La Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP) consacre une rétrospective intégrale de l’œuvre de Somai Shinji. Retour sur Tokyo Heaven, fable fantastique et une des œuvres les plus libres et imprévisibles du réalisateur.
Une jeune modèle prometteuse se fait renverser par une voiture et meurt sur le coup. N’acceptant pas son sort, elle parvient à tromper la Mort et à revenir sur Terre.
Somai Shinji signe un de ses films les plus légers et lumineux avec ce Tokyo Heaven. Le film semble un curieux mélange entre les films adolescents à veine plus surnaturelle d’un Obayashi Nobuhiko marié à l’approche plus à fleur de peau de Somai sur ces mêmes thématiques. Dans une tonalité enlevée, on y suit les premiers pas de Yu (Makise Riho), pétillante jeune modèle en pleine ascension dont on découvre la personnalité capricieuse et turbulente, notamment envers son malheureux assistant Fumio (Nakai Kiichi). Le tableau s’assombrit lorsque en voulant échapper aux avances d’un mécène (Shofukutei Tsurube), elle meurt accidentellement renversée par une voiture. Confrontée à la Mort (qui prend malicieusement les traits du responsable de son décès, ce qui donne un double rôle détonant), elle reçoit l’autorisation de revenir sur Terre à condition de ne pas se confronter aux personnes l’ayant connu vivante.
Cette règle est d’emblée enfreinte accidentellement quand elle va se réveiller chez Fumio pas encore au courant de son décès. Dès lors, le récit prend une voie très décousue et fantaisiste où le principal point d’ancrage reposera sur les personnages que l’expérience va transcender. La petite starlette détachée des réalités, découvre les joies légères de son âge dans sa « seconde vie » : le plaisir d’un baïto (petit boulot) dans un fast-food, les évènements traditionnels avec une belle scène de feux d’artifice. C’est surtout l’occasion de s’éveiller à ses premiers émois amoureux auprès de Fumio qui lui aussi n’est pas à sa place dans ce monde du spectacle où il fuit l’héritage familial. Le récit est presque trop décousu et sautillant par rapport au sujet qu’il veut aborder, soit une forme de prise de conscience des plaisirs simples et des sentiments en contrepoint de la frénésie initiale où évoluent les personnages. Les séquences manquent de liant même si on savoure la virtuosité technique habituelle de Somai dans son usage du plan-séquence, il manque une alternance avec des moments plus apaisés pour expliciter l’argument du récit.
Pris séparément, chacun des moments ne manquent pas de charme (la scène du fast-food) grâce à l’abattage charmant de Makise Riho et un usage ludique de trucages volontairement rudimentaires pour les irruptions du fantastique. La dernière partie finit par trouver l’équilibre entre ce côté sautillant et romantisme plus retenu, notamment par une superbe séquence chantée et jazzy. Dommage que la toute fin privilégie ce ton potache à une mélancolie plus prononcée au moment de l’inévitable séparation. Pas totalement convaincant mais indéniablement original.
Justin Kwedi
Tpkyo Heaven de Somai Shinji. Japon. 1990. Projeté à la Maison de la Culture du Japon à Paris