Pour sa cérémonie d’ouverture, la 17ème édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) s’est offert le dernier film de Choi Kook-hee en première française, Life is Beautiful, une comédie musicale pétillante et nostalgique dont le titre augure tout ce qu’il laisse sous-entendre pour lancer les festivités.
Se-yeon est malade. Elle n’a plus que quelques mois à vivre. Pour surmonter ce coup de massue, elle décide qu’elle ne passera pas le temps qu’il lui reste à être cette femme au foyer transparente aux yeux des siens qu’elle est devenue. Elle veut vivre à fond et retrouver son premier amour. Une folle aventure commence, dans laquelle elle embarque son mari un peu malgré lui.
Choi Kook-hee n’en est pas à son premier FFCP. Le drame politique Default, à propos de la crise asiatique de 1997, avait déjà fait sa petite impression en 2019 pour son approche complexe et procédurale du monde de la finance sud-coréenne. Cette année, le réalisateur est invité à Paris afin d’inaugurer le lancement du festival et de présenter son nouveau long-métrage, Life is Beautiful.
Forte du rayonnement international de son industrie musicale, la Corée ne rate pas une occasion de caster ses stars de la K-pop dans les films ou les dramas en chanson. Life is Beautiful se risque plutôt à l’exercice singulier de mettre en scène deux vieux de la vieille, Yum Jung-ah et Ryu Seung-ryong, dont il s’agit là du premier travail en musique. Au dénouement d’une vie faite d’amour inconditionnel pour sa famille, mais aussi d’amertume et de contrariété, le personnage de Se-yeon, en phase terminale de sa maladie, se lance dans un périple existentiel à la recherche du temps perdu dans lequel elle embarque son mari malgré lui à travers la Corée. Choi ouvre une fenêtre sur les douces saveurs réconfortantes du passé, où les souvenirs joyeux côtoient la mélancolie des instants regrettés. Après des années à endosser le rôle de mère au foyer dévouée corps et âme à son mari et à ses enfants, Se-yeon fait le point sur son existence. Sa gentillesse sans faille se confronte aux exigences d’un compagnon devenu aigri et paresseux par le passage du temps. Le couple avait bien besoin d’une pérégrination aux allures de seconde noce pour renouer les liens.
La comédie musicale n’est qu’une expression comme tant d’autres des joies et des peines, mais elle porte ici autrement plus un discours sur l’approche de la mort et l’abnégation d’une mère par le choix des chansons. Plutôt que de faire appel à une composition originale, Choi Kook-hee réalise un film « jukebox » destiné à toutes les ajumma de Corée. De Lee Moon-sae à Lee Seung-chul, des tubes emblématiques de la pop coréenne des années 1970 aux années 2000 (le public sera d’ailleurs ravi de retrouver le répertoire de morceaux de Reply 1988) sont revisités afin de s’ajuster au plus proche du propos, du rythme ou de l’esprit d’une scène. Toutes reviennent sur un épisode de la vie du couple au diapason de la grande histoire, et à mesure que le récit progresse, plus flamboyants sont les décors et les costumes et plus détonantes sont les chorégraphies. Mais aussi belle soit la vie, elle est aussi faite de colère, de remords et de déception. Life is Beautiful, sans doute par idéalisme, ne remet pas toujours en question le modèle patriarcal des traditions familiales coréennes. Il rend à sa manière hommage, en humour, en candeur et en chanson, au sacrifice de toute une génération de mères, jusqu’à privilégier la fin douce-amère au happy ending. Une fois de plus, ce n’est pas tant l’arrivée que le voyage pour y parvenir qui restera dans les mémoires.
Richard Guerry.
Life is Beautiful de Choi Kook-hee. Corée du Sud. 2022. Présenté au FFCP 2022.