Le Festival d’animation d’Annecy, cuvée 2019, est bel est bien terminé. Nous sommes rentrés à Paris avec plein de souvenirs en tête, des coups de cœur, des coups de gueule, et un taux d’alcoolémie un peu élevé. On vous fait le bilan ici !
« Le plus beau des festivaux », tel est le slogan que se donne le festival lui-même. Et on n’est pas loin de le penser tellement l’ambiance d’Annecy est festive, grâce notamment aux étudiants en animation qui patientent des heures au soleil/sous la pluie pour pouvoir accéder aux salles, alors que nous, « presse », y entrons si facilement. Alors, qu’est-ce qui a fait battre notre cœur (en dehors des gars de Cinématraque) ?
Ce qu’on a aimé
Le tableau des étoiles s’en ressent un peu, ainsi que le carnet de bord : on a beaucoup aimé certains films asiatiques, par exemple Les Enfants de la mer, de Watanabe Ayumu, avec qui on a pu s’entretenir et qui est d’une grande gentillesse. Un film à revoir absolument à sa sortie le 10 juillet, tant sa qualité visuelle est impressionnante. Malgré quelques soucis de narration, Les Enfants de la mer restera notre coup de cœur asiatique de ce festival.
Revirement de situation : on a aussi aimé Ride Your Wave de Yuasa Masaaki, finalement. Oui, je sais, je retourne ma veste. Il faut remettre la projection dans son contexte : Ride Your Wave a été le premier film que j’ai vu à Annecy et j’en attendais beaucoup. Peut-être un peu trop. Etant une grande fan de Yuasa, période Mind Game, je pensais assister à un énorme trip à 10h30 du matin. J’ai donc été un poil déçue de ne voir qu’un très bon film, adulte dans sa thématique, mais un peu moins déjanté. Cependant, quand on le compare aux autres productions asiatiques projetées lors du festival, on se rend rapidement compte qu’il se situe dans le haut du panier.
Dans les petits coup de cœur, on peut aussi citer Promare d’Imaishi Hiroyuki, véritable explosion de couleurs et de décors pendant 2h. On ressort totalement lessivé de ce film, mais c’est plutôt plaisant. A noter que le film sera projeté en avant-première à la Japan Expo le 6 juillet et sortira en salles le 31 juillet, par Eurozoom. Vous avez intérêt à reproduire la même ambiance qu’à Annecy, donc hystérique !
Underdog des réalisateurs coréens Oh Sung-yoon et Lee Chun-baek, est quant à lui, plaisant, sans être révolutionnaire. On se prend d’amitié pour cette gentille meute de chiens. Pour autant, quelques jours après la projection, force est de constater qu’il ne me reste pas beaucoup de souvenirs en tête… Un film familial qui sera proposé prochainement en salles par Jokers. Vous pouvez y amener vos enfants d’une dizaine d’années sans aucun soucis !
Dernier coup de cœur asiatique, et pas des moindres : Le Serpent blanc, premier long-métrage d’animation japonais réalisé en 1958 par Yabushita Taiji. S’inspirant des productions Disney, Le Serpent blanc s’en distingue pourtant fortement en mettant en scène cette légende ancestrale chinoise. Les influences, asiatiques et occidentales, ne peuvent que séduire, malgré un certain manque de technicité pour l’époque.
Mais nous n’avons pas vu que des films asiatiques, loin de là ! On retiendra donc Buñuel après l’âge d’or de Salvador Simo, La Fameuse Invasion des ours en Sicile, réalisé par Lorenzo Mattoti, L’Extraordinaire Voyage de Marona de la réalisatrice Anca Damian et Ville Neuve, de Félix Dufour-Laperrière. Malheureusement, on ne pourra pas détailler chacun de ses films mais ils sortiront tous, tôt ou tard, en salles et on vous conseille fortement de les voir. On décerne aussi une mention au film Johnny Corncob (ou Jànos Vitéz) de Marcell Jankovics, premier long-métrage d’animation hongrois qui date de 1973. Ambiance psychédélique au programme ! Evidemment, on ne pouvait partir du festival sans voir J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, reparti triomphant, qui a su bouleverser notre petite cœur.
Enfin, Annecy a organisé pour la première fois une compétition pour les films VR. Cela a été l’occasion de découvrir Gloomy Eyes de Jorge Tereso et Fernando Maldonado, qui est reparti avec un prix, le flippant Gymnasia de Chris Lavis et Maciek Szczerbowski et l’émouvant Nothing to Be Written de Lysander Ashton.
Ce qu’on a moins aimé
Forcément, tout festival comporte son lot de films moyens, voire de mauvais films (on vous laissera choisir), à commencer par The Wonderland, le royaume sans pluie, le nouveau film de Hara Keiichi, qui ne ressemble strictement à rien. Il y a de jolis paysages mais la narration n’a aucun sens. On espère mieux la prochaine fois !
On sera un peu plus gentil avec The Relative Worlds, de Sakuragi Yuhei, puisque c’est un premier long-métrage. Pour autant, ce n’est pas de très bonne qualité. Le postulat de départ, deux mondes parallèles où chaque personne possède un sosie, était pourtant intéressant. Mais le réalisateur s’engouffre vite dans un scénario mêlant batailles de mécha et mélo qui ne fonctionne pas.
On continue avec le Japon et le nouveau film du Studio Ponoc, Modest Heroes. Dire qu’on a été déçu serait mentir puisqu’on n’y attendait rien. Mais on constate, une fois de plus, que n’est pas Miyazaki qui veut, et que le réalisateur Yonebayashi Hiromasa ferait mieux de se reconvertir.
Allez, un dernier long-métrage japonais pour finir, dont nous n’avons pas encore parlé : Human Lost de Kizaki Fuminori, projeté en séance évènement. Kizaki Fuminori a débuté sa carrière au début des années 1990 et notamment travaillé sur les séries Neon Genesis Evangelion, Ghost in the Shell: Stand Alone Complex et Afro Samurai. Human Lost est son premier long-métrage et est une adaptation très libre du roman japonais No Longer Human, écrit en 1948 par Dazai Osamu. L’adaptation est tellement libre qu’elle n’a plus rien à voir avec le livre. Le film se déroule à Tokyo en 2036. Une découverte médicale révolutionnaire vient de faire son apparition. À l’aide de nanomachines, les êtres humains sont désormais promis à une espérance de vie dépassant les 120 ans, libérés de toutes maladies. Une promesse idyllique… pour la poignée de nantis pouvant y accéder. Disparités sociales toujours plus grandes, décadence éthique et morale, pollution… L’envers du décor suggère une évolution de l’humanité bien plus sombre. Dit comme ça, le scénario a l’air simple. Et pourtant, très rapidement, on ne comprend absolument plus rien. Là aussi, n’est pas Oshii Mamoru qui veut… Le cyberpunk peut être délicat à manier et ce film le montre. Human Lost bénéficie pourtant de certains effets visuels intéressants, qui pourraient prendre aux tripes si seulement la narration était lisible, les personnages développés et que les ruptures de ton n’étaient pas si absurdes.
Enfin, on termine avec notre chouchou des films mal-aimés : White Snake des réalisateurs chinois d’Amp Whong et Ji Zhao. Ce film est un mystère pour moi. Toute la salle semble avoir aimé cette nouvelle adaptation de la légende du serpent blanc. Sauf nous (et nos potes de Cinématraque). Pourquoi ? On ne sait pas… Mais nous, on a trouvé White Snake vraiment mauvais, pas drôle et beauf, même si, visuellement encore une fois, le film est largement regardable.
A Annecy, il n’y a pas que des films, il y a aussi des Work in Progress (WIP). Alors, quand on a vu que serait présenté Weathering With You, le nouveau film de Shinkai Makoto, on s’est rué sur les réservations. Première mauvaise nouvelle : Shinkai n’était pas présent (mais il a laissé un gentil message à l’intention des spectateurs). Deuxième mauvaise nouvelle : son producteur, Kawamura Genki, a fait un WIP à la japonaise et donc, n’a absolument rien dit. Moi qui suis à la trace les annonces sur ce nouveau film, je suis sortie bredouille de cette présentation. A peine 3min inédites ont été montrées, avec des images non terminées. Les scoops ? Il y aura un chat dans le film et Shinkai Makoto est un cœur à prendre…
Ce qu’on a raté
Le Festival d’Annecy est dense pour une personne, trop dense. Il a donc fallu faire des choix puisque le dédoublement et la téléportation ne sont pas encore au point dans ce bas monde.
Qu’a-t-on loupé ? Beaucoup de séances, à commencer par celle du film d’horreur Aragne: Sign of Vermillion de Sakamoto Saku, projeté en même temps que Human Lost. A-t-on fait le bon choix ? On ne le saura jamais.
On a aussi raté le chef d’oeuvre Venus Wars de Yasuhiko Yoshikazu, en version restaurée. Classique de l’animation japonaise, Venus Wars est un indispensable pour tout fan de l’animation de la fin des années 1980, même s’il convient de prendre du recul sur certains dialogues qui peuvent prêter à sourire ou énerver certains.
Dernier long-métrage qui nous est passé sous le nez : le film chinois Kung Food de Haipeng Sun. Alors, en réalité, je suis allée en salle… mais j’ai tenu 5min avant de sombrer dans un profond sommeil devant cette histoire de Super Bao sauvant le monde des aliments. Sorry…
Enfin, un pan entier du festival a été impossible à caser et c’est bien dommage puisqu’il s’agissait des séances en hommage à l’animation japonaise. Au nombre de 10, ces séances ont permis de mettre en avant de jeunes réalisateurs japonais du cinéma d’animation comme Wada Atsushi mais aussi des plans anciens tels que Takahata Isao et son adaptation du roman Anne… la Maison aux pignons verts. On regrettera aussi de ne pas avoir pu assister à la leçon de cinéma du maître de l’animation Kotabe Yoichi, collaborateur de Miyazaki Hayao et de Takahata Isao.
Conclusion
On a vécu une très belle édition, riche en projections et en rencontres. On ne compte pas les soirées passées en compagnie de nos collègues journalistes, en refaisant le mode.
On a également eu de belles surprises en termes de cinéma d’animation. Toutefois, on peut noter que nos coups de cœur, à quelques exceptions près, ne concernent pas le cinéma asiatique. Le Japon se défend tant bien que mal, ce qui est normal vu le nombre de films sélectionnés ; la Corée semble toujours à la traîne et la Chine a privilégié des longs-métrages ultra commerciaux pour assurer ses arrières. Quant aux autres pays, ils étaient totalement absent des catégories longs-métrages. Espérons que ce ne soit que passager !
On remercie évidemment la clique de Cinématraque, nos partenaires sur ce festival. Mais nos plus grands remerciements vont à l’équipe d’Annecy, et tout particulièrement à Laurence Ythier, Véronique Dumon, Ophélie Surelle et Gabin Fontaine.
Elvire Rémand