Dossier – Fury Of Jet Li

Posté le 25 avril 2015 par

À l’occasion de la sortie en DVD, Blu-ray et VOD de Badge of Fury le 24 avril, retour sur quelques films essentiels d’un acteur mythique, de sa collaboration avec Tsui Hark à quelques pépites à redécouvrir.

 Jet Li / Tsui Hark 

1991 : Il était une fois en Chine

il était une fois en chine

Un sentiment d’ivresse et d’extase saisit aujourd’hui le spectateur du premier volet de ces aventures modernes de Wong Fei Hung. À la fois chaotique et virevoltant mais complétement maitrisé et parfaitement millimétré, Il était une fois en Chine doit sa réussite à la synergie de trois hommes, tous au somment de leur art en cette belle année 1991. Jet Li est d’une grâce extatique et Yuen Woo Ping transforme chacun de ses mouvements en ballets sublimes. Le maître chinois conçoit en effet des chorégraphies d’une folie visuelle hallucinante (la scènes des échelles reste inoubliable). Mais surtout, Tsui Hark donne une belle vitalité à cet ensemble. Dans cette reconstitution historique (le film se passe en 1875), tout vit, tout bouge, tout est en mouvement. Une impression d’animation transperce le cadre, et nous projette directement dans l’action décrite. Sans aucun répit, le spectateur est pris dans un tourbillon animé et suit le rythme joyeux du drame qui lui est conté. Sans changement de rythme, l’histoire se fait cependant de plus en plus sombre, et le pessimisme de Tsui ne résiste pas longtemps au ton bon enfant du métrage. La fin est ainsi d’une cruauté apocalyptique, dans laquelle on retrouve le réalisateur de L’Enfer des armes aux commandes d’un blockbuster qui se voudrait tout public, mais qui n’y arrive pas vraiment. C’est ce caractère schizophrène qui rend ce film passionnant, et en fait l’un des plus représentatifs et purs du système de Tsui Hark.

Victor Lopez.

1992 : Il était une fois en Chine 2 : La Secte du Lotus blanc

Suite du kung-fu pian revival de Tsui Hark, Il était une fois en Chine 2: la secte du lotus blanc parvient à accomplir l’impossible: faire une suite meilleure qu’un premier opus, déjà considéré comme un chef d’œuvre absolu. Plus sombre, plus violent, plus engagé que l’original, le film s’inscrit d’autant plus dans le contexte torturé de l’époque (Tian Anmen en 1989, la rétrocession pour 1997). Le récit poursuit la fresque chinoise entamée par l’épisode précédent en plongeant dans l’Histoire du pays et ses répercussions faisant écho au présent. Il est dès lors intéressant de voir Wong Fei Hung côtoyer des personnages tels que Sun Yat Sen. Cette suite parvient à englober en une seule œuvre une grande partie des obsessions du réalisateur. L’opposition entre l’occident et l’orient tout d’abord, confrontant dès qu’il le peut son Wong Fei-Hung, figure de la tradition s’il en est, aux technologies et avancées scientifiques occidentales. Un discours tout ce qu’il y a de plus cohérent puisqu’il est au centre même du processus créatif de Tsui Hark, à savoir: plonger dans la culture traditionnelle pour lui donner un nouveau sens esthétique. D’autant plus que Tsui est lui aussi un cinéaste mondial (né au Vietnam, d’origine chinoise, puis vit à Hong Kong, avant de faire ses études aux États-Unis). Les séquences d’action suivent cette dynamique de remodernisation. Dans la continuité du premier volet, les combats se montrent une fois de plus aériens, câblés, et dirigés par Yuen Woo Ping. La scène finale où Jet Li affronte Donnie Yen reste encore à ce jour l’un des morceaux de bravoures de la filmographie de Tsui. Véritable chef d’œuvre, Il était une fois en Chine 2: la secte du lotus blanc reste un sommet de sa filmographie, un film de contexte, qu’il semble peut probable de voir se réitérer un jour.

Anel Dragic.

1992 : Il était une fois en Chine 3

La suite des aventures de Wong-Fei Hong sera-t-elle à la hauteur des deux premiers volets, considérés (à juste titre) comme des chefs d’œuvre ? On pouvait croire que Tsui Hark se reposerait sur ses lauriers et qu’il n’apporterait rien de neuf, pourtant la saga évolue bien, autant que les personnages avec leur temps.
L’intrigue politique est toujours intéressante (avec complot et twist) et les chorégraphies sont toujours aussi aériennes. Le trio Jet Li, Rosamund Kwan et Max Mok est vraiment parfait, très attachant. Un combat entre différentes écoles de Kung-Fu est le point de départ d’événements assez fous. Dans un chaos total par moments, Tsui Hark reste un formidable metteur en scène. Toujours inventif, Once Upon a Time in China III n’est pas au niveau des exceptionnels volets précédents, mais reste un film très efficace.

Jeremy Coifman.

Jet Li : 3 pépites à redécouvrir

Fist Of Legend de Gordon Chan (1994)

Certes, faire une nouvelle version d’un film dans lequel a joué Bruce Lee est une tentative dangereuse, l’artiste martial ayant une aura et un charisme difficilement égalables. Cependant, en appelant son métrage Fist Of Legend, Gordon Chan annonce immédiatement la couleur : un grand respect de l’original. De plus, il est épaulé par deux grands noms du cinéma chinois : Yuen Woo-Ping s’occupe des chorégraphies martiales et Jet Li incarne le héros, Chen Zhen. Ainsi, Fist Of Legend est riche en combats, et ces derniers sont tout simplement époustouflants. Ils sont mis en scène avec une très grande précision, filmés à la perfection, n’étant jamais brouillons ou illisibles. Ils sont, de surcroît, inventifs, les personnages utilisant des styles de combats variés et combattant dans des lieux très différents ; ainsi, le spectateur ne ressent jamais l’ennui. En effet, Yuen Woo-Ping sait utiliser le décor dans ses chorégraphies avec intelligence, créant une dynamique passionnante entre les combattants de chair et les objets inanimés. De plus, les artistes martiaux étant dotés de grandes compétences – Jet Li est tout simplement parfait ! – , les combats sont dynamiques, crédibles, violents sans être gores, bref, cette partie du film vaut vraiment le détour et mérite à elle seule qu’on s’intéresse à Fist Of Legend. Sans oublier que Gordon Chan a refusé d’utiliser des câbles, très à la mode – il raconte même avoir abaissé les plafonds pour empêcher Yuen Woo-Ping de s’en servir – ce qui rend les combats diablement réalistes et plutôt originaux.

Cependant, les scènes d’action sont loin d’être les seuls atouts de ce métrage. En effet, le scénario, très intelligent, plonge dans la réalité historique de la Chine. Cette réalité, c’est Shanghai, colonisée par le Japon, et les tensions entre les deux peuples. Mais, loin d’être une ode à la vaillance du peuple chinois face à la vilénie des Japonais, Fist Of Legend dresse un portrait juste du racisme et de la haine, nés entre ces deux peuples en guerre. Car, si les Japonais chassent bien souvent les Chinois, Jet Li, en ayant une amoureuse japonaise, rencontrera les plus grandes difficultés à ce qu’elle soit acceptée par son peuple. Bien sûr, il y a des méchants, en la personne du général manipulateur qui veut démontrer la faiblesse des arts martiaux chinois, mais, sorti de cela, Gordon Chan fait en sorte de ne pas prendre parti pour un peuple ou un autre, mais s’intéresse à la philosophie inhérente aux arts martiaux. Ainsi, l’ennemi est l’armée japonaise, et non son peuple en totalité. Le grand maître japonais, oncle de la fiancée de Jet Li, représente ainsi à lui seul la quintessence du jugement basé sur l’art de combattre et de la sagesse qu’apporte une longue pratique des arts martiaux.

Yannik Vanesse.

Hitman de Tung Wei (1998)

Une compagnie japonaise, ayant à sa tête un affreux japonais violeur de chinoises (véridique, le personnage offrira même une réplique telle que “Quand on les viole, elles hurlent de douleur de telle manière… Pour un homme, c’est le plus grand des excitants”, ça ne s’invente pas), voit le PDG se faire liquider par un mystérieux tueur. Très vite, les associés mettent à prix la tête du Hitman en question. Au même moment, Jet Li débarque du continent et commence à bosser avec Eric Tsang, un escroc grande gueule qui veut faire de lui un tueur professionnel. Par la suite, un flic incarné par Simon Yam joue les empêcheurs de tourner en rond, tandis que Jet Li fait son timide face à la fille d’ Eric Tsang incarnée par Gigi Leung, et ce, pendant que les méchants Keiji Sato et Paul Rapovski s’apprêtent à passer à l’action.


Notons tout d’abord que le script a été écrit à six mains par Vincent Kok (bon réalisateur cantonné aux comédies, notamment ses collaborations avec Stephen Chow), Chan Hing Kar (réalisateur qui, en onze films, a peut-être atteint le “perfect” dans la nullité) et Cheng Kam Fu (co-scénariste de The Inspectors Wears Skirts a.k.a Top Squad 1 chez Metropolitan). Avec des personnalités assez différentes, il était peu probable que le produit final donne naissance à une perle de cohérence abordant de manière philosophique son sujet. Le film ressemble donc à une comédie d’action, comme il en existe des tas, à la manière du High Risk de Wong Jing avec Jet Li. A l’instar d’un bon paquet de ces films (au hasard, The Big Score de Wong Jing), la structure se montre scindée, en prenant toute la première moitié du film pour développer les personnages et enchaîner les péripéties et gags les plus inutiles. Il faut attendre la deuxième moitié du film pour nous faire replonger de plein pied dans l’intrigue. Hélas, tout cela se montre assez mal ficelé, accusant un rythme mou du genou et laissant entrevoir un twist ultra prévisible (on ne joue pas sur l’identité secrète d’Hitman en ne développant que trois persos dont deux immédiatement au dessus de tout soupçon).

Pour sa part, la mise en scène de Tung Wei commence fort. Dès les première minutes, le réalisateur filme une course poursuite entre Jet Li et une pièce de 5HK$ dévalant une ruelle à pleine vitesse, la caméra collant la rondelle au plus près. Directement, la folie du réalisateur de Magic Cop est palpable pour le spectateur. On notera également Paul Rapovski dont la technique de combat fait usage d’une bague éblouissante pour l’adversaire. Hélas, tout le film ne fait pas preuve d’une aussi grande inventivité. Dommage, puisque les combats se montrent pour leur part bien chorégraphiés. Qu’il s’agisse d’une scène d’action dans une cage d’ascenseur ou encore d’un final “gun fu”, mélangeant le style des heroic bloodsheds aux cascades martiales, le film se montre proprement emballé.

Hitman de Tung Wei
Si les séquences d’action, manquant quelques peu de folie mais tout de même réussies, peuvent décevoir, le réalisateur n’a en revanche jamais été aussi bon pour mettre en scène un récit et des personnages. En filmant de très près, Tung Wei montre un attachement à ses protagonistes et en fait les moteurs concrets du film, au delà même de l’histoire. On pourrait alors effectivement, ou affectivement, parler de film de personnages, voir plus globalement de films d’acteurs, puisque tout est là pour faire briller les stars et les laisser s’exprimer au maximum. Le jeu d’ Eric Tsang étant à ce titre véritablement inspiré, parvenant par la même occasion à éclipser la présence monofaciale de Jet.

The Hitman n’est donc pas le film qui ressuscita le film d’action mourant à cette période à Hong Kong. Bien dommage, car malgré la manque d’ambition, il s’agit en revanche d’un bon petit métrage attachant, qui remplit son rôle. A noter aussi qu’il s’agit du dernier film de Jet Li à Hong Kong avant son exil américain. Quitte à choisir entre ça et L’arme Fatale 4, sorti également en 1998, dans lequel Li fait le minimum syndical (un tournage aux USA, c’est le Club Med pour un acteur HK), vous savez désormais vers quoi vous tourner. À moins bien sûr que vous ne préfériez le cinéma américain, auquel cas votre âme ne peut être sauvée.

Anel Dragic.

Les Seigneurs de la guerre de Peter Chan (2007)

Après les succès de Zhang Yimou qui poursuit dans la voie martiale matinée de reconstitution historique aussi grandiose que grandiloquente avec Le Secret des poignards volants et La Cité Interdite, le temps est plus que jamais à la démesure en Chine. Réunissant un budget de 40 millions de dollars et un casting impressionnant (Andy Lau, Takeshi Kaneshiro et Jet Li, qui engloutit quand même à lui tout seul un tiers des dépenses), Peter Chan, plutôt généralement associé à la comédie romantique, choisit de revenir sur l’histoire de Ma, gouverneur Chinois assassiné en 1870 et ayant déjà inspiré nombres d’Opéra, romans et films, dont Frères de sang de Chang Cheh.

Les Seigneurs de la guerre

 

Le résultat est aussi étrange que passionnant, car le film tranche radicalement avec la poétisation de l’Histoire chinoise en vogue depuis Tigre et dragon et accentue le réalisme des combats, actualisant les promesses du précédant Tsui Hark (Seven Swords). Rien ne nous est épargné des atrocités de la guerre dans ce film historique fait de boue, de sang, de démembrements et de massacres d’innocents. Le point de vu adopté sur le personnage de Jet Li ne manque pas non plus d’une cruelle ambiguïté, loin du délicieux manichéisme parfois à l’œuvre dans le Wu Xia Pian d’antan. Homme d’honneur visant un but d’une grande noblesse, le général Pang est amené à faire des choix aussi raisonnables qu’injustifiables, et qui remettent en cause l’idée que le sacrifice des individus passe après le bien commun. Soit l’exact inverse de ce que défendait le film de Zhang Yimou.


Et comme chez John Woo, c’est la trahison de ses amis qui condamne le personnage aux yeux du spectateur, autant que ses actes innommables. Le film marque ainsi clairement le retour d’un grand cinéma populaire plus proche de la tradition Hongkongaise que de la mentalité chinoise. Le « plus gros succès de tout les temps en Asie », si on en croit l’affiche, ouvre la voie à une grande liberté de ton comme de moyens dont John Woo va se saisir pour mettre en œuvre sa propre vision du Wu Xia Pian avec Les 3 Royaumes.

Victor Lopez.

Badge Of Fury de Tsz Ming Wong avec Jet Li, en en DVD, Blu-ray et VOD – chez Metropolitan le 24/04/2015.

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