Après le bilan d’Anel Dragic (à lire ici), c’est au tour d’Alexandra Bobolina de revenir sur les impressions que lui ont laissé la seconde édition du Festival du cinéma chinois en France. Son passage à Paris (avant sa tournée dans toute la France) a en effet laissé des traces et inspiré des réflexions sur l’état du cinéma en Chine. Par Alexandra Bobolina.
Parmi les marchés cinématographiques les plus importants, aux côtés des cinémas américains et indiens, la production chinoise dans son ensemble reste peu diffusée hors des frontières nationales. Si le spectateur européen cultive son regard surtout à travers la sélection des festivals (films très souvent censurés en Chine même), il lui reste à découvrir tout un monde de sons et d’images destinés au grand public chinois. Le Festival du cinéma chinois en France propose une programmation qui complèterait le cadre.
Les titres
Le choix des films est assez riche et éclectique, allant de la comédie romantique au film de voyage. Hormis quelques exceptions, les films restent sur les rails des formules gagnantes de la dernière décennie de l’industrie cinématographique chinoise.
Des grands noms accompagnent les titres et évoquent, eux aussi, des souvenirs très hétéroclites. Gu Changwei a présenté son dernier film L’Amour éternel aux côtés du Sous l’aubépine de son ami et collègue Zhang Yimou. Les deux font partie de la « cinquième génération » de cinéastes chinois, ceux qui ont émancipé le cinéma dans leur pays. C’est peut-être à cause de cet héritage que les deux films paraissent peu audacieux.
Le premier traite un thème peu accommodant, l’infection du sida, qui a tué des milliers de personnes dans les années 80-90 ; le deuxième parle d’un amour sacrifié pour la cause de la révolution culturelle. L’Amour éternel restera inconnu dans sa forme originale, il fut modifié et revu par la censure. Il est tout de même important qu’il soit une voix qui a pu se faire entendre dans toute la Chine pour la première fois sur le sujet.
Sous l’aubépine prend pour centre la relation sentimentale entre deux jeunes et les suit dans la chronique généreusement touchante de cet amour dans le cadre de la politique de rééducation de l’Etat. Malgré les attentes liées au contexte, le spectateur reste sur sa faim, la faute à des personnages et aux questions qui ne se déplient jamais.
John Woo et Su Zhaobin signent le film d’action Le Règne des assassins dans les voies devenues normes des succès Tigre et Dragon ou Le Secret des poignards volants. Zhang Li et Jackie Chan tentent le genre historique avec Révolution de 1911 qui devient, finalement, aussi et surtout, un film de combat.
Ceux qui font la différence
À part les genres très exploités par l’industrie, les comédies romantiques et les films d’action, l’animation et le cinéma d’auteur sont aussi présents. Deux films se détachent de l’ensemble : Hello ! Monsieur Shu de Han Jie et Kora de Du Jiayi. Le premier traduit de manière extravagante le délire dans lequel se trouve le personnage principal. Une comédie de goût amer et hors du commun, le film pose les questions avec la même naïveté et profondeur dont Monsieur Shu est doté. La vie de campagne laisse entrevoir un monde gris qui se colore par des choses peu conventionnelles : le sourire d’une sourde-muette ou le revenant d’un frère tué. Les sujets, durs à aborder, apparaissent avec peu de mots et d’optimisme en atténuant le poids derrière les contours de l’imaginaire.
Kora fait son chemin de Taiwan vers le Tibet. Simple et humain, certaines scènes sont particulièrement vives et chargées d’émotion, tout en réussissant à s’échapper du mélodrame.
Les films d’animation, malgré un côté esthétique peu développé, maîtrisent assez bien le récit. Ceci est certainement dû au fait qu’ils se confinent aux contes populaires et légendes. Malan Hua raconte les aventures de l’esprit Ma Lang et sa bataille pour préserver le mont Malan et son amour. Les personnages animaux au premier plan rendent les situations dynamiques et le film agréable et amusant. Le Jeune Yue Fei a aussi un amour à défendre et doit devenir « illustre général » malgré des nombreux obstacles et ennemis. Les deux films sont dans le même esprit d’adaptation du style des grands studios américains aux tendances chinoises, et, évalués selon ces critères-là, ils sont plutôt réussis. Une jeune fille juive à Shanghai prétend avoir une mission éducative. La deuxième guerre mondiale se transpose sur celle sino-japonaise de 1945. Dommage que les créateurs aient négligé le côté visuel et privilégié un récit plat et moraliste.
Il y a beaucoup plus de choses à apprendre du classique Tapage au palais céleste. Faute de problèmes de copies, il n’a pas été montré en 3D lors de la séance au cinéma Gaumont Champs-Elysées Marignan, ce qui était l’occasion de (ré)découvrir ce chef-d’œuvre absolu dont les années n’ont rien ôté et qui reste de loin l’un des meilleurs films d’animation chinois pour enfants. Il est aussi une transposition magnifique de l’opéra chinois sous une autre forme, également magique. En 1965, quand sa première version a été faite, le réalisateur Wan Laiming s’était largement inspiré des arts traditionnels et le résultat sublime encore par l’absence de maniérisme et la plasticité des dessins.
Ces quatorze récits donnent leurs avis sur des réalités et des imaginaires de la société qui les ont inspiré. Plus ou moins bavards et francs, ils ont tous quelque chose à dire et représentent fidèlement un état de la Chine sous différentes facettes.
Alexandra Bobolina.
Le Festival du cinéma chinois en France s’est tenu du 14 mai au 12 juin.