En complément du coffret déjà bien fourni de Gappa (1967) réalisé par Noguchi Haruyasu, l’éditeur Extralucid Films nous gratifie d’un bonus supplémentaire inédit et pas des moindres : le film Yuzo: The Biggest Battle in Tokyo (2022) d’Ishii Yoshikazu, un kaiju eiga en pleine pandémie de Covid-19.
Un monstre géant utilise le chaos et de la pandémie du COVID-19 à son avantage tandis qu’un monsieur tout le monde nommé Yuzo est le seul homme sain d’esprit à pouvoir l’arrêter.
Relativement méconnu du grand public, Ishii Yoshikazu est un pur produit de la scène indépendante japonaise des années 2000, un électron libre en recherche constante d’expérimentation. En parallèle de sa série d’horreur des Dark Images, il travaille sur Ultraman, mais son intérêt pour le tokusatsu et le kaiju eiga ne date pas d’hier puisqu’il réalise les documentaires des films Godzilla vs. Mechagodzilla en 2002, Godzilla: Tokyo S.O.S. en 2004 et Godzilla: Final Wars en 2006. C’est donc tout naturellement que l’envie de diriger ses propres projets de kaiju eiga en marge des studios lui soit venue, à commencer par Attack of the Giant Teacher en 2019, puis Yuzo: The Biggest Battle in Tokyo en 2022.
Avant d’être un film de monstre, Yuzo est une comédie loufoque typiquement japonaise d’un salaryman quarantenaire désabusé qui termine sur la sellette de son précédent boulot en plein confinement. Il décroche un entretien d’embauche à l’Institut de la vie cosmique qui s’avère être une petite boîte aux arnaques bien huilées et aux services plus bizarres les uns que les autres. On y retrouve le service fitness avec la réincarnation de Bruce Lee qui propose un programme pour les fainéants, ou encore le service des masques qui veille à préparer des masques usagés au réemploi, tenu par Nekojima qui se présente comme un homme déguisé en chien dont le frère tient un restaurant japonais en Hongrie et dont la sœur est partie faire le djihad.
Au milieu de ce joyeux foutoir d’humour graveleux aux élans aléatoires de comédie musicale, la bande de lurons sera confrontée à l’arrivée d’un monstre géant en pleine pandémie. S’ensuit une lettre d’amour au kaiju eiga de la part d’un réalisateur qui affectionne énormément le genre autant qu’il le tourne en dérision. La production indépendante lui offre un puits de gags illimité en grossissant chaque trait de la gestion de la pandémie par le gouvernement japonais, de la même manière qu’Anno Hideaki dénonçait la gestion de la crise de Fukushima dans son Shin Godzilla en 2016, pointant du doigt que le kaiju eiga a toujours su s’adapter à son époque en évoluant sur différents registres qui n’apparaissent jamais contradictoires. Amoureux du genre, Ishii Yoshikazu cultive le pastiche jusqu’à l’autoréférence de son propre film Attack of the Giant Teacher que l’on peut brièvement apercevoir en couverture d’un magazine porno. Yuzo, en ne se prenant pas au sérieux tout en respectant ses aînés, est sans nul doute un film de fan, pour les fans.
BONUS
Yuzo, kaiju viral (13 min) : Fabien Mauro, auteur de Kaiju, Envahisseurs & Apocalypse : L’Âge d’or de la science-fiction japonaise aux éditions Aardvark, revient une fois encore pour raconter la genèse du film et la carrière du réalisateur avec une expertise irréprochable. Le renouveau du kaiju des années 2000 est passé au peigne fin, et l’on comprend ainsi mieux pourquoi certains talents se sont éloignés des studios pour se produire en indépendant. Yuzo est le résultat de cette tendance, créatif au possible et réunion inattendue de grands noms des effets spéciaux auxquels Fabien Mauro ne manque pas de rendre hommage.
Yuzo par Machida-san (6 min) : entretien avec l’acteur Machida Masanori qui revêt son costume de l’Institut de la vie cosmique pour l’occasion. Comme attendu, le tournage semble avoir été aussi amusant que le résultat final ne le laissait à penser.
Richard Guerry.
Yuzo : The Biggest Battle in Tokyo d’Ishii Yoshikazu. 2022. Japon. Disponible en bonus du coffret Gappa paru en août 2024 chez Extralucid Films.
Suivre
