Critique de L’amour abusif, déviant et dévergondé de Teruo Ishii

Posté le 19 novembre 2012 par

Metropolitan sort dans un coffret DVD Sex & Fury Vol 1 de Teruo Ishii, réalisateur très prolifique et touche-à-tout ayant abordé dans sa carrière de cinéaste presque tous les genres cinématographiques (arts martiaux, science-fiction, etc.). Ici, il s’attaque à l’érotisme japonais dans les années 60 dans le premier des deux films proposés : L’amour abusif, déviant et dévergondé (Ijo Seai Kiroku Harenchi). Une œuvre très mineure malgré quelques fulgurances. Par Julien Thialon.

Teruo Ishii (1924-2005), surnommé « The King of Cult » au Japon, est reconnu en Occident pour la série Super Giant ainsi que son long métrage Abashiri Prison (1965), permettant l’éclosion de l’acteur Ken Takakura (Le détroit de la faim, Trop tard pour les héros, Golgo 13). Après la faillite des studios Shintoho, il se tourne vers la Toei avec lequel il tourna la majorité de ses films, incluant les séries Hot Springs Geisha et Joys of Torture (1968-1973), très appréciées du public. Au milieu de ces deux succès, Ishii réalisa en 1969 Ijo Seai Kiroku Harenchi (L’amour abusif, déviant et dévergondé). Avec Teruo Yoshida, Asao Koike et Kiyoko Tange, l’histoire met en exergue les tribulations d’une femme soumise, Noriko, battue par son amant, Yukihata, gros obsédé sexuel, qui ne recule devant rien pour abuser d’elle dans toutes situations. Noriko, n’en pouvant plus, semble retrouver un brin d’espoir avec un deuxième amant, Yoshida.

Teruo Ishii est machiste : il ne se souciera pendant une bonne partie du métrage uniquement de la satisfaction du désir sexuel de Yukihata, enchaînant dans la première heure les scènes humiliantes envers Noriko, femme résignée qui finit inexorablement avec ses vêtements en lambeaux, incapable de se rebeller ouvertement par peur du regard des autres (ses parents, ses amis et  les clients de son bar alors qu’elle en est la patronne). Yukihata est un jaloux, un égoïste (sa famille malade lui importe peu) et un menteur (promettant à Noriko le mariage en guise d’introduction sexuelle). Il surveille constamment Noriko, mettant son travail de côté pour satisfaire intégralement ses pulsions et réaliser, par lâcheté au profit d’une perversion narcissique, ses fantasmes auprès de la gente masculine quand Noriko tombe enceinte, la laissant dans une situation tellement inconfortable qu’elle envisage de plus en plus sérieusement une rupture définitive.

Si le scénario n’est pas la principale curiosité cinématographique, c’est naturellement du côté de la mise en scène que l’on va se tourner. Hélas, la première heure est d’une réalisation théâtrale mécanique indigeste et lassante de par sa répétitivité des situations (une suite de clichés) qui aboutissent toutes à la même conclusion : l’abus de la fataliste Noriko, auto-justifié par Yukihata au jeu très faux d’un « Heureuse ? » et « Je t’aime », sous couvert d’une musique bestiale et inaudible doublée de très gros plans sur des détails fades et inintéressants.

Cependant, à mi-parcours, Ishii refait surface pendant une quinzaine de minutes et justifie enfin le nom du film, jusque- là fausse promesse de scènes de cul dignes de ce nom. Le contraste avec le reste du métrage est saisissant. Quand la scène SM rappellera Tokyo Décadence de Ryu Murakami, celle du contact de la chair, masquée malicieusement par la variation des spots de lumière (avec en arrière-plan une fenêtre de lumière sur des lesbiennes) et rythmée par une musique psychédélique, réussit enfin à nous émoustiller. Malheureusement, cette fulgurance ne dure qu’un temps, on retombe rapidement dans la même morosité théâtrale et la fin foudroyante, bien prévisible, ne changera pas la donne.

Julien Thialon

Verdict : Avec L’amour abusif, déviant et dévergondé, Teruo Ishii semble avoir pris une pause entre ses séries à succès, proposant une œuvre où seule une infime partie du talent du cinéaste parvient à s’exprimer. On lui préférera alors l’autre volet de ce DVD : les huit vertus bafouées, plus intéressant.

Le coffret DVD Sex & Fury Vol1. est disponible chez Métropolitan depuis le 12 novembre.

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