En salles – ADIEU MANDALAY de MIDI Z (sortie le 26/04/2017)

Posté le 25 avril 2017 par

Midi Z, cinéaste birman formé à Taïwan nous offre une nouvelle chronique sur la jeunesse de son pays. Après Ice Poison qui montrait les dessous du trafic de drogue, Adieu Mandalay montre la vie de ceux qui s’y refusent. Celle de jeunes Birmans qui veulent tenter leur chance en Thaïlande. À découvrir en salles le 26 avril !

Midi Z est un cinéaste formé à Taïwan qui partage avec ses pairs une sensibilité pour le réel comme un enchaînement de faits, d’actions. Le cinéaste est toujours très documenté et reste au plus proche de ce que serait la réalité des situations qu’il met en scène. Ce côté documentaire sert au mieux des expérimentations formelles qui mettent en évidence la réalité représentée. Le film suit une jeune femme (Ke-Xi Wu) qui va clandestinement en Thaïlande pour y travailler et aider sa famille. Elle y croise un jeune homme (Kai Ko) qui va tomber amoureux d’elle et, doucement, tenter de prendre le contrôle de sa vie.

Adieu Mandalay

Midi Z poursuit son dispositif d’observation de la jeunesse birmane. Le film se construit dans un premier temps comme une représentation rigoureuse de la vie d’une jeune femme birmane en Thaïlande. La mise en scène permet à Ke-Xi Wu (qui était déjà dans Ice Poison) de continuer d’explorer les facettes de la jeune femme birmane contemporaine, entre détermination, doute et tristesse. La caméra de Midi Z laisse les corps interagir ou nous raconter le désarroi des situations. Après qu’on lui refuse son premier travail parce qu’elle est clandestine, un gros plan sur le visage de Ke-Xi exprime le drame présent et celui à venir.

La confiance qu’a Midi Z en la dramaturgie du réel le pousse à ne travailler que sur une représentation minutieuse de ce dernier. Il ne fait pas de grands mouvements de caméra, mais sculpte discrètement les plans pour mettre en évidence les enjeux des échanges ou des situations qui ponctuent le film. Ces choix produisent un film fascinant, car il n’impose pas une morale ou une vision sur les événements qu’il montre. Les clandestins ne sont pas montrés comme des victimes, et les patrons pas forcément comme des salauds. Il y a même une certaine absurdité du réel que le cinéaste s’applique à montrer pour renforcer le tragique des situations. Les travailleurs birmans sont constamment obligés de signer des papiers, alors que leur signature ne vaut rien en tant que clandestin. Ou, plus intéressant voire comique, la corruption des policiers thaïlandais se fait dans un certain cérémonial et n’est pas exempt d’une politesse déplacée. Midi Z s’attache à décrire le réel pour en montrer la tristesse ou l’absurdité, mais ce n’est pas le seul moteur de son cinéma.

Road To Mandalay

La chronique sociale laisse également place à la romance. Le cinéaste construit une histoire d’amour pour en montrer l’impossibilité. Qu’il se tienne à un dispositif réaliste n’entre pas en contradiction avec une structure fictionnelle. Au contraire, celle-ci vient apporter un supplément d’âme qui tranche avec la froideur du geste initial. Il y a notamment cette scène où les employés de l’usine font une fête avec des jeux d’eau. Elle offre un moment romantique pour le couple de clandestins. Mais comme dans Ice Poison, le réel est tragique. C’est cette histoire d’amour qui entraîne le film dans des sentiers plus oniriques, expérimentaux et amène à la violence de la situation sociale. Un employé se blesse et c’est le film qui se fracture. Les personnages se perdent dans leur acharnement. Ils prennent les chemins sinueux de leur condition. La mise en scène évoque Goodbye South, Goodbye. Puis Midi Z réussit à faire entrer dans son film une dimension onirique qui vient appuyer la violence du réel par la métaphore dans une scène de prostitution qui fait écho à un cinéma surréaliste, politique. La frustration qui berçait le film se concrétise dans sa scène finale marquante, une vision du Cauchemar de Johann Heinrich Fussil.

Road to Mandalay

Le cinéaste birman continue d’explorer brillamment la jeunesse de son pays dans un film qui ose utiliser les moyens du cinéma pour venir exprimer la violence la plus prosaïque de nos sociétés. Il tend à devenir une figure majeure du cinéma de sa région et Road to Mandalay prouve que son œuvre est déjà passionnante. Entre l’âpreté d’un Jia Zhangke et le triste romantisme d’un Hou Hsiao-Hsien, Midi Z commence à imposer un regard singulier sur la jeunesse birmane qui était, jusque-là, peu visible voire absente du cinéma.

Kephren Montoute.

Road to Mandalay. Birmanie. 2016. En salles le 26/04/2017.