DVD – SIDDHARTH DE RICHIE MEHTA

Posté le 11 juillet 2015 par

Une quête optimiste rattrapée par la cruauté de la réalité ! Richie Mehta retourne sur la terre de ses ancêtres pour y réaliser un film néo-réaliste implacable : Un Taken aux accents de cinéma vérité balayé de Liam Neeson !

Les poches crevées mais le cœur léger, Siddharth, 12 ans, part travailler loin de son foyer. Sa famille, ne survivant que grâce au maigre revenu du père, compte sur son aide afin de s’extirper de son impécuniosité. Mais, le garçonnet disparait sans laisser de trace. Son père, Mahendra (Rajesh Tailang) entreprend alors un périple, à travers l’Inde, dans l’espoir de retrouver son fils. Petit-poucet rêveur, celui-ci n’a malheureusement semé aucun indice et son sort laisse présager du pire !

Satyajit Ray et Vittorio De Sica égrènent ici leur empreinte influente sur la mise en scène de Richie Mehta. Entre fiction et documentaire, plan méditatif et décor naturel, Siddharth exsude à chaque séquence la dualité d’une Inde fourmillante. Avancées technologiques et misère, joie et détresse…les maux de la société surgissent avec fureur.

siddharth

Le récit de Siddharth ébranle via le parti-pris réaliste de Richie Mehta y transposant une histoire authentique. Mais, contrairement à la violence du Ugly de Anurag Kashyap, où une petite fille disparaissait et permettait à son réalisateur de décrier l’évolution de la société indienne en quête de frivolité et le chaos de la nature humaine dictée par ses bas instincts, Siddharth explore d’autres horizons. Passé les bruits et la poussière de la ville, on y découvre la rudesse des vies. Combat de chaque instant. Dignement, le père de Siddharth tente de remédier, bon gré mal gré, à son malheur mais la banalisation de la misère sociale et humaine le repousse à chaque avancée dans ses retranchements.

C’est avec pudeur et sincérité que Siddharth se révèle grâce à une finesse du jeu d’acteurs. Si Rajesh Tailang (le père) porte le film sur ses épaules, on y croise Tannishtha Chatterjee (Brick Lane), une nouvelle fois méconnaissable et saisissante dans le rôle de la mère. Quant à Siddarth (Irfan Khan) omniprésent mais évanescent, il revient tout au long du film comme une ritournelle persistante supplantant sa présence à l’écran. Car, au fil des péripéties, le souvenir du visage de Siddarth se dissipe. Ne pouvant se résigner à vivre ce cauchemar, à oublier son fils, le père s’accroche ainsi à sa quête.

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D’autre-part, si au détour de dialogues cinglants et de touches humoristiques, une tristesse organique s’instaure, insufflant ainsi une atmosphère déconcertante, les talents du metteur en scène défaillent. Celui-ci a, en effet, confié la musique de son film à Andrew Lockington. Les mélodies de ce dernier siéent certes davantage pour illustrer des long-métrages de divertissements, comme San Andreas, mais s’avèrent en porte-à-faux quand il s’agit d’un film d’auteur. Au lieu de sublimer le métrage, la musique l’écorne en devenant intrusive. Ainsi, en essayant de tirer les larmes des spectateurs à coups d’archet, Siddharth prend des atours de mélo sirupeux bien loin des intentions de la mise en scène tout en retenue.

Au gré de ce parcours, dans un dédale de lieux, menant à l’infernal quartier de Dongri, le film expose l’amour et le désespoir d’un père dans un pays qui se révèle sous les formes d’un monstre tentaculaire et difforme. Un univers ingérable où les pires vilenies s’incarnent et où la misère n’offre plus pour échappatoire l’espoir, dernier rempart des désœuvrés. La résignation devient la seule issue.

Siddharth marque le renouveau du néo-réalisme ! Un film universel et poignant sur les drames engendrés par la misère sociale dans un monde sans foi ni loi. Richie Mehta y retranscrit un péril humain. Un choc sans concession !

Marjolaine Gout.

Siddharth de Richie Mehta. Inde. 2013. Disponible en DVD, édité pat Blaq Out, à partir du 09/07/2015.