VIDEO – Stray Cat Rock : Female Boss de Hasebe Yasuharu

Posté le 7 mai 2020 par

Fin 2018, Bach Films éditait en DVD et Blu-Ray un coffret 5 films Stray Cat Rock. On revient aujourd’hui sur le 1er film, Female Boss, réalisé en 1970 par Hasebe Yasuharu !

Shinjuku, Tokyo. Ako est une grande motarde androgyne. Avec son attitude de défiance et son casque qui cache son visage, elle est souvent prise pour un homme. Lorsqu’elle décide de s’allier avec Mei et son gang de filles, elles finissent par attirer un peu trop l’attention…

La criminalité féminine obéissant à une notion de groupe semblable aux yakuzas avait suscité quelques productions éparses depuis la fin des années 50 au Japon. La série des Stray Cat Rock innove pourtant en inscrivant cela dans la délinquance féminine et plus précisément le mouvement Sukeban. Ce terme désigne les gangs de délinquantes japonaises et est au départ un décalque féminin des zoku, gangs de bikers japonais sous influence de la culture rock américaine des années 50 et de films tels que L’Equipée sauvage ou Easy Rider avec leur look cuir, coiffure gominée et plus tard hippie. Les Sukeban sauront pourtant s’en détacher avec des codes qui leur seront propres, vestimentaires mais aussi rituels à l’essor du mouvement dans les années 60/70.

La série des Stray Cat Rock initiée par la Nikkatsu est donc la première à surfer sur le phénomène, avec le film Female Boss produit en 1970. C’est encore très sage comparé à la furie féministe et contestataire d’autres film Sukeban à venir, notamment les brûlots produit par la Toei comme Terrifying Girls’ High School: Lynch Law Classroom (1973) ou Delinquent Girl Boss: Worthless to Confess (1971). Le film est également dénué de tous les codes esthétiques précédemment évoqués qu’on associe au Sukeban. L’intérêt du récit est sa capture de l’idée de différences dans un Japon traditionnel. Cela passe dans un premier temps par un féminisme qui déconstruit la notion de genre. Lors de la scène d’ouverture, l’héroïne Ako (Wada Akiko) est prise pour un homme par le spectateur et une bande de malfrats alors qu’elle trône fièrement sur sa moto. Cela se prolongera à l’identité sexuelle lorsqu’on devinera une attirance homosexuelle quand elle intégrera une bande de fille. Cet ode à la différence se portera aussi sur la mixité avec le personnage du boxeur Kelly (Ken Sanders) joué par un acteur métisse nippo-américain – sans parler de Wada Akiko d’origine coréenne, autre communauté particulièrement stigmatisée au Japon. Tout cela s’incarne dans un environnement psyché-pop symbolisé par le cadre de la boîte de nuit, où s’agglutine toute une communauté hétéroclite aussi libre dans ses tenues vestimentaires, mœurs amoureuses (cette brève scène où deux garçons androgynes se partagent la même fille consentante) et musique rock tapageuse. Le gang de filles incarne ce souffle de liberté et va ainsi s’opposer à un groupe de yakuzas qui est son parfait opposé.

Alors que (en dépit de fortes personnalités), les Sukeban sont une entité sans réelle hiérarchie dans cet idéal libertaire, les grades sont clairement définis chez les yakuzas où chaque adversaire de nos héroïnes se verra à un moment donné rabaissé par un supérieur. La solidarité domine toutes les initiatives des jeunes filles (volant au secours d’une camarade en péril quel que soit le danger) quand un individualisme et un machisme guident les actions des hommes, avec en prime une pulsion de mort suicidaire typiquement japonaise – la lecture du code bushido lors d’une réunion d’aspirants yakuzas ou le personnage autodestructeur de Michio (Wada Koji). L’intrigue policière finalement assez légère vaut donc moins que ce contexte passionnant, même si pas dénuée de quelques efficaces morceaux de bravoure comme cette poursuite urbaine rondement menée entre une moto et une voiture.

Hasebe Yasuharu signe une mise en scène pop mais là encore assez sage par rapport à d’autres de ses travaux, mais l’on appréciera certaines fulgurances avec deux superbes splitscreens lors de scènes de dialogues. Kaji Meiko, pas encore en tête d’affiche, crève cependant l’écran dans un rôle secondaire. On ne voit qu’elle à chaque apparition, débordant de charisme et dans un emploi un peu plus fragile et romanesque que les rôles qui feront sa gloire (La Femme Scorpion et Lady Snowblood). La Nikkatsu ne s’y trompera pas puisque dès le deuxième volet Stray Cat Rock : Wild Jumbo, ce sera elle l’héroïne et ceux pour les 4 autres opus de la saga. Belle photographie de la jeunesse japonaise 70’s.

Justin Kwedi.

Stray Cat Rock: Female Boss de Hasebe Yasuharu. Japon. 1970. Disponible en DVD et Blu-Ray chez Bach Film le 21/08/2018.

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