NETFLIX – Le Royaume des chats de Morita Hiroyuki : légèreté salvatrice

Posté le 8 janvier 2021 par

Le Royaume des chats est un long-métrage d’animation adapté du manga Baron: neko no danshaku de Hiiragi Aoi. Relativement court (moins d’1h20), le film réalisé par Morita Hiroyuki est souvent oublié lorsque l’on cite les travaux des Studios Ghibli. Il a pourtant des qualités à revendre, et il est disponible sur Netflix.

Haru, une lycéenne de 17 ans, se cherche dans la vie. Elle est malheureuse en amour, car le garçon pour qui elle craque est déjà pris, et elle ne parvient pas à se projeter dans la société. Un jour, elle prend un grand risque pour sauver un chat qui traverse imprudemment la route. Ce chat n’est pas n’importe quel matou : il est le prince du Royaume des chats. Suite à cet acte héroïque, le Roi des chats, son père, couvre Haru de cadeaux. C’est alors que le Roi décide de marier Haru à son fils. Pour échapper à cette drôle d’histoire, une voix lui indique de demander de l’aide au Ministère des chats…

Le Royaume des chats convoque plusieurs avatars des Studios Ghibli. Il est un coming of age tout comme Omoide Poroporo et Je peux entendre l’océan. Il propose également un univers de fantasy rappelant le Moyen Age européen, à l’instar du Château Ambulant ou du Château dans le ciel. De prime abord, ces deux univers paraissent s’emboîter étrangement. Alors que la première partie se déroule dans le lycée de Haru et dans les rues de Tokyo, il semble s’installer une douce intrigue citadine et colorée, telle que l’animation japonaise en a tant connue. La seconde partie, dans laquelle le fantastique pointe et qui se clôture dans le Ministère des chats, permet de présenter le personnage de Baron, un protagoniste central et qui donne son nom au titre original du manga. La longue deuxième moitié du film se déroule dans le Royaume des chats, un univers miyazakien définit par un onirisme étrange et (gentiment) dérangeant. La différence notable par rapport à d’autres films du studio réside dans cette brièveté, cette légèreté qui traverse le film, tant par sa durée que l’absence de séquences réellement ambigües. Les rares dangers du film, produits par l’effet des actes du Roi des chats, sont vite contrecarrés par la présence d’alliés à tous les étages du scénario. Dès lors, Le Royaume des chats sonne comme un petit voyage au cœur de l’étrange, comme si chacun de ces chats représentait une émotion ou une sensation de Haru face au déroulé de sa vie, la somme de ses doutes. Cette absence de drame profond dans l’histoire, ou plutôt, cette narration légère, permet aussi de faire du mal-être en société, un problème solvable, tourné vers un horizon positif. Par delà les événements auxquels Haru est confrontée, elle appréhende la vie avec plus d’enthousiasme et d’opportunités, et finit par trouver comment se placer vis-à-vis des autres.

La situation initiale de Haru est celle d’une lycéenne énamourée du beau garçon du lycée, celle d’une fille parmi d’autres. Elle enfile ce costume sans y croire vraiment et c’est ce qui provoque son désarroi. La séquence qui précède l’épilogue, la descente d’Haru et ses amis chats dans les cieux, est une belle envolée lyrique, qui montre la libération psychologique d’Haru d’un point de vue graphique, elle qui était menacée d’un mariage arrangé par un patriarche stupide. Haru est libérée de ses doutes, a choisi ses alliés ainsi que sa vision de la romance. L’intrigue quitte l’onirique brusquement pour nous apporter une dernière fois un regard sur Haru, sûre d’elle, jusque dans ses choix vestimentaires. Le terre-à-terre du quotidien apparaît comme le théâtre d’une lutte psychologique, qui lorsqu’on en triomphe, permet d’accéder au bonheur. En refusant cette situation dans son statut initial, le film rend Haru libre dans sa psyché. Tout cela est décrit de manière feutrée, sans une emphase qui rendrait l’œuvre aussi commune. En isolant ces deux parties, le premier segment citadine et l’épilogue, on observe bel et bien un propos féministe, qui adosse le travail Morita Hiroyuki à celui de son patron, Miyazaki Hayao, et continue d’offrir aux Studios Ghibli une politique des auteurs qui leur sont propres.

Le Royaume des chats est une œuvre à redécouvrir, pour ses qualités intrinsèques, cet élan de liberté enveloppé dans une scénario d’un comique rare, raffiné et doux. Il ne faut pas oublier, pour considérer cela, le manga dont est issu le film, ainsi que toute une palanquée d’œuvres dessinées alternatives, féminines, que nous ne voyons que trop peu dans nos librairies.

Maxime Bauer.

Le Royaume des chats de Morita Hiroyuki. Japon. 2002. Disponible sur Netflix le 01/03/2020.

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