré, mais cela ne ressemble hélas à rien. Même Black Mask 2 parvenait à créer un univers plus cohérent et cartoonesque avec des mutants, sans sombrer dans la niaiserie totale. Ici, les méchants sont à peine plus crédibles qu’un monstre en caoutchouc sorti d’un épisode de Buffy, sauf que le film se prends au sérieux. Et pourtant, cela aurait pu faire un fourre-tout à l’ancienne. Le film brasse action, humour, aventure, et même un moment de romance, mais jamais la folie ne fonctionne vraiment, comme c’était le cas avec les productions sans thunes de l’âge d’or, cela à cause d’une aseptisation du sujet proprement catastrophique pour le genre. Reste malgré tout quelques scènes d’action, américanisées, elles aussi, mélangeants combats câblés et ralentis, plus énergiques que ce qu’on trouve au pays de l’oncle Sam (quand même !). Mais cela ne tient malheureusement pas la route sur 1h50 (1h45 en France, merci le pal !) avec un scénario aussi maigre.

Entre nanar et vrai navet, le blockbuster de tonton Benny vise à côté, et pond au final un spectacle boursoufflé, ennuyeux et inintéressant. Dommage pour ceux qui veulent se réconcilier avec le cinéaste, Shaolin ne sera pas non plus le grand retour tant attendu à un cinéma plus viscéral et romantique. Rendez-nous donc le réalisateur des deux premiers A Moment of Romance !!!

Anel Dragic.

Blast de Benny Chan, disponible en DVD et Blu-Ray, édité par FIP, depuis le 15/06/2011.