EN SALLES – Pompo The Cinephile de Hirao Takayuki

Posté le 4 juillet 2024 par

En joli clin d’œil à la Fête du cinéma, Art House sort en salles cette semaine Pompo The Cinephile de Hirao Takayuki, introduction ludique, attachante et didactique aux coulisses du 7e art.

Bienvenue à Nyallywood, la Mecque du cinéma où Pompo est la reine des films commerciaux à succès. Le jour où elle décide de produire un film d’auteur plus personnel, elle en confie la réalisation à son assistant Gene. Lui qui en rêvait secrètement sera-t-il à la hauteur ?

L’une des qualités majeures du manga et de l’animation japonaise grand public réside dans sa capacité à nous plonger dans des disciplines très spécifiques, et d’y insuffler un mélange de déférence et d’universalité les célébrant tout en les rendant accessible à tous. Un manga/animé comme Hikaru no go a popularisé le jeu de go auprès du jeune public à l’échelle internationale, les plus réfractaires au sport se sont plongés dans les odyssées de Captain Tsubasa et autre Slam Dunk, et ce ne sont que quelques exemples parmi les plus connu. Le dépassement de soi du shonen nekketsu, l’empathie et la subjectivité des meilleurs shojos, tout cela contribue à une somme de valeurs à la fois simples et complexes que les artistes japonais savent matérialiser dans les sujets les plus variés.

Pompo The Cinephile en est une nouvelle démonstration. Le film est l’adaptation du manga de Shogo Sugitani, publié en 2017. Le manga et la japanimation se sont déjà souvent attaqué au monde du spectacle et du cinéma, mais dans les titres nous étant parvenus en France, il s’agissait soit de fiction adolescente explorant une discipline spécifique (les mangas Act-age ou Akane Banashi, en plus ancien la série d’animation et le manga Glass no Kamen/Laura ou la passion du théâtre), soit des titres plus adultes à la dimension référentielle Millennium Actress (2001) ou Paprika (2007) de Kon Satoshi. Pompo The Cinephile détone donc par la plongée qu’il offre dans le monde du cinéma en nous proposant une sorte de La Nuit américaine revisitée en japanimation.

Nous allons y suivre dans un équivalent imaginaire de Hollywood, les rêves, les doutes et l’ascension de Gene, passant d’assistant à réalisateur pour sa productrice Pompo. Le défaut majeur du film réside dans les facilités destinées à rendre le film accessible à tous. Le chara-design, fidèle au manga, est des plus conventionnels et ne fait ressortir la personnalité des protagonistes que de façon grossièrement signifiante (Gene cinéphile passionné, forcément ahuri et des poches sous les yeux) quand il ne cède pas au kawaii ou le fan-service le plus facile. De même, si la construction du film suit plutôt fidèlement les étapes de la fabrication d’un film (écriture, préparation, tournage, montage, financement, reshoots), les difficultés et doutes rencontrés obéissent à des codes shonen dans ce qu’ils ont de plus basique, véhiculant une émotion assez fabriquée.

Le réalisateur Hirao Takayuki a fait ses débuts en travaillant aux côtés de Kon Satoshi sur Millennium Actress et la série Paranoïa Agent, et a récemment brillé en réalisant des épisodes de la série Spy x Family. C’est précisément le mélange de proximité ordinaire et de virtuosité extraordinaire de cette dernière qui fait le sel de Pompo The Cinephile. Le réalisateur s’extirpe des schémas balisés dès lors qu’il peut transmettre par la seule mise en scène la passion des personnages pour leur art. La première expérience de montage de Gene sur une bande-annonce exprime par une symbolique flamboyante l’exaltation de celui-ci, marionnettiste maniant des fils de pellicule pour assembler à sa guise les images qui happeront le public. L’abnégation de l’aspirante actrice Natalie fait l’objet d’un tourbillonnant flashback construisant une dynamique chargée d’espoir avec le présent, tandis que le rapport ambivalent de Pompo (entre passion artistique et velléités commerciales) fait également l’objet d’échos très réussis jusqu’à la touchante conclusion.

Le geste collectif que constitue un tournage est bien amené aussi dans des séquences assez irrésistibles d’efficacité narrative, posant tous les impondérables (logistiques, météorologiques) auxquels doit répondre une production. Tout cela est bien sûr idéalisé (pas d’ego, de rivalité ou de malveillance) mais rendu tangible et formellement réussi (l’éclaircie venant après le tournage pluvieux improvisé) par Hirao Takayuki. En dépit des facilité inhérentes à sa cible jeune public, Pompo The Cinephile est néanmoins une initiation attachante aux coulisses du monde du cinéma pour celui-ci, ponctué de jolis clins d’œil pour les plus âgés – Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore.

Justin Kwedi

Pompo the Cinephile de Hirao Takayuki. Japon. 2021. En salles le 03/07/2024.

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