FICA 2018 – Red Amnesia de Wang Xiaoshuai (Hommage)

Posté le 25 janvier 2018 par

Le 24ème Festival International des Cinemas d’Asie de Vesoul rend hommage à Wang Xiaoshuail en proposant l’intégralité de sa filmographie. L’occasion de revenir sur Red Amnesia datant de 2014 un film élégant, angoissant et poignant.

C’est sur des bâtiments vides que s’ouvre Red Amnesia. La caméra navigue lentement dans ces lieux qui semblent hantés. Elle se meut tel un fantôme, au milieu des ruines, des verres et des fenêtres cassées. Le lieu semble abandonné, totalement mystérieux.

Ce flottement pourrait très bien être la symbolisation des rêves de Deng (Lü Zhong), une vieille femme qui vit seule dans un petit appartement de Pékin. Elle apparaît triste. Wang Xiaoshuai la filme souvent de dos, la suit partout, se traînant d’un lieu à un autre. La découverte du rituel de Deng se fait en parallèle avec celui d’un jeune homme qui s’introduit dans les appartements des autres.

Red Amnesia

Deng veut servir à quelque chose. Elle navigue entre les visites chez son fils Jun (Feng Yuanzheng), sa femme et son fils, celles chez son autre fils, homosexuel en couple dont elle ne supporte pas la sexualité et celles à l’hospice pour voir sa vieille mère encore vivante.

Ce quotidien est perturbé lorsqu’elle commence à recevoir des coups de téléphone anonymes. Sans arrêt, ce téléphone rouge sonne, comme un rappel. L’amnésie rouge du titre n’est pas tout de suite compréhensible et ce téléphone se transforme en douloureux réveil pour la vieille dame.

Red Amnesia cultive une ambiance particulière, entre étrangeté onirique et thriller pendant la majeure partie du film. Les visions de cauchemar, l’angoisse de cette vieille dame qui ne parvient plus à trouver sa place et sa quête de vérité donnent un drôle de cachet à l’ensemble. A l’instar de Jia Zhang-ke sur A Touch Of Sin, Wang se sert de l’écrin du genre pour aborder une réalité sociale dure et terminer sa trilogie « du 3ème front » commencée en 2004 avec Shanghai Dreams et poursuivie en 2011 avec 11 Fleurs.

Au who dunnit succède l’horreur pure lorsque les deux personnalités, la vieille dame et le jeune homme, se télescopent. Certaines scènes, sans avoir l’air d’y toucher, deviennent suffocantes tant l’on tremble pour l’héroïne. L’étau se resserre et la prise de conscience progressive de Deng fait encore basculer le film. La violence explose au visage, les mots claquent, le sang coule.

Red Amnesia

Il y a des plans qui marquent dans Red Amnesia, des visions saisissantes, terrorisantes et une caméra élégante, racée. Wang déploie tout son savoir-faire, entre naturalisme et mise en scène stylisée

Puis soudain, le drame social éclate, l’amnésie rouge n’est plus. Tout prend sens, mais rien n’est réglé. Le véritable réussite de Red Amnesia, au-delà d’un magnifique portrait de femme, réside dans l’inconfort, les dilemmes moraux insolubles des protagonistes, de l’incapacité pour les personnages d’oublier. La vieille dame n’oubliera jamais les torts qu’elle a causés, elle restera bloquée pour toujours. Son esprit est resté coincé dans ces bâtiments fantômes, où l’âme de ceux qui ont souffert demeureront à jamais. Dans un dernier plan, un dernier souffle, c’est toute la souffrance d’une génération qui transparaît.

Jeremy Coifman.

Red Amnesia de Wang Xiaoshuai. Chine. 2014. 

Projeté au 24ème Festival International des Cinemas d’Asie (FICA) de Vesoul.

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