Koji Wakamatsu, Cinéaste De La Révolte (livre)

Posté le 20 décembre 2010 par

A l’occasion de la rétrospective à la cinémathèque Française consacrée au réalisateur Japonais, les éditions IMHO publient un livre sur ce cinéaste hors du commun. Composé d’un portrait de Jean-Baptiste Thoret, de plusieurs essais et entretiens du maitre, ainsi qu’un texte inédit d’Oshima Nagisa, l’ouvrage de 256 pages et aux 100 illustrations permet d’entrer dans le monde de ce réalisateur militant. Par Jérémy Coifman.

Voir un livre en Français sur Wakamatsu Koji est déjà un grand plaisir. Il est un cinéaste finalement très peu (re)connu et qui gagnerait à l’être. Cet ouvrage se veut en quelques 256 pages « un point d’entrée » à l’œuvre gigantesque du « Héros du Pinku EÏga ».

Traiter d’une si grande filmographie, d’un homme à la personnalité si complexe et ambigüe est une entreprise assez périlleuse, mais aussi passionnante. La première chose qui frappe quand on commence le premier chapitre, avec l’essai de Jean-Baptiste Thoret, c’est ce mélange de passion et de danger, un peu comme le cinéma de Wakamatsu Koji, finalement. On touche à « la radicalité », à la révolte, à l’érotisme… Thoret aborde le cinéaste dans toute son ambigüité, dans une impartialité qui fait plaisir à voir. N’hésitant pas, par exemple, dans son passage sur United Red Army, à pointer les contradictions du cinéaste. Ce sont justement ces contradictions qui font de Wakamatsu un réalisateur si intéressant, et c’est ce qui rend ce livre passionnant. Au travers des entretiens avec le cinéaste et de ses essais, on observe un homme intelligent, engagé, révolté. Ce sont des traits de caractères qu’on connaissait déjà, mais cet essai ajoute ce qu’on peut aussi trouver en regardant les films de Wakamatsu : une remise dans le contexte. Dans ces essais et interviews, on sent tour à tour la fièvre des années 70 dans certains passages où une certaine nostalgie dans d’autres.

Wakamatsu

En plus de cette volonté (honorable) d’être le plus exhaustif possible sur l’auteur, l’ouvrage aborde tout ce qui fait finalement le cinéma de Wakamatsu. On parle de l’image que renvoie le Pinku Eïga, sa réception, de la critique au Japon. Mais on évoque aussi la Palestine, l’armée rouge unifiée. C’est politique, c’est érotique, c’est social, c’est Wakamatsu ! C’est le passé du cinéaste (qui revient sur certains de ses films dans les notes de production), c’est le présent (avec le texte sur Le Soldat Dieu) et c’est finalement le futur d’un homme que l’on sent investi, toujours dans la même ligne de conduite, même à 74 ans.
A cet égard, la (longue) interview est une belle façon de revenir des origines du cinéaste à son actualité. Hirasawa Go (critique et enseignant), qui conduit cet entretien, revient sur les faits marquants de la longue carrière de Wakamatsu ; et on plonge dans la vie plus que remplie de l’artiste. De ses débuts à la télévision (on apprend qu’il a travaillé sur Astro, le petit robot) au Soldat Dieu, le parcours de cet homme guidé par sa passion et ses convictions est passionnant. Dommage que l’entretien ne s’intéresse pas plus à la vie avant ses débuts à la télévision, même si son passé de yakuza est évoqué dans le livre.

D’ailleurs, l’ouvrage commence par une citation de Wakamatsu sur le sujet qui résume presque tout: « Etre un Yakuza, c’est être et faire des choses qui dérangent les autres, qui leur causent des ennuis. Faire des films, c’est différent. J’ai commencé à réaliser des films parce que j’étais très en colère et je savais que si j’exprimais ma colère dans la vie réelle, je serais devenu un criminel. Ainsi, je pouvais assassiner des personnages que je ne pouvais pas tuer en vrai. »

L’ouvrage, au travers ses textes et ses illustrations magnifiques, montre toute l’ampleur de l’œuvre de Wakamatsu, son engagement et son intelligence sous couvert d’un cinéma d’exploitation. En plus de l’ouvrage, est proposé un dvd contenant un film de 1970, La Femme qui voulait mourir. Ce supplément est l’outil parfait pour, une fois ce livre achevé, voir de ses propres yeux tout ce que ces essais, entretiens et réflexions nous auront donné envie de (re)découvrir.

Jeremy Coifman.

Koji Wakamatsu, cinéaste de la révolte, Editions Imho, 29 €
www.imho.fr