EN SALLES – La Mélancolie de Kato Takuya

Posté le 14 août 2024 par

Art House sort en salle cette semaine La Mélancolie de Kato Takuya, drame intimiste dans la continuité d’un certain questionnement contemporain du cinéma japonais sur le couple.

Après la perte brutale de son amant, Watako retourne discrètement à sa vie conjugale, sans parler à personne de cet accident. Lorsque les sentiments qu’elle pensait avoir enfouis refont surface, elle comprend que sa vie ne pourra plus être comme avant et décide de se confronter un à un à tous ses problèmes.

La Mélancolie est le second long-métrage de Kato Takuya, jeune réalisateur ayant davantage travaillé au théâtre en tant que dramaturge et metteur en scène. C’est une expérience dont il irrigue habilement La Mélancolie dans ses choix narratifs et esthétiques. La scène d’ouverture, notamment, nous fait découvrir l’héroïne Watako (Kadowaki Mugi), tandis que la voix de son interlocuteur masculin se fait entendre en laissant ce dernier hors-champs. Le cadre (un site de camping) et l’intimité de la tente laissent supposer que Kimura (Sometani Shota) est le mari ou du moins le compagnon, mais la conversation du couple, sur le chemin du retour, nous indiquera qu’il s’agit de l’amant. La séparation qu’on devine coutumière du couple illégitime va malheureusement s’avérer définitive à cause d’un tragique incident auquel assiste Watako, impuissante et forcée de garder ses distances.

Kato Takuya procède de la même façon tout au long du récit, exprimant un constant décalage entre ce qu’évoquent l’image et l’environnement des relations entre les personnages, puis la réalité sous-jacente de ces liens. Ainsi, la scène d’ouverture exprimait des sentiments et une proximité tout en traduisant de manière implicite l’adultère par l’hors-champ, alors que le couple marié et légitime formé par Watako et Fuminori (Tamura Kentaro) révèle le fossé qui le sépare en les réunissant paradoxalement à l’image. Les racines théâtrales de Kato se ressentent dans les plans d’ensemble de l’appartement conjugal que Watako et Fuminori arpentent sans se regarder, des discussions banales imprégnées d’un langage corporel dénué de la moindre marque d’affection. Un simple échange laissait transparaître la complicité du couple adultère, de longues séquences communes, révèlent le schisme des mariés. Les dialogues finiront par révéler les raisons de cet état, mais Kato Takuya n’est jamais meilleur que lorsqu’il le traduit par une forme froide, une neutralité de la photo prolongeant celle des interactions des protagonistes.

Le réalisateur se fait ainsi le vecteur d’un non-dit, d’un refoulé typique de la société japonaise, où rentrer dans le rang et maintenir les apparences prévalent sur la confrontation. Les errances de l’héroïne, comblant l’absence du disparu en remontant le fil de sa vie et ses proches, matérialisent désormais un adultère plus spirituel que charnel, lui permettant d’échapper encore au délitement de son couple. Tant que cela passe par la pure image et ne se perd pas en surlignage dialogué, l’introspection et la mélancolie (belle inspiration que ce titre francophone) sont palpables et n’en rendront que plus poignants les sursauts plus expressifs des émotions. Le mariage s’avère un carcan institutionnel dont les étapes s’imposent de façon programmatique (la manière dont Kimura annonce vouloir une maison et un enfant à Watako), alors que l’insouciance, la complicité et la passion n’existent qu’en dehors de cette cage.

La Mélancolie est donc une œuvre sensible et subtile dans son approche, même si elle ne manquera pas de laisser un sentiment de redite dans le fond et la forme (pour le spectateur français du moins) par rapport à la ligne éditoriale de son distributeur Art House ayant sorti plusieurs films creusant le même sillon – The Housewife (2022), Love Life (2023), Aristocrats (2022)…

Justin Kwedi.

La Mélancolie de Kato Takuya. Japon. 2023. En salles le 14/08/2024.

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