Le film de zombies parlementaires Get the Hell Out de Wang I-fan débarque en Blu-Ray chez Spectrum Films. Texte par Elie Gardel ; Bonus par Maxime Bauer.
Dans Get the Hell Out, nous suivons l’histoire de Hsiung Ying-ying (Megan Lai), une membre du Parlement de Taïwan, dont la maison familiale a été détruite pour permettre à une entreprise alliée avec le gouvernement de dresser une centrale électrique sur les lieux. Dévastée par la perte de son domicile et suspectant un lien entre l’installation de la centrale et un mystérieux virus transformant les gens en zombies, Hsiung Ying-ying perd malencontreusement le contrôle de ses émotions et fait une crise de nerfs devant des caméras télévisées, entraînant la destitution de ses fonctions. Loin d’avoir dit son dernier mot et souhaitant continuer à s’opposer au maintien des activités de la centrale, Hsiung Ying-ying démarche le timoré et hémophile Wang You-wei (Bruce Hung), un de ses anciens camarades de classe devenu fonctionnaire, pour prendre sa place au sein du Parlement. Le jour du débat opposant les défenseurs et détracteurs de la centrale, le mystérieux virus se propage au Parlement, transformant les hommes politiques sur place en zombie et obligeant les protagonistes à lutter pour leur survie.
Get the Hell Out est plein de bonne volonté. Le film renvoie assez explicitement à la crise du covid-19 et notamment au traitement politique de la pandémie par le gouvernement taïwanais, mais au-delà de ces considérations, il vise également à souligner l’absurdité du système politique de façon plus large. Sont traités pêle-mêle les liens entre business et politique, entre écologie et économie, le rôle des médias dans la formation de l’opinion publique, etc. Wang I-fan s’insère dans la tradition contestataire des films de zombies, tout en renouvelant un propos idéologique pour coller à l’actualité récente. Sur le plan cinématographique également, le réalisateur propose de nombreux effets de réalisation et dynamise ainsi un film dont l’essentiel se déroule en huis clos.
L’écueil se situe alors dans la multiplication des thématiques, des effets de style et des rebondissements au sein du film. Dès le début du long-métrage, le ton est donné avec des cuts extrêmement rapides, des zooms, des ralentis, des accélérations, etc. Get the Hell Out propose parfois trop d’éléments jusqu’à saturation du spectateur. Beaucoup d’effets fonctionnent, certaines blagues sont très cocasses, mais l’accumulation finit par déranger et nuire au film sur la longueur. Get the Hell Out pâtit également de l’aspect inégal de son contenu humoristique. Les situations rocambolesques intelligemment amenées côtoient des égarements plus douteux comme l’utilisation de memes internet déjà trop ringards pour prêter à sourire. De même, l’inventivité du réalisateur se heurte par moments à une écriture trop simpliste de certaines situations ou personnages secondaires. L’antagoniste principal du film est notamment beaucoup trop archétypal et ne présente aucune autre caractéristique que d’être mauvais et avide d’argent alors que d’autres personnages sont traités avec davantage de finesse et d’originalité, comme c’est le cas de Wang Feng-hua (interprétée par Francesca Kao) qui vole la vedette à tous les autres protagonistes. Un manque d’équilibre entre les différentes émotions recherchées est également à déplorer dans Get the Hell Out. Là où le film s’en tire plutôt bien sur le plan comique, malgré la démesure des moyens employés, le dramatisme recherché dans les séquences tragiques peine davantage à convaincre et le film enchaîne ses séquences si vite qu’il est impossible de réellement ressentir les émotions voulues. La relation amoureuse qui survient à la fin entre Hsiung Ying-ying et Wang You-wei échoue également à se montrer crédible tant la tension romantique est inexistante ou sacrifiée au profit du comique de situation jusqu’à la consécration de leur couple.
Get the Hell Out demeure tout de même prometteur pour la suite de la carrière de Wang I-fan. Si le réalisateur parvient à canaliser son fourmillement d’idées et à harmoniser le rythme et les émotions contenues dans ses films, il a de quoi se faire remarquer et proposer des films détonants et novateurs. En attendant, Get the Hell Out ne dépasse malheureusement pas le stade du film divertissant à regarder entre amis, sans forcément le garder en tête après le visionnage.
BONUS
Présentation du film par Wafa Ghermani (13 min) : Wafa Ghermani nous éclaire sur quelques éléments de la vie publique taïwanaise, notamment des « batailles » au Parlement et la propension des journalistes à être intrusifs, expliquant ainsi l’origine de la satire au cœur du film de Wang I-fan. L’intervenante analyse la substance du film, en quoi il est relativement apolitique en raison de sa dimension commerciale, ce qu’il extrait en matière de mise en scène de la télévision et où il se positionne dans le cinéma du tournant de 2020, période durant laquelle de nombreux films de genre et sur la pandémie de covid-19 ont vu le jour. Elle donne quelques éléments sur le profil de cinéaste qu’est Wang I-fan, notamment qu’une part de son inspiration est tarantinienne. Un court bonus bienvenu pour replacer ces quelques éléments spécifiques du cinéma de l’île de Formose et de la société taïwanaise.
Get the Hell Out de Wang I-Fan. Taïwan. 2020. Disponible dans le combo Blu-Ray Detention/Get the Hell Out chez Spectrum Films en juillet 2023.