EN SALLES – The Mumbai Murders d’Anurag Kashyap (en salles le 21/11/2018)

Posté le 21 novembre 2018 par

Sortant aujourd’hui en salles, The Mumbai Murders n’est pourtant pas un nouveau film du réalisateur indien Anurag Kashyap. Intitulé Raman Raghav 2.0 lors de sa projection à Cannes en 2016 et dans divers festivals, il est apparu sur Netflix fin 2016 sous le titre Psycho Raman. La version disponible sur le géant américain de la VOD est un peu différente, on profite donc de sa sortie en salles pour découvrir le véritable montage dans The Mumbai Murders !

 

Anurag Kashyap, malgré sa bonne bouille souriante, ne s’est pas calmé. Il nous avait déjà bien secoués avec Ugly qui n’avait laissé personne indifférent. The Mumbai Murders en est de même avec ses 2h06 de violence et de perversité inouïes.

The Mumbai Murders est inspiré de la vie du tueur en série Raman Raghav, schizophrène ayant sévi à Bombay à la fin des années 1960. Pour autant, ce n’est pas un biopic du serial killer indien. Le film suit Ramanna, fasciné par le célèbre tueur, et débute alors que que le personnage a déjà plusieurs meurtres à son actif. Anurag Kashyap ne filme donc pas les racines du mal mais son expansion. Véritable psychopathe, Ramanna vit comme un sans-abri, dans les ruelles décrépies de Bombay. Il squatte, mendie avec une barre de fer à la main et déclame des propos délirants sur Dieu. L’action débarque très rapidement au cours du film, dans une scène choc et très longue, au cours de laquelle Ramanna s’incruste chez sa sœur et la terrorise ainsi que son mari et son fils. Avec cette scène liminaire d’une brutalité physique et psychologique hallucinante, Anurag Kashyap montre immédiatement au spectateur qu’il ne doit pas s’attendre à de la légèreté. De cette folie meurtrière s’ensuit un jeu du chat et de la souris entre Ramanna et Raghavan, flic beau gosse, clope au bec et cheveux gominés, qui veut arrêter le massacre.

Il faut l’avouer : chaque élément du film pris séparément est réussi. Anurag Kashyap n’a plus besoin de prouver qu’il sait réaliser un film, qui plus est un polar. L’antagonisme des deux protagonistes est visible et même palpable. Pour des raisons budgétaires, Anurag Kashyap a tourné dans le Bombay actuel, filmant les maisons décrépies, les ruelles et les terrains vagues où traîne Ramanna. Ce dernier est généralement mis en scène dans des plans-séquences, sauf dans ses accès de colère, qui voient un montage plus saccadé. La bande-son qui accompagne ses déambulations, de la pop indienne contemporaine, accentue son errance. A l’inverse, Raghavan, le flic, vit plutôt confortablement et passe ses soirées en boîte de nuit à danser sur de la musique psychédélique, à sniffer de la coke et à draguer de jolies jeunes femmes. Les plans sont alors très serrés, découpés et montrent la tension perpétuelle dans laquelle vit ce faux héros. Deux personnages à l’opposé, deux ambiances. Physiquement, Ramanna a tout du psychopathe en puissance et est brillamment interprété par Nawazuddin Siddiqui (The Lunchbox), dont le regard, quasiment reptilien, est fascinant. Raghavan, lui, joué par Vicky Kaushal (Masaan), cliché du jeune policier déjà désabusé. Beau à se damner, séducteur, viril, il est clair qu’il ne lâchera pas l’affaire tant qu’il n’aura pas arrêté le fou furieux. Pour jouer avec les nerfs du spectateur et renforcer la tension latente, le cinéaste s’amuse des ruptures de ton. Bien que The Mumbai Murders soit ultra-violent et noir, quelques scènes d’humour ponctuent le récit, notamment celles se déroulant au commissariat, lieu comique par excellence dans le cinéma indien qui nous fait relativiser la désorganisation de l’administration française.

Peu à peu, le film dépasse le simple polar. En effet, ces deux personnages, qui paraissent si différents au premier abord, ne le sont finalement pas tant que ça. Raghavan, qui détient le bon rôle en étant le gentil flic, est tout sauf un saint. Drogué, violent, il passe ses nerfs sur ses conquêtes d’un soir. Une mention spéciale doit être décernée aux femmes de ce film qui, bien qu’au second plan, sont omniprésentes et s’en prennent littéralement plein la tête. Ramanna, qui le suit à la trace, se délecte évidemment de découvrir en ce jeune policier son alter ego. Il reste difficile, à la fin du film, de trouver la réponse à cette question : qui est plus pourri que l’autre ? The Mumbai Murders a au moins le mérite de renverser les codes du polar. Malheureusement, même si le duo fonctionne un temps, rapidement, le charisme de Nawazuddin Siddiqui écrase Vicky Kaushal et son manque de prestance.

The Mumbai Murders est un savant mélange de genres et le film a une énergie débordante. Cette dernière est malheureusement parfois mal maîtrisée et rend le film un peu foutraque. Anurag Kashyap s’est amusé à tourner, cela se sent. Mais il n’arrive pas à faire un choix entre mettre en avant l’atmosphère ou insister sur la violence des personnages. Par moment, le film est hystérique sans raison particulière et d’autres scènes se montrent pudiques en violence alors qu’elles ne devraient pas l’être. On sort de ces 2h de projection un peu épuisé et avec une impression mitigée : le film est jouissif mais il manque ce petit truc qui avait fait d’Ugly une véritable claque. Peut-être un excès de confiance du réalisateur ?

Elvire Rémand.

The Mumbai Murders d’Anurag Kashyap. Inde. 2016. En salles le 21/11/2018.

Imprimer


Laissez un commentaire


*