VIDEO – Shaolin Intruders de Tang Chia

Posté le 22 décembre 2023 par

Spectrum Films édite un coffret mettant à l’honneur les trois films qu’a réalisés le chorégraphie historique de la Shaw Brothers, Tang Chia. Après nous être penchés sur sa première production, Shaolin Prince, attardons-nous sur la suivante : Shaolin Intruders.

Des chefs de clans sont assassinés. Les soupçons se portent sur une guerrière impitoyable. Deux pratiquants des arts martiaux, découvreurs malheureux du corps d’un chef fraichement tué, s’associent afin de confondre le coupable. Ils écartent la guerrière de leurs premières conclusions et s’associent avec elle. Le trio se dirige vers le temple Shaolin où se trouve la clé du mystère…

Cette deuxième réalisation de Tang Chia est dans la droite lignée de la première. En fin artisan de la Shaw Brothers, le metteur en scène dispose d’une expérience considérable dans la façon d’utiliser ses fameux décors et de composer les chorégraphies martiales. De nombreux commentateurs du cinéma hongkongais affirment que Tang Chia est spécialisé dans le réglage de combats avec des armes et instruments, là où Liu Chia-liang, son binôme sur les films de Chang Cheh, était plutôt à l’œuvre dans les combats au corps à corps. Shaolin Intruders déploie beaucoup d’ingéniosité et d’efforts pour faire apparaître divertissants les nombreux combats avec des armes en tous genres, réglés de manière précise. Une fois dans le temple Shaolin, les deux héros masculins devront passer des épreuves et affronter des moines combattants, dans un rapport de un à plusieurs, et ces moines sont caractérisés par l’utilisation d’une technique de combat avec armes et en groupe. Tang Chia prend soin de rendre ces séquences de combats flamboyantes et virevoltantes, avec de nombreux mouvements de caméras qui suivent les protagonistes se baladant d’un bout d’une pièce à un autre. La dimension « un contre tous » offre un sentiment grisant au spectateur, qui suit la bagarre avec une énergie certaine et une sorte d’émerveillement. A cela s’ajoute la direction artistique du film, pas foncièrement différente des autres films de la firme des frères Shaw, mais qui joue habilement avec le design vestimentaire de ses personnages, à commencer par les moines qui selon le grade et le groupe auxquels ils appartiennent ne sont pas vêtus de la même manière, ainsi que l’actrice Lau Yuk-pok qui campe l’artiste féminine et qui semble tout droit issu d’un opus de Street Fighter.

Si le scénario maintient notre intérêt dignement l’heure vingt-six que dure le film, de par ses retournements réguliers, il apparait cependant une chose concernant le cinéma de Tang Chia : il ne semble animé d’aucun réel propos et se contente d’offrir une production martiale divertissante à la Shaw. Les meilleurs films d’arts martiaux ou de genre ne sont pas dénués d’une intention particulière, rendue forte par une mise en scène efficace. Certain autres, tels que Demon of the Lute, revêtent une forme tellement baroque qui leur confère une originalité remarquable, que ceux-là peuvent se démarquer pour des raisons de singularité esthétique. Shaolin Intruders a quelque chose de mécanique dans son déroulé et répond beaucoup trop sagement aux canons du cinéma d’arts martiaux, aussi bien narratifs que visuels, pour que cela ne soit pas souligné, en dépit du soin apporté au rythme des combats et la direction artistique qualitative. Pour quiconque a l’habitude des films de la Shaw Brothers – c’est probablement le cas de bien des spectateurs de Shaolin Intruders – le film ne peut que souffrir de la comparaison avec les chefs-d’œuvre de Chang Cheh, Chu Yuan et Liu Chia-liang, tant ceux-ci sont parvenu à pousser à son paroxysme le style « Shaw Brothers ». Tang Chia ne fait qu’appliquer proprement la recette, en ne se permettant aucun débordement stylistique ou en n’insérant aucun message particulier. Shaolin Intruders est un film Shaw un peu plus pauvre que la moyenne…

Bonus

Présentation d’Arnaud Lanuque (9 min). Arnaud Lanuque focalise son explication sur le temple Shaolin, la légende que racontent les films et la fiction à son propos et ce qu’il en est réellement. Il nomme les principaux collaborateurs de Tang Chia sur Shaolin Intruders et ce qu’ils sont devenus, permettant ainsi de déceler l’importance de Tang Chia dans le cinéma hongkongais d’alors en matière de chorégraphie et de technique.

Interview de Jacky Yeung (10 min). Jacky Yeung poursuit l’exploration de ses mémoires de tournage sur les plateaux de Tang Chia, après le module sur le disque du film Shaolin Prince. Il raconte comment se déroulaient les scènes d’action assez précisément, et nous apprend que l’actrice Lau Yuk-pok est décédée.

Les années Shaw – interview de Derek Yee (archive de Frédéric Ambroisine, 16 min). Dans ce document de 2004, Derek Yee, acteur de la Shaw et des films de Tang Chia, devenu un réalisateur majeur du cinéma hongkongais, se livre franchement sur ses années dans la grande société production, dans un mélange de bons souvenirs et d’amertume quant au manque de liberté créative. La trajectoire de Derek Yee, déjà évoquée dans d’autres bonus de Spectrum Films, est fort intéressante car elle en dit long sur le système capitaliste et industriel du cinéma de l’île au port parfumé. Entendre Derek Yee en parler lui-même est fort plaisant.

Maxime Bauer.

Shaolin Intruders de Tang Chia. Hong Kong. 1983. Disponible dans le coffret Blu-ray Tang Chia paru chez Spectrum Films en novembre 2023.

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