Ho Cheuk-tin, dont le précédent métrage nous était parvenu l’année dernière, revient avec une comédie absurde sélectionnée par les équipes du Festival du Film Hongkongais de Paris, édition 2024 : Over My Dead Body.
Un soir, Du et sa famille trouvent un cadavre en dehors de chez eux. Au lieu d’appeler la police, la belle-mère de Du (jouée par Teresa MO) décide de déplacer le cadavre à la porte de leur voisin, afin d’éviter la chute du prix de son propre appartement. La soirée s’annonce pleine de rebondissements.
Le très prometteur Ho Cheuk-tin, de la toute dernière génération de cinéastes hongkongais, avait séduit les spectateurs du Festival du Film Hongkongais de Paris l’année dernière avec The Sparring Partner, un film de procès palpitant sur le fait divers d’un meurtre sordide ayant secoué l’activité médiatique de la mégapole cantonaise. En quête de renouveau, le réalisateur est de retour dans un style complètement différent avec une comédie noire tout aussi dérangeante, grinçante et astucieuse que le thriller promis l’an dernier.
Over My Dead Body, c’est d’abord l’installation minutieuse d’un contexte et d’un espace propices au comique de situation le plus malin. Les propriétaires d’un même étage d’une même résidence découvrent un cadavre sur leur pallier. Hors de question pour chaque famille d’endosser cette lourde responsabilité et d’appeler les secours : en effet, à Hong Kong, un appartement où un crime a eu lieu fait chuter le prix de l’immobilier de 20% à 30%, comme s’amusent les personnages à nous le rappeler. Le premier ton employé est d’abord cynique, personne ne semblant prendre en compte qu’un possible meurtre s’est déclaré sur le pas de leur porte. Un mort, c’est avant tout des problèmes. Un tel postulat de départ n’augure rien de bon, et les évènements qui vont suivre ne feront qu’enfoncer les personnages petit à petit dans un déni aussi assumé que les efforts qu’ils déploieront pour déplacer le cadavre dans une résidence HLM voisine, où le prix du m2 est déjà au plus bas, et où, de toute façon, « un appartement hanté permettra aux familles les plus appauvries de se loger à moindre coût ». Une manière comme une autre de rendre service.
Ce n’est pas difficile à comprendre : Over My Dead Body se sert de ses éléments comiques pour dénoncer les non-dits les plus ridicules et égoïstes de la société hongkongaise. Le coût de la vie, l’individualisme, le traitement des défunts sont au cœur de ce récit qui use sans arrêt des petites choses et des comportements du quotidien pour créer de l’absurde. Au moment de déplacer le cadavre dans le hall de l’immeuble bardé de caméras à reconnaissance faciale, les voisins se lancent par exemple un parapluie au ralenti sur fond d’une musique classique dont les accents comico-dramatiques convoquent immédiatement Parasite et ses tonalités contradictoires. Ho Cheuk-in emploie malicieusement des procédés semblables à son précédent métrage dans un tout autre registre, comme ces scènes de projection mentale du crime lors du procès de The Sparring Partner, qui alimentent ici les désillusions loufoques des voisins imaginant le pire pour leur foyer. Over My Dead Body parle aussi d’isolement, et invite à renouer les liens dans les instants les plus difficiles. Le résultat est très souvent hilarant, parfois émouvant, et surtout réconfortant. De quoi embaumer le Festival du Film Hongkongais de Paris d’une réjouissante atmosphère de malaise, de fou rire et d’émotion. Pas mal pour un petit huis-clos sous-financé.
Richard Guerry.
Over My Dead Body de Ho Cheuk-in. 2024. Hong Kong. Projeté au Festival du Film Hongkongais de Paris 2024.