A la Quinzaine des Réalisateurs et dans la catégorie Un Certain Regard, nous avons pu découvrir deux films avec des animaux très mignons (ou pas) : Wolf and Sheep de Shahrbanoo Sadat et La Tortue rouge réalisé par Michael Dudok de Wit.
Shahrbanoo Sadat est une jeune réalisatrice afghane. Née à Téhéran de parents afghans, elle part vivre avec eux en Afghanistan au début des années 2000, dans la vallée reculée de Bamiyan. Wolf and Sheep est son premier long-métrage, qu’elle a elle-même produit par le biais de sa société Wolf Pictures.
Tourné au Tadjikistan pour des raisons de sécurité, Wolf and Sheep suit la vie quotidienne d’une communauté de bergers. Les enfants surveillent les troupeaux et ne fréquentent pas le sexe opposé. Les adultes, de leur côté, parlent beaucoup : de commérages mais également de légendes aux plus jeunes, notamment celle du loup qui serait en fait un homme ou une fée et qui viendrait dévorer les moutons la nuit. L’objectif pour les enfants est donc simple : protéger les troupeaux.
Ce qui frappe avant tout dans Wolf and Sheep, ce sont les décors, naturels. Les montagnes arides de l’Afghanistan (et du Tadjikistan en l’occurrence) sont sublimées par la caméra de la cinéaste. Point de discours politique dans ce film ; le spectateur suit juste le déroulement de la vie de bergers dans un pays bien trop peu connu, si ce n’est par les multiples conflits qui l’agite depuis des décennies. Durant 1h26, les séquences s’enchaînent, montrant les garçons chahutant dans l’eau ou s’entraînant au ricochet et les filles jouant à se marier. Ce sont des enfants comme tous les autres, au détail près qu’ils passent leur temps à s’insulter. Mais la nuit, quand tout le monde dort, le loup vient rôder. Il apparaît parfois sous la forme d’une femme à la peau verte, nue, déambulant dans les montagnes. Le lendemain, des moutons sont retrouvés égorgés.
Plutôt agréable à regarder, Wolf and Sheep en oublie un élément clé d’un film : le scénario, qui ne comporte aucun enjeu narratif. Tout n’est qu’enchaînement de séquences, qui ne sont jamais liées l’une à l’autre. La thématique du loup, pourtant intéressante, n’est pas du tout exploitée et ses rares apparitions sont kitsch et cheap (sheep…). D’une grande qualité formelle, le film de Shahrbanoo Sadat ne convainc pas. Mais il est indéniable qu’il faudra suivre cette réalisatrice de 26 ans qui aura certainement de belles choses à montrer à l’avenir.
Deuxième film à mettre en scène des animaux, cette fois très mignons : La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit. Bien que minoritaire, le cinéma d’animation a toujours été représenté au Festival de Cannes. Premier long-métrage du cinéaste, La Tortue rouge est un projet né au Japon grâce à Takahata Isao (Le Conte de la princesse Kaguya). Séduit par le travail du Néerlandais, il arrive à convaincre le studio Ghibli de coproduire le film. C’est ainsi que La Tortue rouge, réalisé en France, est né. Relecture du mythe de Robinson Crusoé, La Tortue rouge suit la vie d’un naufragé sur une île déserte. Oiseaux, crabes et tortues sont ses seuls compagnons jusqu’au jour où une femme fait son apparition. Muet, le film arrive néanmoins à faire passer sans aucune difficultés une palette d’émotions allant de la sérénité d’une vie quotidienne faite de pêches et de promenades à la peur lors de l’arrivée d’un tsunami.
La Tortue rouge est marquée par l’influence de Ghibli, tant par le dessin des paysages (une forêt de bambous digne d’un film de Takahata) que par l’esprit qui habite le film. Le couple vit en harmonie avec la nature, nageant avec les tortues et apprivoisant les éléments. Quelques envolées oniriques complètent le tableau de l’île paradisiaque où il fait beau vivre. La scène du tsunami, par exemple, est impressionnante de maîtrise technique et de poésie.
Le premier long-métrage de Michael Dudok de Wit est joli, mignon. Mais il manque d’une certaine profondeur. Tout le monde n’est pas Takahata Isao malheureusement. La répétition des scènes de la vie quotidienne peut parfois devenir lassante. Il n’empêche que ce film a été une jolie parenthèse dans le bouillonnement incessant du Festival de Cannes.
Elvire Rémand.
Wolf and Sheep de Shahrbanoo Sadat. Projeté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2016.
La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit. Projeté dans la catégorie Un Certain Regard du Festival de Cannes 2016. Sortie française le 29 juin 2016.