The Pool du réalisateur thaïlandais Ping Lumpraploeng, sorti initialement en 2018, a fait son apparition en DVD, cet été, dans la Collection Shadowz, éditée par Blaq Out.
The Pool nous présente l’histoire de Day, un jeune directeur artistique de tournages publicitaires. En profitant de la piscine mise à disposition pour son dernier projet, Day s’endort sur son matelas pneumatique et se réveille pour constater que le bassin est en train d’être vidé. Incapable de ré-atteindre la surface se situant à 6 mètres au dessus de lui, sans échelle ni moyen de contacter qui que ce soit, il se retrouve prisonnier du décor publicitaire. Pour ne rien arranger à cette situation déjà angoissante, un alligator échappé de son enclos suite à des inondations fait à son tour son apparition dans la prison de céramique Enfin, cerise sur le gâteau, la petite amie de Day, Koy, venue le rejoindre, tombe dans la piscine avec lui après s’être heurtée la tête au plongeoir et les voilà tous deux obligés de survivre sans nourriture, eau, insuline pour le diabète de Day, ni moyen de soigner leurs blessures, tandis que la bête rode.
Les éléments d’horreur se font donc foisonnants dans ce huis-clos, ce qui est tout à l’honneur de Lumpraploeng car le principe initial rend compliqué les possibilités d’évolution du récit. En effet, en prime de ne voir qu’un seul décor, nous n’assistons, à quelques brèves apparitions de personnages secondaires près, qu’aux aventures de deux personnages, Day et Koy. Lumpraploeng, probablement très conscient des potentielles limites de son histoire, joue alors sur la déferlante de situations anxiogènes, qu’elles concernent la piscine ou le crocodile. Dans la première partie du film, tout ceci fonctionne bien et les fulgurances horrifiques sont très efficaces et frontales. En seulement 15 minutes de film, Day s’est déjà arraché, de façon terriblement graphique, un ongle en gros plan en tentant de se raccrocher aux parois de la piscine et le ton est lancé. Le crocodile, pourtant élément central de la suite, ne manque absolument pas à l’histoire, tant le principe est déjà suffisamment convaincant et immersif. Les effets spéciaux de blessures sont d’ailleurs malheureusement plus réalistes et crédibles que ceux mobilisés pour créer l’alligator, qui, lorsqu’il est filmé de près, apparaît comme une évidente créature de synthèse assez bon marché.
En prime de manquer de légitimité comme antagoniste sur un plan purement esthétique, l’alligator est au final l’élément qui nuit le plus au rythme et à l’immersion du spectateur. Il apparaît assez rapidement après que Day a été enfermé dans le bassin et il semble que Lumpraploeng ne sait que faire de lui durant des séquences entières. Nous assistons donc à Day et Koy qui tentent de trouver une échappatoire pendant que le crocodile se contente d’être allongé dans un coin et ne se préoccupe visiblement pas des deux potentielles proies qu’il a en face. Day et Koy peuvent même dormir à plusieurs reprises dans le même espace que cette menace, sans que l’alligator ne leur prête pas la moindre attention. Quand bien même celui-ci serait juste un peu flemmard ou même aveugle et sans odorat, le voir ne servir concrètement à rien pendant de longues séquences fait parfois sortir du film. Lorsqu’il décide enfin de s’attaquer aux protagonistes, également, les scènes de défense et de combat face à lui sont bien moins crédibles et engageantes que celles qui concernent uniquement la survie dans le milieu inhospitalier du bassin. C’est regrettable, car le principe de cette menace supplémentaire donne parfois des enjeux de tension intéressants.
L’ultime regret concerne aussi les protagonistes et leur écriture. Autant, il est louable d’avoir essayé d’approfondir Day, notamment avec l’inclusion de son diabète, autant nous restons très en surface des stéréotypes de construction de personnages principaux. L’histoire de Day qui ne se sent pas capable de devenir le père de l’enfant qu’attend Koy et qui, face à un danger imminent, décide de devenir le protecteur de cette famille et de se battre pour l’enfant coûte que coûte, est si peu originale et convaincante qu’elle réduit forcément l’implication émotionnelle du spectateur. Koy, quand à elle, n’a que très peu de personnalité et se contente d’être la femme à sauver et devient malheureusement davantage un élément de scénario de plus pour créer des rebondissements qu’une véritable personne que nous souhaitons voir survivre.
Malgré tous ces défauts, le film n’est pas non plus un ratage complet et se laisse regarder, dès lors qu’on est disposé à faire abstraction de certains problèmes de cohérence et de construction de personnages. Certaines scènes font mouche et réussissent très bien à créer le malaise ou l’effroi. Il est simplement dommage que The Pool cherche par moments la facilité d’exécution alors que tous les éléments sont réunis pour amener le film plus loin.
Elie Gardel.
The Pool de Ping Lumpraploeng. Thaïlande. 2018. En DVD le 07/07/2021 chez Blaq Out