FFCP : les films du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), partie 2 : section classique (Ha Gil-jong)

Posté le 29 novembre 2013 par

Chaque année, le Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) propose un cycle « classiques ».

L’an dernier, le cinéma érotique était à l’honneur. Cette année, le festival a fait un focus sur le réalisateur Ha Gil-jong, méconnu en France mais considéré comme un cinéaste culte en Corée du Sud. Mort assez jeune (1941-1979), l’homme a une mince filmographie : sept longs-métrages et un court. Le festival a projeté quatre de ses films : son premier court, The Ritual of a Soldier (1969), et ses longs métrages The Pollen of Flowers (1972), The March of Fools (1975) et The Ascension of Han-ne (1977). Projeté un dimanche matin, le dernier film n’a pas été vu.

Point biographique non négligeable, Ha Gil-jong a étudié en partie le cinéma en Californie et a été fortement influencé par le cinéma européen (alors à son apogée) et le nouveau cinéma américain (les hippies et la contre-culture). Il s’en est inspiré pour ses films, ce qui n’était pas sans poser de problème dans une Corée alors en prospérité économique mais sous la domination du dictateur Park Chung-hee. La liberté de ton de Ha Gil-jong et ses critiques à l’égard de la société sud-coréenne n’ont pas vraiment plu aux autorités, occasionnant des censures, notamment pour The March of Fools, caviardé de 30 minutes.

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Alors étudiant à UCLA, Ha Gil-jong a réalisé le court-métrage expérimental The Ritual of a Soldier (32 minutes), une critique de l’engagement militaire au Vietnam, tourné avec des acteurs américains. Comme c’était la mode à l’époque, le court-métrage comporte beaucoup de nudité, notamment une scène de marivaudage et de copulation dans un cimetière. Le film (restauré mais projeté muet pendant le festival) raconte le procès d’un militaire accusé de meurtre qui passe en jugement. Tout est très symbolique. On a le droit au procès du militaire devant un juré d’Américains moyens, une balade nudiste dans un cimetière et des scènes sur une plage où le militaire sort de l’eau son propre cercueil. Ce film est vraiment pour les fans de cinéma expérimental.

De retour en Corée du Sud, Ha Gil-jong tourne son premier long-métrage, The Pollen of Flowers, un film injustement taxé de plagiat du film Théorème de Pasolini.Le film parle de la désintégration d’une famille riche et puissante, vivant dans une « maison bleue » (équivalent symbolique de l’Elysée ou  de la Maison Blanche). Certes, le film a des points communs avec Théorème (l’arrivée d’un homme qui bouleverse l’équilibre d’une famille) mais ça n’a vraiment rien à voir avec le principe du film de Pasolini. Le film, qui part sur de bons rails, devient très brouillon dans son derniers tiers. The Pollen of Flowers est une critique de la société capitaliste et de l’hypocrisie de la bourgeoisie… Un sujet banal en Europe à cette époque mais rare en Corée du Sud. Les allusions à l’homosexualité et à l’infidélité y sont étonnamment nombreuses.

Dans The March of Fools, son film le plus connu, Ha Gil-jong narre la vie de deux étudiants, entre amours futiles, beuveries et devoirs envers la nation. Film générationnel, The March of Fools décrit la jeunesse coréenne des années 70, en proie à l’amusement et aux libertés de la société de marché mais contrainte de respecter certaines règles : faire son service militaire et ne pas avoir les cheveux longs. Considéré comme trop subversif, le film a subi plusieurs coupes (une bagarre entre un Coréen et un Japonais, une scène dénudée dans un commissariat de police et une manifestation d’étudiants). The March of Fools résonne comme un cri de la jeunesse coréenne contre le pouvoir en place : c’est à la fois réjouissant et dramatique… et, à la fin, très fataliste. Dommage que le film soit projeté avec ses coupes, d’autant que maintenant, un tel film n’appelle pas à l’insurrection et se veut surtout une farce amère de la Corée des années 70. Un témoignage touchant de l’époque.

Marc L’Helgoualc’h.

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