MCJP – Fireworks, Should We See It From the Side or the Bottom? d’Iwai Shunji

Posté le 4 juillet 2025 par

La Maison de la Culture du Japon à Paris consacre une rétrospective à Iwai Shunji, réalisateur japonais majeur des trente dernières années et influence cruciale dans la pop-culture asiatique. Retour sur Fireworks, téléfilm fondateur installant tous le regard fascinant, mélancolique et romantique du réalisateur sur l’adolescence.

Norimichi et Yusuke semblent en pincer pour la même fille, la jolie mais discrète Nazuna. Cette dernière va alors commencer à agir étrangement : ses camarades de classe ne le savent pas encore, mais les parents de la jeune fille vont divorcer, et Nazuna devra quitter l’école et la ville pour suivre sa mère. Loin de tous ces premiers désordres amoureux, le reste de la joyeuse bande commence à se passionner pour cette journée qui doit se clôturer par un feu d’artifices. Mais une question les divise : les feux d’artifices sont-ils plats ou bien ronds, lorsqu’on les observe de côté ?

Iwai Shunji fait ses débuts à la télévision en 1988 et, tout en développant en parallèle ses autres talents artistiques (romancier, photographe…), s’y fait de plus en plus remarquer en signant des épisodes de drama et divers téléfilms. Le point culminant de sa carrière sur le petit écran, qui contribuera à son passage au cinéma, sera le téléfilm Fireworks diffusé sur Fuji TV en 1993. L’adolescence apparaitra souvent en flashback sous forme de paradis perdu et innocent dans ses films à venir comme Love Letter (1995) et April Story (1998). Fireworks permet donc d’illustrer l’attrait d’Iwai pour l’âge ingrat « au présent », en accompagnant un groupe de collégiens le temps d’une journée.

Le charme, la mélancolie voire la noirceur de l’adolescence (le plus oppressant étant All About Lily Chou-Chou, 2001) pour le réalisateur viennent des premiers émois amoureux souvent inassouvis. Ici les personnages se situent dans une tranche d’âge entre l’enfance et l’adolescence, ce qui rend plus maladroite l’expression de leurs sentiments. Les seuls regards à la dérobée de Norimichi (Yamazaki Yuta) nous laissent donc deviner qu’il est secrètement amoureux de sa camarade Nazuna (Okina Megumi). Il le dissimule pourtant, d’autant que son copain Yusuke (Sorita Takayuki) a exprimé plus explicitement son amour et espère faire sa déclaration à Nazuna.

Cette dernière va cependant devancer leurs attentes, pariant secrètement sur le vainqueur de leur course de natation pour l’inviter à voir les feux d’artifices avec elle. Norimichi échoue et voit la possibilité d’un moment agréable avec Nazuna s’éloigner. Ou pas. Iwai fait reposer son récit sur un « what if » qui capte à la fois la frustration de l’acte manqué et l’émerveillement de sa réussite. Cela passe par l’étude de caractères de ses personnages et l’inconséquence de leur âge. Yusuke se montre ainsi désinvolte et hésitant entre la compagnie des copains et celle d’une fille. Nazuna pour qui cette journée recèle une plus grande importance qu’il n’y parait semble aussi déterminée dans son désir de fugue que dans la résignation de son retour au foyer.

Le « what if » s’incarne donc sur deux quêtes, une aussi futile que cruciale encore ancrée dans l’enfance (les feux d’artifices sont-ils plats ou rond vu de côté ?) et celle plus mystérieuse du rapprochement amoureux qui amorce l’entrée dans l’adolescence. Légèreté, rires futiles et odyssée en miniature sont de mise pour la première où Iwai laisse entrevoir l’influence des teen movies 80’s (Stand by me de Rob Reiner en tête, la photo bleutée façon Amblin), tandis que les silences complices et les délicats premiers élans érotiques (Nazuna échangeant son kimono pour une robe derrière une barrière) transparaissent de la seconde et montre là le style d’Iwai s’épanouir pleinement. Le charme suspendu et la sensualité timide de la scène nocturne de la piscine sont parfaits.

L’esthétique du film traduit à la fois le début et la fin de quelque chose. L’atmosphère ensoleillée revêt une tonalité de fin d’été, la camaraderie totalement innocente des garçons s’achève (puisque l’un d’eux est prêt à les laisser pour suivre une fille) et l’on sait que la romance naissante entre Norichimi et Nazuna n’aura malheureusement pas de suite. L’ensemble de ces émotions contrastées culmine donc lors du fameux feu d’artifice (dans un émerveillement convoquant Rencontre du troisième type) en résolvant la grande question du titre ; et lorsque ces lumières s’estompent, s’exprime cette idée de fin de l’enfance.

La forme est encore assez brute (le directeur photo Shinoda Noboru n’est pas encore là pour poser ses ambiances vaporeuses) mais Iwai brille déjà à faire ressentir dans un même élan l’immédiateté et le souvenir des premiers amours. Le moyen-métrage (50 minutes, mais la maitrise du format court est aussi dans le sommet à venir April Story) fera sensation lors de sa diffusion, au point de bénéficier d’une sortie en salles deux ans plus tard grâce au succès de Love Letter. Son aura est si culte qu’il a bénéficié récemment d’un beau remake sous forme de film d’animation, déférent à l’original, mais sachant aussi habilement s’en détacher par son ton influencé par Shinkai Makoto et un argument plus explicitement fantastique qui rappelle La Traversée du temps (2007) de Hosoda Mamoru.

Justin Kwedi.

Fireworks, Should We See It From the Side or the Bottom? d’Iwai Shunji. Japon. 1993. Projeté à la Maison de la Culture du Japon à Paris.