Festival Allers-Retours 2020 – Entretien avec Xiang Zi pour A Dog Barking at the Moon

Posté le 11 février 2020 par

Invitée au Festival Allers-Retours dédié au cinéma d’auteur chinois, la réalisatrice Xiang Zi a fait l’honneur au public parisien de sa présence. Son premier film, A Dog Barking at the Moon, a été présenté lors de l’évènement. Elle est intervenue à chaque projection dans des sessions de Q&A et a pris part à la table ronde autour du cinéma d’auteur chinois, en compagnie de personnalités telles que Brigitte Duzan et Jean-Michel Frodon. Nous l’avons rencontrée afin de mieux cerner les sujets qui l’animent.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Quel est votre parcours dans le cinéma ?

Je ne rêvais pas de devenir cinéaste, je voulais écrire. À 10 ans, mon professeur m’a inscrite à un concours en Chine et j’ai gagné des prix d’écriture pendant ma scolarité. Ceci m’a confortée et donnée confiance dans le fait de continuer à écrire.

Néanmoins, et même si j’ai hésité à étudier la littérature chinoise à l’université, je me suis dirigée vers un cursus de commerce et d’économie. En effet, la perspective de la profession d’écrivain me semblait trop dure, trop déprimante et sans grande reconnaissance. Je me disais que mon diplôme me permettrait d’avoir un emploi stable et de poursuivre ma passion à côté.

Tout a changé pendant ma troisième année d’université, quand je suis tombée sur un article de journal sur un film indépendant chinois adapté d’une nouvelle. En lisant le titre, le résumé, le nom des personnages, j’ai réalisé qu’il s’agissait en fait d’une histoire que j’avais écrite lors de l’été de ma première année, en 2007. A l’époque, je l’avais envoyée à plusieurs publications sans qu’elle ne soit jamais publiée. Pourtant, d’une manière ou d‘une autre, elle avait été sortie, quelqu’un avait écrit un scénario basé sur celle-ci et un film avait été tourné.

Ce que j’ai ressenti à ce moment-là a été un mélange d’émotions contradictoires : j’étais à la fois profondément en colère bien sûr, puisqu’on m’avait volé mon travail. Cependant, d’un autre côté, j’étais heureuse que mon travail ait été reconnu même si ça a été de la pire des manières. Je n’ai jamais été publiée donc je ne peux rien prouver mais j’ai écrit cette nouvelle et je l’ai envoyée à des éditeurs. Cette mésaventure m’a finalement permis de me sentir plus légitime à faire ce métier.

A sa sortie, je suis allée voir le film en question au cinéma, et je ne l’ai pas aimé. Je me suis dit que j’aurais mieux fait les choses. Alors, à la fin 2009, je me suis inscrite dans un cursus de cinéma à l’université de New York où j’ai commencé à réaliser des courts-métrages.

Quels sont vos courts-métrage ?

J’en ai réalisé plusieurs mais je n’en suis pas vraiment satisfaite. Je n’aime pas du tout mon premier par exemple. En fait, le seul que j’aime serait celui que j’ai fait pour ma thèse.

A Dog Barking at the Moon est donc votre premier long-métrage. Vous avez décidé de ne pas aller au bureau de censure pour le créer. Avez-vous hésité ?

Oui. J’ai obtenu un permis pour tourner en Chine car ne pas l’avoir peut causer beaucoup de problèmes. C’est par ailleurs relativement facile car l’intégralité du scénario n’a pas à être transmis, simplement un traitement qui est examiné pour aval.

Afin de m’assurer le permis, j’ai joué sur les mots dans le traitement afin que ceci passe plus facilement. Par exemple, au lieu de parler de l’amant du père, j’ai utilisé un terme neutre afin de ne pas mentionner directement l’homosexualité.

Il existe en Chine une restriction avant le bureau de censure ?

Disons qu’il faut faire attention à ne pas inclure des sujets trop sensibles ou tabous dans le traitement car cela peut compliquer l’obtention de l’autorisation de tournage.

Tout ce qui touche à l’armée, à la religion ou à des événements historiques seront à faire vérifier. Si le projet n’évoque pas de tels sujets, ce n’est pas la peine de passer par un tel processus mais quand c’est le cas, il y a même des bureaux qui vérifient les traitements et les scénarios.

J’avais conscience que mon film touchait à la religion, avec la secte, et bien sûr il y avait le thème LGBTQ qui est considéré comme un sujet sensible. Aussi, il a fallu ruser dans la manière de présenter les choses, laisser assez d’ambiguïté pour que les inspecteurs l’interprètent dans le sens le plus « normalisé » possible afin d’obtenir le permis.

En revanche, je ne souhaite pas faire les démarches auprès du bureau de la censure, qui me permettrait d’obtenir le « dragon logo ». Je sais qu’on me le refusera ou alors on me demandera de changer des choses ou de remonter le film pour que celui-ci passe la censure. Cela est hors de question : ce serait une perte de temps et je n’en ai ni la volonté ni l’énergie.

Mon film est déjà en ligne en Chine et des personnes ont fait des captures du film, notamment la scène dans laquelle la mère humilie sa fille adolescente. Parce qu’il y avait une ligne de dialogue dans lequel elle disait quelque chose considéré comme choquant, ces captures sont interdites d’accès sur Internet. Si cette simple scène est interdite, comment mon film passerait-il la censure ?

Il y a une sorte de jeu de la censure en Chine. Certains films importés vont avoir des scènes coupées ou modifiées afin de pouvoir sortir en salles. Un exemple assez parlant est celui de La Forme de l’Eau de Guillermo del Toro, dans lequel l’actrice avait été « couverte » par une robe en CGI lors de sa scène de nu.

Personnellement, je refuse de remonter mon film. Si vous enlevez une seule scène, ceci devient un film complètement différent. Je préfère encore que les gens le regardent en ligne. Bien sûr, je préférerais qu’il soit découvert sur grand écran plutôt que sur un ordinateur ou un téléphone mais si c’est le prix à payer, j’y suis préparée.

Pensez-vous qu’il y a deux types d’artistes en Chine : ceux qui vont à la censure et ceux qui n’y vont pas ?

Il y a une grande curiosité autour de ce sujet. Je pense que chacun a sa propre situation et ses propres circonstances et je ne peux parler que de mon expérience. Pour le moment, je refuse d’y passer par conviction. J’ai écrit un traitement en 2016 que personne ne voulait financer. Après deux ans et 21 versions différentes, je l’ai enfin tourné alors que j’étais enceinte de ma seconde fille. J’ai surmonté tout ça, ce serait trop dur de devoir changer ma vision maintenant. Je pense que j’ai mérité le droit de refuser de subir cela.

En faisant votre film ainsi, vous le présentez au public tel que vous l’avez souhaité.

Oui complètement.

Comme vous l’avez dit, il s’agit d’un film sur la communication au sein de la cellule familiale. Pourquoi ce besoin de montrer les liens dans une famille ?

C’était une histoire que j’avais besoin de raconter. En 2016, je me suis décidée à sauter le pas et à l’écrire. J’avais déjà eu ma fille aînée à l’époque et je ressentais toutes ces nouvelles émotions en tant que mère, des émotions très différentes de celles que l’on peut ressentir en tant qu’enfant. Avec le temps, je sentais que cette histoire, je voulais la raconter et en faire un film, de manière un peu thérapeutique pour moi et ma famille. Finalement, ceci n’a pas forcément changé les choses mais je ne voulais pas regretter de ne pas avoir sorti cette histoire de moi.

Le sujet des LGBT traverse votre film, surtout à propos des générations précédentes. Quelle est votre intention à ce sujet ?

En Chine, il y a un grand tabou. Pendant des années, beaucoup de gens ne savaient même pas ce qu’était l’homosexualité. Si vous avez grandi dans les années 60 pendant la Révolution Culturelle, et que vous arrivez à la vingtaine dans les années 80, le pays commençait à peine à s’ouvrir et il n’y avait que très peu de moyens de s’interroger sur sa sexualité, du moins de le considérer comme un sujet à interroger. Il n’y avait pas de discussion. Les générations actuelles ont bien plus de moyens pour connaître leurs désirs et explorer leur sexualité. Il y a une plus grande conscience de cela et plus d’accès à une telle connaissance. L’homosexualité a bien sûr toujours existé mais dans des temps plus reculés, c’était peut-être des inclinaisons qui étaient inconsciemment acceptées et peu critiquées puisqu’il n’y avait pas cette discussion sur la sexualité. Paradoxalement, j’ai l’impression que prendre conscience de la question de la sexualité dans les cent dernières années l’a rendue encore plus dur à assumer dans la société asiatique.

Je souhaitais faire un film qui ouvre la discussion, qui force les générations plus anciennes à ouvrir les yeux, à se confronter à leur propre sexualité et au fait qu’il n’y a pas de honte à le faire. Être homosexuel ou transsexuel n’est pas illégal en soi mais encore très peu accepté et souvent considéré comme une maladie mentale. Le mariage homosexuel est encore illégal par exemple. J’espère pousser le gouvernement à être plus ouvert et à en parler au public. Et cela commence un peu à bouger : cette année, un sondage a été effectué auprès de la population sur des potentiels changements dans la loi.

Il y a une discussion sur le sujet des LGBT en ce moment en Chine ?

Depuis quelques semaines, il est question de réformes sur quelques points de la loi, notamment sur le mariage civil. Chaque citoyen peut donner son avis sur un site mis en place pour le sondage. Je suis optimiste même si je reste prudente de ne pas trop en attendre.

C’est un paradoxe, car votre film ne peut pas être vu pour aborder ce sujet. La censure est-elle à ce point déphasée avec la société chinoise ?

Oui mais si personne ne la remet en question, la censure n’évoluera jamais avec l’époque. D’ailleurs, je ne peux pas complètement blâmer le gouvernement sur le fait que mon film ne sorte pas en salles car j’ai moi-même choisi de ne pas passer par le bureau de censure. En tant que cinéaste, j’ai refusé d’effectuer ces démarches mais j’ai mis mon film en ligne afin qu’il soit vu par le public par un biais différent.

Avez-vous eu des retours sur votre film de gens qui l’auraient vus par ce biais ?

Je ne pourrais pas vous le dire. La mise en ligne s’est faite via un lien Wemail avec un code d’accès. Cependant, avec les VPN et décodeurs, il peut être extrait et rendu disponible sur d’autres sites. Cela reste alors assez flou.

J’ai eu l’opportunité de lire quelques critiques en ligne et les réactions sont assez extrêmes. Certains adorent, d’autres détestent. Il n’y a pas vraiment de juste milieu mais j’aime ça. C’est un film qui pose des questions et je comprends totalement qu’on puisse ne pas adhérer.

Quand on pense au sujet des LGBT dans le cinéma chinois, on peut songer à d’anciennes références comme Intimate Confession of a Chinese Courtisan (1972), un film de kung-fu qui montre frontalement une relation lesbienne. Il s’agit d’un vieux film en provenance de Hong-Kong. On peut penser également aux Filles du botaniste de Dai Sijie (2006), qui est une coproduction franco-canadienne. Ce sont des films gays, avec la spécificité qu’ils ne sont pas produits par la Chine continentale. Pensez-vous qu’il est si difficile d’y aborder ce sujet ?

Je pense que le problème principal vient du manque de financement. Comme je l’ai dit, j’ai fait en sorte que mon film ne soit pas estampillé LGBTQ donc je n’ai pas eu beaucoup de pression au moment du tournage. Les difficultés que j’ai eues ont été purement financières : je n’ai pas eu de subventions, le film a été intégralement produit sur mes deniers personnels et ceux de mes proches. Par ailleurs, mon film est en quelque sorte apatride, car il n’a pas le logo lui permettant d’avoir la nationalité chinoise mais pas non plus assez de fond espagnol pour avoir prétendre au visa national. Il n’a pas de nationalité donc il est difficile d’avoir un distributeur européen.

Parlons des plans dans votre film. On peut y voir un gimmick : les personnages assis en intérieur autour d’une table, filmés de manière symétrique. Cela peut évoquer le cinéma de Hong Sang-soo. Comment avez-vous abordé votre découpage ?

Beaucoup de personnes ont comparés mon cinéma à HSS. Je sais que c’est un cinéaste très renommé mais je dois admettre mon ignorance, je n’ai rien vu de lui ! Mais j’aime le cinéma coréen. J’ai vu des films d’autres cinéastes, j’admire beaucoup de cinéastes taïwanais, comme Hou Hsiao-hsien, de Edward Yang. Je pense qu’il y a des similarités dans la manière de faire des films en Asie. Une certaine qualité.

Le style visuel de mon film vient cependant davantage des peintures chinoises traditionnelles avec ces personnages calmes mais distants. Mes plans ont été inspirés de mes peintures favorites, comme 韩熙载夜宴图 (Night Revels of Han Xizai, ci-après) et si vous les voyez, vous remarquerez tout de suite des similitudes. Mon mari qui est directeur de la photographie aime aussi beaucoup le cinéma asiatique et cette forme d’art. Nous avons consulté des livres sur les peintures traditionnelles pour construire les plans. Nous sommes sur la même longueur d’ondes quand nous tournons.

Gu Hongzhong (5 Dynasties), The Night Revels of Han Xizai, in Zhongguo lidai huihua: Gugong bowuyuan canghua ji, vol. 1. Beijing: Renmin meishu chubanshe, 1978. p. 88.
detail of handscroll (dancing scene), ink and colors on silk, 28.7 x 335.5 cm (Wikipédia chinois)

Il y a une certaine symétrie dans la société chinoise, et dans la famille asiatique. Un certain ordre, qu’elle soit grande ou petite. Il y a toujours une hiérarchie, des règles. Traduire ceci en image était important et s’inspirer de la peinture traditionnelle était un bon moyen de l’exprimer. Certains peuvent penser que mes plans sont fixes à cause du budget réduit mais ce n’est pas le cas, j’avais cette idée en tête et c’était délibéré de ma part. Car c’est ce que nous sommes en tant que société : il y a un ordre à respecter et si on se tient bien, on sera récompensé.

C’était très important pour moi de faire des plans fixes ou rapprochés. Je n’aime pas trop les plans larges ou les champ/contrechamp. Je suis convaincue qu’il arrive toujours un moment dans une conversation où le langage perd son sens et où l’on veut que l’autre personne ressente davantage une émotion que le dialogue. La réaction est plus importante que ce qui est dit et, en cela le visage de la personne qui écoute est parfois plus important à filmer.

On peut régulièrement voir des plans rapprochés de la mère et de la fille, mais pas du père. Pourquoi ?

Dans beaucoup de familles en Chine, la mère fait tout : elle élève les enfants, s’occupe de la maison et tout ceci en ayant un travail. Généralement le père ne ressent pas le besoin d’accomplir ces tâches.

Dans le film, le père a une autre vie en dehors de sa famille, un amant et son métier. Il n’a pas passé assez de temps avec elle et il n’a pas la volonté de créer un lien plus fort avec sa femme ou sa fille. C’était une manière de montrer cela. Je souhaitais que le père soit plus en retrait car finalement c’est vraiment un film sur une mère et sa fille.

Vous avez déclaré avoir été influencé par deux réalisateurs : Luis Buñuel et Kon Satoshi. Pouvez-vous nous dire en quoi ils vous inspirent ?

Kon Satoshi ne suit aucunes règles, il crée au fil des émotions de ses personnages. J’avais beaucoup aimé Millennium Actress, la manière dont le film allait d’époque en époque, de la réalité à la fiction. Si l’animation peut le faire, je pense que la prise de vue réelle le peut également. La thématique de la frontière entre réalité et mémoire du passé m’a inspiré.

Le Charme discret de la bourgeoisie de Buñuel est un film que j’aime beaucoup. Étrangement, la première fois que je l’ai vu, j’ai eu le plus grand mal à rentrer dedans, je m’ennuyais et me demandais ce qu’il cherchait à nous dire. Et puis au bout de 20mn, on se rend compte que c’est génial. Ce n’est pas l’histoire en elle-même mais ce que Buñuel essaie de dire au-delà de cette histoire, ce qu’il essaie de refléter dans les gestes, et dans sa mise en scène. Il y a quelque chose de très inspirant et que l’on peut reprendre mais de manière différente.

Par exemple, il y a cette scène dans laquelle un personnage entre dans une pièce, décroche le téléphone, et parle. Soudain, dans le fond un avion passe et fait un bruit énorme. Comme si l’avion était juste derrière lui alors qu’en réalité il est très loin. J’ai tenté de faire quelque chose de similaire dans mon film dans la scène du petit-déjeuner et que l’on entend l’enregistrement qu’elle écoute en boucle très fort. Le père et la fille vivent dans l’ombre de la mère, elle-même complètement endoctrinée par une secte. Avoir le son de l’enregistrement emplir la scène permettait de montrer que même dans les silences, il y a ce bruit continuel. Buñuel m’a appris que le dialogue n’est pas important, ce qui est dit n’est pas important, l’important est cet avion et la tension que cela produit.

Comme le stress de nos vies. Il est invisible mais il emplit l’atmosphère tout autour de nous.

Certaine séquences présentent les personnages sur une scène de théâtre, comme un effet de style. Pourquoi ce choix de mise en scène ?

Quand j’écrivais le scénario, j’avais du mal à continuer. La 1ère version était très déprimante, je sentais que j’avais besoin d’alléger, de prendre du recul sur mon travail. Ces séquences étaient un moyen de créer un espace, une distance pour ne pas être trop immergé dans l’histoire. Et je pense que c’est pareil pour le spectateur.

Je ne veux pas tourner une scène de manière réaliste, je veux une variation de la réalité, avec une touche de surréalisme. C’est aussi une manière de garder une distance avec ma propre vie.

À propos de la scène de fin : la mère dit qu’elle était si proche dans sa jeunesse d’une amie que le père leur a demandé si elles étaient lesbiennes. Comment interpréter le silence qui suit ?

C’est une très bonne question. Il y a beaucoup de réponses à cela, selon les expériences et les sensibilités de chacun. Je laisse délibérément de la place pour l’interprétation parce que je veux faire réfléchir et provoquer des questionnements. Cependant, ce que je peux dire est que le silence laisse beaucoup de possibilités : oui, non, elle pourrait ne pas se souvenir, ou même ne pas savoir finalement. Et la réaction de la fille est également sujette à interprétation : elle pourrait supposer de la réponse positive ou négative, remettre entièrement en cause entière de sa construction et son existence. Si elle savait qu’elle n’était pas un enfant « de l’amour », elle serait à présent un prétexte pour couvrir la vraie sexualité de ses parents ?

Il y a une ambiguïté mais aussi l’idée que le mal est fait. On ne peut pas réparer ce qui a été fait. L’important est de vivre en acceptant ce qu’on est et en assumant ce que l’on est.

Beaucoup de gens me demandent si les deux femmes se pardonnent mais je pense que ce n’est pas vraiment important. Il faut d’abord se pardonner soi-même, se confronter à soi-même.

Ce silence permet aux spectateurs de réfléchir. Il y a un proverbe chinois qui pourrait se traduire par «  à présent, le silence est plus fort que les mots » et cela s’applique complètement ici.

À ce propos, la scène se déroule devant un rideau. Y’a-t-il un autre rapport avec le théâtre ?

C’est une coïncidence en réalité. L’accessoire était très grand et c’est ce qui donne cette impression. La construction du décor a été conçu pour ressembler à un théâtre mais le rideau était une coïncidence.

J’ai néanmoins été très influencée par le théâtre traditionnel chinois. Je suis très mauvaise chanteuse mais j’aime le regarder. On peut y voir des acteurs mimer des choses incroyables et ceci a été ma première expérience et c’est de là que m’est venue l’idée. L’opéra de Beijing a été une grande influence, comme Kon Satoshi et Buñuel.

Avez-vous de nouveaux projets ?

J’ai un nouveau projet qui va être tourné en mars en Andalousie. Je le produis et mon mari José Val Bal réalisera d’après un scénario qu’il a écrit. Nous sommes très enthousiastes mais nous en sommes encore au casting.

Le cinéma chinois est très dynamique, et a montré récemment des chefs-d’œuvre comme ceux de Hu Bo et Bi Gan. Que pensez-vous du cinéma chinois contemporain ?

Pour être honnête, je n’ai pas vu le film de Hu Bo et je n’ai vu que le 1er film de Bi Gan.

Vous avez effectivement dit que ne regardiez pas des films de ces dernières années…

J’essaie de ne pas regarder trop de films de réalisateurs de ma génération car chacun a sa vision et sa propre expérience. Je ne préfère pas m’y confronter pour garder ma propre perspective. Aussi, je privilégie des cinéastes plus établis, ou de générations plus antérieures.

La majorité de mon inspiration ne vient pas du cinéma mais plutôt de la vie ou de la littérature ou peinture. En tant que réalisateur, je peux regarder beaucoup de films mais sans l’expérience de la vie, je ne peux pas créer donc je préfère prendre l’inspiration dans la vie plutôt que dans les films que je regarde.

Quel est votre moment de cinéma, une scène, un film, un acteur qui vous ai particulièrement marqué dans le cinéma mondial ?

C’est difficile de choisir, il y en a tellement ! Il y a beaucoup de moments de cinéma qui m’ont touché, c’est une question très compliquée.

Hier, un journaliste m’a interrogé sur ma première expérience de cinéma et c’était Green Snake de Tsui Hark quand j’avais environ 8 ans. Cette femme serpent, l’image et le décor étaient sublimes. Quand on est enfant, on connaît bien sûr le conte du serpent blanc et du serpent vert mais il a su raconter l’histoire d’une manière totalement différente. Et j’avais adoré le film même si ce n’était pas forcément approprié pour un enfant de cet âge. Il n’y avait pas vraiment de classification pour les films et mes parents me couvraient les yeux pour les scènes que j’étais trop petite pour voir. J’en garde un souvenir très marquant.

Propos recueillis par Maxime Bauer à Paris le 28/01/2020 et retranscris par Claire Lalaut.

Remerciements à Niu Xiaowa et l’équipe du Festival Allers-Retours.

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