BIFFF 2017 – Death Note: Light Up The New World, de Shinzuke Sato : Un nouveau monde en devenir

Posté le 6 mai 2017 par

Shinzuke Sato est habitué des adaptations de manga. Il s’est chargé, outre cette suite de Death Note, de Gantz, d’I Am A Hero (récompensé l’année dernière du Corbeau d’or au BIFFF) et il travaille actuellement sur Bleach. Cette 35ème édition du Brussels Intarnational Fantastic Film Festival permet de découvrir cette nouvelle déclinaison de l’univers de Death Note, hors-compétition.

Au départ, Death Note est un célèbre manga écrit par Tsugumi Oba et dessiné par Takeshi Obata. Il raconte comment un dieu de la mort laisse tomber son carnet sur Terre. Cet objet, récupéré par un adolescent particulièrement intelligent, permet de tuer toute personne qui voit son nom inscrit dedans. La bande-dessinée raconte la chasse entre cet adolescent (Light, qui se fait appeler Kira) et la police, surtout représentée par L, enquêteur effroyablement brillant. Le récit, tendu, joue ainsi énormément sur les machinations, les dialogues et la manipulation.

death note light up the new world

Le manga est devenu un véritable phénomène, grâce à une histoire faisant la part belle à de nombreux dialogues et à des personnages bien écrits et non manichéens. Catégorisé shônen (manga pour adolescents), Death Note ose une histoire sombre où il est difficile de faire la distinction entre héros et méchants. 13 tomes ont été publiés en France entre début 2007 et fin 2008. Le succès de la bande-dessinée a donné naissance à une série animée, mais aussi à plusieurs films. Kanedo Shûsuke a, en 2006, réalisé un diptyque adaptant fidèlement l’histoire du manga (Death Note et Death Note: The Last Name). Death Note: Light Up The New World en est la suite, réalisée dix ans après (et dont l’histoire se déroule elle aussi dix ans après les événements narrés dans les films précédents). Mais ce n’est pas tout. Nakata Hideo (qui s’est un peu perdu depuis la réalisation de Dark Water) s’approprie l’univers le temps d’un film spin-off intitulé L: Change The World et qui se penche donc fort logiquement sur L, le super-enquêteur affrontant Kira. La filiation avec l’univers mis en place par Death Note et Death Note: The Last Name est évidente puisque Matsuyama Ken’Ichi, l’acteur incarnant L dans les films de Kanedo Shûsuke reprend son rôle pour Nakata Hideo. Un drama voit aussi le jour en 2015, avec 11 épisodes suivant là aussi l’histoire du manga originel. Et le récit devient même, entre les mains de Jack Murphy et du compositeur Frank Wildhorn, une comédie musicale : Death Note: The Musical. A cela s’ajoute un jeu vidéo sur Nintendo DS proposant des mini-jeux centrés sur les dialogues, et suivant toujours l’histoire de la bande-dessinée.

Le phénomène Death Note est loin de s’essouffler, puisqu’en plus de ce Death Note: Light Up The New-World l’année dernière, Netflix vient de se réapproprier le récit et prévoit de sortir une version américaine en août 2017. Le géant du streaming rencontre d’ailleurs de nombreuses polémiques car le héros n’est pas Japonais, ce qui pourtant n’est pas surprenant, puisque cette nouvelle version prend place aux États-Unis. Nul doute que nous en parlerons au moment de sa sortie.

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Death Note: Light Up The New World se passe dix ans après les événements contés dans Death Note et Death Note: Last Name, alors que Kira et L sont tous les deux morts. Six carnets arrivent sur Terre, récupérés par des personnes différentes. Le début du film dévoile un médecin qui commence à tuer des gens en fin de vie par compassion, et le spectateur apprend par la suite qu’il orchestre un site de suicides assistés grâce à son carnet. Un autre est détenu par un cyber-terroriste nettoyant le monde des sympathisants au terrorisme. Ce départ semble vouloir prendre de l’envol par rapport au récit originel, mais aussi développer une certaine vision du chaos. Chaque possesseur d’un carnet de la mort se sent concerné par des croisades différentes. Shinzuke Sato fait cependant un grand écart entre ces ambitions et une envie visible de respecter l’histoire du manga, puisque le récit se centre rapidement sur le Japon. Un successeur de Kira y cherche à récupérer tous les livrets, ce qui pourrait, du fait d’une prophétie, faire apparaître Kira. En plus du successeur du dieu de la mort, dont le spectateur entend beaucoup parler, le film dévoile très rapidement le successeur de L, qui dirige une force de police spécialisée dans la traque des possesseurs de carnets. Ikematsu Sôsuke donne vie à ce personnage, et lui offre des tics de langage et des postures qui l’affilient immédiatement à L et à ses singularités.

Death Note: Light Up The New World peine à choisir entre se libérer du matériau originel ou lui rendre hommage, mais se montre respectueux et comprend l’essence de l’histoire de Tsugumi Oba. Peu d’actions et de nombreux duels de dialogue sont dévoilés, les porteurs du carnet utilisant les mêmes techniques que Kira en son temps. Entre s’attribuer le regard offert par les dieux de la mort et permettant de voir, quand on regarde quelqu’un, son nom exact, ou la manière importante dont quelqu’un meurt, ses derniers actes pouvant devenir très symboliques selon ce qui a été marqué à côté du nom d’un protagoniste de cette lutte, les techniques du manga s’y retrouvent donc. A cela s’ajoutent des personnages aux personnalités proches de ceux du manga. Ryuzaki, en possédant le même genre de tics que L, est clairement son successeur. Les motivations du nouveau Kira, à savoir créer un ordre nouveau dénué de crimes, le placent lui aussi dans la continuité. Amane Misa (incarnée par Toda Erika) est un des personnages des films précédents et du manga, et cette vision d’Amane est très fidèle. Modèle amoureuse de Kira, elle redeviendra dédiée à lui dès qu’elle retrouvera la mémoire. Les manipulations du carnet (petit morceau dissimulé dans une montre, faire en sorte de toucher le carnet pour se reconnaître puisque cela permet de voir le dieu de la mort présent) sont utilisées avec respect. Les excellents effets spéciaux permettent une belle mise en place de l’imaginaire créé par les dessins de Takeshi Obata. Une réalisation élégante rend l’action (quelques séquences sauvages, mais surtout des duels de dialogue filmés comme des scènes d’action) tendue. Elle permet de s’immerger dans l’univers. Death Note: Light Up The New World part cependant du principe que le spectateur est familier de l’imagerie et de l’univers, et le film est malaisé à suivre pour quelqu’un n’ayant pas vu les deux films précédents ou lu le manga.

Il est perceptible que l’équipe du film apprécie le manga et souhaite en ressortir l’essence et l’esprit tout en livrant une histoire différente. Elle parvient, à travers de nombreux dialogues, à être tendue, les enjeux étant toujours présents (et ils sont très importants, puisque le pouvoir du ou des porteurs de carnets est impressionnant). Les deux heures de film sont nanties de nombreuses scènes marquantes, que ce soit les conversations des policiers autour du carnet de la mort qu’ils ont réussi à récupérer, ou encore cette séquence virevoltante dans laquelle un porteur de carnet tue au hasard les gens autour de lui. De cette manière, il crée la panique afin d’essayer de s’enfuir. La caméra se positionne alors au sein de la foule et virevolte, réussissant à saisir la panique et le côté inéluctable de ce massacre de masse. Le point de vue alterne entre les policiers, poursuivant le suspect, assistant impuissants à la chute de passants innocents tout en devant se cacher le visage pour éviter de subir le même sort, et le point de vue du suspect. La vision spéciale de certains porteurs est retranscrite à l’écran, le tueur pouvant voir leur nom au-dessus d’eux. De même, l’imagerie des dieux de la mort est intéressante, ceux n’étant pas dans le manga se révélant très différents, même si peu présents. Là encore, la réalisation utilise leur présence (et leur invisibilité pour les non-porteurs du carnet) pour mettre en place une séquence dans laquelle un tueur équipé d’un livre et d’un stylo essaie d’éviter les balles pendant que le dieu de la mort arrache les masques des forces de l’ordre pour permettre que leur nom soit écrit dans l’ouvrage. Encore une fois, le point de vue alterne, montrant par moment le dieu courir parmi les policiers en s’amusant beaucoup. Et tout à coup le spectateur voit les masques s’enlever tout seul, alors que la caméra prend le point de vue des humains qui ne voient pas la créature et se retrouvent désemparés alors que leur nom est écrit et qu’ils meurent sur le coup.

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La photographie est très léchée, épaulant une réalisation intelligente qui cherche toujours à appuyer le récit et non à se substituer à lui par de l’esbroufe. Les acteurs sont très investis dans leur rôle, et les effets spéciaux réussis, en particulier les différents dieux de la mort, même si seuls trois sont dévoilés, dont un vraiment brièvement. Le film cherche à mettre en avant des créatures différentes, au design réfléchi et original. Death Note: Light Up The New World est sage en préférant ne pas s’éloigner du manga originel, mais se révèle être un solide divertissement, qui plaira beaucoup aux amateurs de l’œuvre.

Yannik Vanesse.

Death Note: Light Up The New World, de Shinsuke Sato (2016). Projeté au Brussels International Fantastic Film Festival 2017.

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