Nous poursuivons l’exploration du coffret Herman Yau de Spectrum Films avec Walk-In, film fantastique sorti initialement en 1997.
Tommy, un policier (Dayo Wong), assiste au suicide d’une jeune femme qui tient des propos étranges sur la réincarnation et le transfert d’une âme à un corps tiers. Lorsqu’il perd l’usage de ses jambes lors d’une affaire, il retourne auprès de la jeune femme effectivement réincarnée pour qu’elle lui apprenne à faire de même et récupérer un corps « en état de marche » (sans mauvais jeu de mots). Il transfère son âme dans le corps d’un homme blessé lors du même incident surnommé Chicken (Danny Lee) et désormais dans le coma, sans se douter qu’il s’agit d’un criminel criblé de dettes et ciblé par de nombreux ennemis.
En lisant le synopsis de Walk-In, on pourrait croire à un récit d’action voire d’horreur. Il y a en effet un ton assez horrifique par moment mais le film est avant tout une comédie. L’un des termes du contrat que passe le policier avec son nouvel « hôte » est que s’il touche à l’une des (nombreuses) petites-amies de celui-ci, il éjaculera obligatoirement prématurément, ce qui donne le ton de l’ensemble. Tout l’humour contenu dans le film n’est pas systématiquement aussi « bas de plafond » mais Yau n’y va tout de même pas avec le dos de la cuillère. Les personnages qu’il met en scène sont quasiment tous farfelus et/ou complètement stupides. Il maintient le cap avec l’intrigue du règlement des dettes de Chicken mais nous avons l’impression qu’elle n’est qu’un prétexte à montrer diverses séquences hautes en couleur. Certaines font mouche. La scène de la femme suicidaire réincarnée en médecin qui tire une interprétation psychanalytique complètement absurde du cancer d’un de ses patients mafieux est très drôle et inspirée. Les séquences ayant rapport au suicide comptent également parmi les plus comiques du film même si l’idée pourrait sembler antithétique. Certaines sont un peu moins convaincantes et jouent sur des ressorts éculés, ce qui est dommage. On pense par exemple à la romance entre le protagoniste et sa copine qu’il est obligé de négliger tant qu’il occupe le corps de Chicken, qui semble parfois en décalage avec le reste et alourdit légèrement le visionnage ou au jeu de Danny Lee flirtant avec le caricatural. Le film est relativement équilibré, toutefois, et offre un visionnage suffisamment divertissant pour se faire pardonner ses passages moins efficaces. Le film a du potentiel et de l’idée, il ne mène pas tout jusqu’au bout autant qu’on le souhaiterait mais il n’est absolument pas inintéressant pour autant.
Walk-In est davantage mineur qu’On the Edge, du même coffret, dans la filmographie de Yau mais l’énergie du film fonctionne et il remplit le rôle attendu. Il s’offre même des moments de rupture de tons qui contribue à tenir en éveil et à se laisser prendre au jeu. Le film séduira probablement davantage les fans de comédie à tendance potache mais il peut également intriguer les autres avec son mélange des genres sur un fil tendu qui parvient à ne jamais totalement dégringoler du mauvais côté de la barrière. En somme, un divertissement à voir l’esprit ouvert (et dégagé).
Bonus
Présentation du film par Arnaud Lanuque : Encore et toujours une présentation très complète et intéressante apportant des précisions au contexte historique et cinématographique extrêmement appréciables. On comprend également mieux d’où viennent les quelques défauts du film, à la lumière des explications de Lanuque sur le « passage à vide » de l’industrie hongkongaise à la fin des années 90.
Elie Gardel.
Walk-In de Herman Yau. 1997. Hong-Kong. Disponible en Blu-Ray chez Spectrum Films le 08/09/2022.