FICA VESOUL 2022 – 5 questions à Fukada Koji

Posté le 5 février 2022 par

Depuis le 1er février, le 28e Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) s’est ouvert à Vesoul, devant un parterre d’artistes internationaux. Malgré le contexte sanitaire actuel, se croisent des autrices et auteurs venus d’Afghanistan, d’Iran, d’Inde, de Corée du Sud, du Japon… L’occasion, chaque jour et jusqu’au 7 février, de rencontrer l’un des invités autour de 5 questions.

Premier artiste de cette série, l’un des lauréats du Cyclo d’Or d’honneur 2022, membre de la jeune génération de cinéastes nippons et auteur d’Au revoir l’été, Sayonara, Harmonium, L’Infirmière et du diptyque Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis qui sortira en salles en mai prochain : Fukada Koji.

5 QUESTIONS A FUKADA KOJI

 

East Asia : Je crois savoir que vous avez été cinéphile très tôt, en voyant des films comme Les Enfants du paradis de CarnéL’Esprit de la ruche d’Erice ou certains films de Rohmer. Aujourd’hui, après près de 10 longs-métrages, comment estimez-vous que cette cinéphilie vous a influencé ?

Fukada Koji : Il  y a une influence que je continue de recevoir aujourd’hui encore, c’est vraiment Éric Rohmer. C’est mon cinéaste fétiche. Je continue de revoir ses films avant chaque tournage, même dans la voiture qui m’emmène sur le plateau, je continue à regarder Rohmer. C’est vraiment une présence qui m’accompagne en permanence.

Pour chacun de mes nouveaux films, j’ai toujours un film de chevet. Pour le dernier, Fuis-moi je te suis / Suis-moi je te fuis, c’est Le Privé de Robert Altman qui m’a accompagné. Pour la musique de ces deux films, j’ai demandé au compositeur d’écouter la musique de La Nuit américaine de François Truffaut. En fonction des projets, c’est toute ma cinéphilie passée qui continue de rejaillir.

East Asia : Vous faites partie des jeunes auteurs japonais visibles en Europe. Parmi vos premiers films, il y avait un certain goût pour les codes du genre (la comédie dans Hospitalité, la science-fiction dans Sayonara). Quel rapport entretenez-vous aujourd’hui avec le cinéma de genre ?

Fukada Koji : Il se trouve que, pour moi, la question du genre n’est pas une question prégnante, que je me pose quand j’aborde un film. J’aime autant les films de genre que les films d’auteurs « ordinaires ». Dans Hospitalité, il y a une touche un peu plus comédie, dans Sayonara, une touche un peu plus S.-F. Mais dans les deux cas, je ne trouve pas qu’on puisse les catégoriser comme des films de genre. Il y a des éléments mais c’est difficile de les catégoriser. On m’a toujours dit que je ne rentrais pas forcément dans les cases du genre. Pour moi, c’est plutôt le spectateur qui va décider de ça. Ce qui m’importe c’est le sujet que je traite, donc parfois je vais avoir recours à certains ressorts mais ça ne veut pas dire que j’ai envie de faire un film de genre au départ.

East Asia : Comme Kurosawa Kiyoshi avec Shokuzai, qui en a fait une version série et une version film, vous avez une version film et série de Fuis-moi je te suis / Suis-moi je te fuis. Au montage, avez-vous eu une approche différente ?

Fukada Koji : Au départ, pour Fuis-moi je te suis / Suis-moi je te fuis, je n’avais pas le projet de le sortir en salles, c’était exclusivement une série TV de 10 x 23min. Après, il se trouve que la série a été très appréciée et les producteurs autour de moi ont dit que ce serait peut-être intéressant de le sortir en salles, pour toucher un autre public. Sur le plateau, on avait eu un très bon ressenti, on était très content du résultat. Je n’ai pas tourné différemment du tout de quand je tourne pour le cinéma. J’ai utilisé absolument les mêmes méthodes de mise en scène et le rendu était satisfaisant. Je me suis donc dit : pourquoi pas ? Cela dit, avant d’entamer vraiment le re-montage, j’étais moi-même assez sceptique, je ne savais pas exactement si ça pourrait vraiment devenir un film de cinéma.

Le défi, ça a été finalement de trouver un rythme qui est propre au cinéma. On n’aurait pas pu se contenter d’enlever la publicité et de coller les dix épisodes, parce qu’il y a toujours un point d’acmé dans chaque épisode de série et on fait tirer un peu le suspense pour qu’on ait envie de voir les épisodes suivants. Si on s’était contenté de tout coller, finalement ça aurait été très monotone. On s’est donc dit qu’il fallait faire un re-montage plus cinématographique qui permette au film vraiment d’avoir un rythme en-soi.

Ce qui était différent pour le projet Shokuzai de Kurosawa Kiyoshi, je crois que chaque épisode avait une fin en soi. C’était 5 épisodes qui avaient été mis ensemble pour un projet mais c’était pas une histoire qui courait sur 5 épisodes. C’était la différence entre nous deux.

East Asia : Dans vos films, il y a très souvent un double fond politique. En 2020, vous avez même fait un court-métrage satirique The Yalta Conference Online. Comment évaluez-vous l’état actuel du cinéma japonais, sur le plan politique, économique ?

Koji Fukada : Je pense qu’on peut d’abord commencer par dire que le cinéma japonais n’est pas le cinéma le plus engagé, que ce soit politiquement ou socialement. Il y a assez peu de films qui dépeignent une trame sociologique. Ma vision des choses, c’est que finalement c’est plus difficile de faire des films qui ne soient pas politiques. Le simple fait de marcher dans la rue, c’est lié d’une manière ou d’une autre à la politique en soi. Je me demande comment est-ce qu’on peut faire, finalement, pour faire des films qui ne soient pas liés à ça. Cela dit, il n’y a jamais d’intention politique, je n’ai pas de message politique à faire passer quand je fais un film.

East Asia : Vous êtes ici à Vesoul où se croisent des films tadjik, iranien, coréen, taïwanais, japonais… Quels sont les films récents asiatiques qui vous ont le plus marqué ?

Fukada Koji : Le dernier film asiatique que j’ai vu, c’est Close-up d’Abbas Kiarostami. Je ne l’ai pas découvert, je le regarde souvent. Là, je l’ai vu à Tokyo parce qu’on m’a demandé de présenter le film et de faire une lecture autour de ce film. C’est le dernier que j’ai vu et que je regarde.

Flavien Poncet

Entretien réalisé le 03/02/2022 au Festival de Vesoul 2022

Remerciements à Léa Le Dimna pour l’interprétation.