LE FILM DE LA SEMAINE – Ip Man 4 : Le dernier combat de Wilson Yip (en salles le 22/07/2020)

Posté le 22 juillet 2020 par

Quatre opus en douze ans et une renommée mondiale, telle se conçoit la saga Ip Man qui a propulsé sur le devant de la scène cinématographique Wilson Yip, jusqu’alors réalisateur de productions hongkongaises moyennes dans le budget comme dans la qualité. Ip Man 4 : Le dernier combat clôt la série de films autour du maître de Bruce Lee en apothéose.

Ip Man profite d’une double occasion pour voyager aux États-Unis, à San Francisco : rendre visite à son disciple Bruce Lee qui l’invite à le voir à un tournoi d’arts martiaux ; et trouver une bonne école pour son fils. En effet, Ip Man souffre d’un cancer de la gorge, et il tient à lui laisser de belles perspectives. Sur place, à Chinatown, Ip Man ne fera que constater à quel point les Chinois et le kung-fu sont méprisés.

Depuis le premier volet de 2008, Ip Man s’inscrit dans la logique d’une longue lignée de films de kung-fu visant à montrer la fierté des Chinois face aux nations étrangères. Faisant écho à des moments de cinéma tels que la vengeance de Chen Zhen (La Fureur de vaincre) ou le kung-fu manchot de Jimmy Wang Yu (Le Boxeur manchot), Ip Man se défend tour à tour contre l’envahisseur japonais et le colon anglo-saxon. L’indice nationaliste du film se situe quelque part entre réminiscence d’un passé douloureux (la Chine désignée comme nation malade de l’Asie au début des années 1900, qui a depuis toujours eu fort à prouver sa valeur) et recul à prendre vis-à-vis de son statut actuel (de nos jours, les Chinois reçoivent le racisme autant que la société chinoise le commet comme superpuissance). Dans le même ordre idée, Ip Man a depuis son premier opus montré une propension au manichéisme, à la limite du ridicule parfois.

Pourtant, la saga n’a cessé de conquérir un public mondial friand d’action, de héros et d’adversaires charismatiques qui cabotinent. Sans doute ce genre de cinéma, qui a fait beaucoup d’adeptes par le passé et notamment à Hong Kong, se perd-il. Ip Man en est un des tous derniers représentants, le portrait d’un maître chinois valeureux et vertueux, ne s’abattant que lorsque son peuple est bafoué ; un homme romantique aussi, qui soigne sa relation avec son épouse par delà les aléas de l’Histoire. À ce titre, la conclusion de la saga Ip Man a quelque chose de terminal, la boucle se boucle et cela est particulièrement vibrant.

D’un point de vue technique, Ip Man 4 est un des films les plus aboutis de Wilson Yip. Tous les curseurs de qualité sont poussés au plus haut niveau, que ce soit la photographie, la reconstitution d’un magnifique Chinatown en studios et la force des séquences martiales, parfaitement lisibles et dont on ressent chaque impact de coup – Yuen Woo-ping aux commandes, ne déçoit jamais. Donnie Yen interprète Ip Man comme à l’accoutumée, tantôt doux tantôt grave, toujours très charismatique : il a peut-être campé son personnage le plus emblématique et lui offre une composition magnifique pour sa fin. Toutes les scènes dans lesquelles il intervient se lovent de cette attitude bienveillante qu’il émet. Son arrivée aux États-Unis correspond à toute une histoire des arts martiaux modernes, celle où les Américains de l’après-guerre se sont mis à les pratiquer. La maladie du maître fait sonner ce voyage comme une petite parenthèse. Rencontrer la diaspora chinoise est une façon de raconter l’histoire de Chine – Jean-Michel Frodon, dans son ouvrage Le Cinéma chinois, parle d’ailleurs, en évoquant la diaspora, d’un quatrième pan cinématographique, après le Continent, Hong Kong et Taïwan, matérialisant ainsi que l’identité chinoise ne se perd pas une fois expatriée. Cette fois-ci, la présence de Bruce Lee comme personnage n’a plus rien d’anecdotique. Bruce Lee, l’homme, a offert beaucoup de visibilité aux Asiatiques dans un monde de célébrités où ils n’avaient pas voix au chapitre. Le voir ainsi, jeune et dans le sillon de son maître, qui plus est dans une séquence de combat de rue efficace, permet de clore en bonne et due forme tout un chapitre du cinéma hongkongais, d’une manière presque solennelle.

Ip Man 4 est donc dans la lignée des précédents volets. Il y a une dimension soap opera du plus bel effet. La castagne lourde intervient après des crêpages de chignons, des disputes de familles ou des coups bas de la part de rivaux. Deux choses soignent les plaies : un kung-fu triomphant et une gentillesse naturelle de la part des héros. Les adversaires plient face à leur supériorité martiale et les querelles internes se dénouent dans la plus grande gentleman-attitude. Ip Man ne souffre pas de cette simplicité dans les échanges entre les personnages. Car la réalisation nette et dynamique rend l’intrigue d’une telle clarté, que chaque élément de scénario, chaque protagoniste, se développe avec force, naturel et simplicité. Tout est transparent, tout est impact, tout est vif, comme un coup de main collante due boxe wing-chun. Ip Man tire sa révérence d’une manière éclatante, lui qui est arrivé sur les écrans de cinéma alors qu’on ne l’attendait pas.

Maxime Bauer.

Ip Man 4 : Le dernier combat de Wilson Yip. Hong Kong/Chine. 2019. En salles le 22/07/2020