En combo avec son dernier film Retour à Séoul, le premier long-métrage de fiction de Davy Chou, Diamond Island, est disponible pour la première fois en HD, chez Spectrum Films. Film par Elvire Rémand ; Bonus par Maxime Bauer.
Ce film de Davy Chou reprend le même lieu que celui développé dans son court-métrage Cambodia 2009 et qui avait été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2014 : Diamond Island. On suit ici le jeune Bora, qui quitte son village natal pour travailler sur les chantiers de Diamond Island, île ultra moderne en construction. Il retrouve son charismatique et mystérieux grand frère, Solei, après trois ans sans nouvelles. Solei l’introduit dans l’univers excitant des jeunes classes aisées du pays.
Le principal protagoniste de Diamond Island est bien l’île en elle-même. Reliée à Phnom Penh, elle a été envahie par divers promoteurs immobiliers qui y construisent hôtels de luxe et centres commerciaux. Un projet titanesque qui a besoin de main d’œuvre. Cette main d’œuvre, elle est jeune et pleine d’espoir, à l’instar de Bora et ses amis. A la fois lieu de travail pour ces jeunes de 18 ans arrivés dans l’espoir de s’élever socialement, Diamond Island est également leur lieu de vie. On les découvre évoluant sur les chantiers, dont les couleurs flashy rendent compte de l’irréalité de ces projets immobiliers, mais aussi dans leur intimité, leurs chambres, qu’ils partagent entre collègues et où ils parlent d’eux et de leurs rêves. Le soir, cette bande de jeunes traîne à la fête foraine, sous les néons des attractions. L’occasion pour eux de parler des filles et de la drague. Une grande partie du film se déroule la veille et le jour de la Saint Valentin. Tous les stratagèmes et les conseils sont bons à prendre, dans l’ombre de la fête foraine, parfois interrompue par les spots lumineux. Entre deux cigarettes, Bora y croise son frère aîné, qu’il n’a pas revu depuis des années. Le retour de ce frère, Solei, trouble Bora et ses aspirations : doit-il continuer à traîner avec sa bande de potes et essayer de séduire la jolie Aza, qui vit sur le chantier depuis qu’elle est née ou suivre son frère, fréquenter une autre fille d’une classe aisée et espérer s’élever socialement ?
Davy Chou traite de cette adolescence malmenée par ses rêves de façon subtile et délicate. De simples scènes de conversation entre Bora et ses amis, ou de drague deviennent poétiques. Les chevauchées à moto à Phnom Penh, en vue aérienne, laissent un avant-goût de liberté. Les jeux de lumière, de mise en scène et de musique créent également une sensualité propice à la fin de l’adolescence. Entre les grues de chantier et le sol poussiéreux se dégagent les premières sensations du désir et de l’amour.
Bonus de Spectrum Films
Interview de Davy Chou (23 min). Plusieurs années après la sortie de Diamond Island, Davy Chou éclaire à nouveau le public sur son intention à propos de son film. Il en fait la genèse lors de ses premiers voyages personnels au Cambodge, entre 2009 et 2013, ce qu’il y a vu et ce qu’il a voulu en extraire. Il explique que Cambodia 2099 a fait office de prémices. Il développe le rapport du film au capitalisme que représente cet immense chantier, l’acculturation qui en découle, les influences des grands cinéastes asiatiques tels que Hou Hsiao-hsien, Jia Zhang-ke et Apichatpong Weerasethakul, ainsi que ce qu’il reste des traces de l’Histoire du Cambodge et des Khmers rouges.
Le court-métrage Cambodia 2099 (2014, 22 min). Pour la critique de ce film, nous vous renvoyons au texte dédié aux divers courts de Davy Chou ici. Notons que Cambodia 2099 était présent sur le DVD originel de Diamond Island, mais que son master montrait un défaut de cadencement. Sur le Blu-Ray de Spectrum Films, le défaut a été gommé et on peut profiter de ce court en HD de la meilleure façon.
Diamond Island de Davy Chou. France-Cambodge. 2016. Disponible en Blu-ray dans le coffret Davy Chou paru chez Spectrum Films en septembre 2023.