BLACK MOVIE 2024 – Sumo Do, Sumo Don’t de Suo Masayuki

Posté le 23 janvier 2024 par

Sorti en 1992 au Japon, Sumo Do, Sumo Don’t est l’une des belles comédies sportives de Suo Masayuki. Le film est projeté dans le cadre du Festival Black Movie édition 2024 à Genève.

Yamamoto Shuhei est un étudiant inscrit à l’université. Tire-au-flanc, son professeur principal le convoque car il ne l’a jamais vu en cours. Il lui propose alors un marché : en échange de la validation de son année, l’étudiant doit s’occuper de relancer le club de sumo pour le prochain tournoi…

À travers le recrutement des membres de l’équipe de sumos de l’université, Suo Masayuki met en œuvre le même dispositif qu’il réitérera avec Shall We Dance? et qui fera le succès du film aux box-office japonais et américain de 1996. Si Shuhei est un protagoniste attachant, de par son côté feignant et tête brûlée quand il s’agit de se donner à fond, les autres membres de l’équipe ne sont pas en reste. Cette galerie de personnages flamboyants fait appel à l’empathie du public car leur situation d’inadéquation dans leur environnement social est proprement touchant. Aoki, seul membre permanent avant Shuhei, est un étudiant parmi les plus âgés et les moins sûrs de lui. Son manque de confiance lui donne l’apparence d’un être faible. Hosaku est un jeune homme un peu rond, pieux, à qui l’on n’a jamais offert une chance de briller. À l’inverse, Haruo manque de modestie et se révèle être un faux-fort, tout comme Smiley, étudiant anglais plein d’a priori sur le Japon mais dont la très bonne connaissance de la langue traduit une volonté d’intégration sans faille. Masako, quant à elle, étudiante obèse, son crush pour Haruo lui donnera des ailes. Toute cette galerie de personnages est foncièrement attachante, tout autant pour leurs défauts, qui représentent à merveille l’être humain dans sa diversité, que le cheminement qui va les mener à se surpasser, individuellement comme collectivement.

Sumo Do, Sumo Don’t utilise donc un dispositif semblable à celui de Shall We Dance?, œuvre la plus connue du réalisateur Suo Masayuki : montrer un groupe de personnages prétendument faibles et défaillants aux yeux de la société japonaise et les faire s’assembler autour d’une activité, afin de les mettre en valeur devant un public – dans la fiction tout comme les spectateurs. Exercice bien connu du manga et de l’animation – notamment dans les shonen sportifs – la force du film se situe dans l’interprétation des acteurs, tous excellents, dirigés d’une main de maître par Suo qui a confiance en son idée de réaliser une œuvre basée sur l’émotion et le portrait de personnages. Sumo Do, Sumo Don’t est par ailleurs une œuvre remarquée au Japon pour son évocation et son portrait du sumo sur grand écran, l’utilisation de ce sport comme vecteur dramatique n’étant pas si courante que cela. Il est amusant de constater que l’une de ses caractéristiques principales, la nudité des jambes et du torse, n’est pas éludée à travers du personnages de gaijin qu’est Smiley, qui accepte d’intégrer l’équipe à condition de pouvoir enfiler un legging. En compétition, on lui refuse l’entrée sur le cercle s’il ne dévêtit pas. Alors, il accepte de se mettre à nu, au sens propre pour mieux symboliser le figuré, et ainsi faire communauté. À l’inverse, Hosaku fait se confronter les contradictions de la société japonaise, celle d’un sport faisant appel à la spiritualité japonaise dans une université chrétienne. Lors d’un signe de croix en compétition, l’arbitre lui somme d’arrêter, sans doute mu par un élan traditionaliste. C’est alors que le personnage de Shuhei montre toute son épaisseur, en rappelant avec vigueur le bon sens de la liberté religieuse. Tous les protagonistes se soutiennent et forment une belle famille, soudée et qui ne peut que toucher le cœur des spectateurs.

Par petites touches, le film affirme la diversité de la population japonaise, à un degré politique clair, sans jamais se détourner de la positivité et des bonnes ondes. Sumo Do, Sumo Don’t est le film de la communion.

Maxime Bauer.

Sumo Do, Sumo Don’t de Suo Masayuki. Japon. 1992. Projeté au Festival Black Movie 2024.