Le Festival du cinéma chinois en France nous revient pour sa deuxième édition. La programmation de l’an dernier se démarquait par une sélection de titres populaires s’éloignant des inconditionnelles sorties chinoises dans les salles françaises. Si en France, cinéma chinois rime avec cinéma social aussi bon soit-il, au budget généralement peu élevé (Jia Zhang Ke, Wang Quan’An…), il est en revanche beaucoup plus rare de voir dans nos salles les derniers succès populaires issus de la République Populaire de Chine. Pas de revirement de politique pour cette deuxième édition, qui continue à explorer le cinéma populaire du cinéma chinois contemporain. Un point donc sur les long métrages présentés, hors films d’animation. Par Anel Dragic
Love N’ the City
L’un des phénomènes majeurs de la Chine de ces dernières décennies est son exceptionnelle transformation, autant industrielle que sociale. Avec son économie florissante, le pays a subi et continue à subir une entrée de plein pied dans un système économique plus libéral. Alors qu’une Amérique sur le déclin se rappelle ses heures de gloire avec des séries comme Mad Men, on trouve également en Chine un film prenant pour principal protagoniste un publicitaire : Ce que pensent les femmes. Ce remake du film américain avec Mel Gibson ne s’intéresse cependant qu’assez peu à son contenu social, ce qui est fort regrettable vu le potentiel de l’intrigue prenant place dans une agence publicitaire. Chen Damin s’intéresse davantage à l’aspect divertissant et insiste donc sur les scènes d’humour, sur la romance entre Andy Lau et Gong Li, mais aussi sur ses séquences utilisant des effets spéciaux (un poisson en GCI vole devant Andy !).
La Chine dynamique semble apprécier les romances. Dans un contexte où le travail occupe largement la place, comment trouver l’occasion pour construire une relation ? C’est la question que pose Cher ennemi de Xu Jinglei. Se situant dans le milieu de l’économie à Hong Kong, le film dépeint une relation conflictuelle qui prend des allures de règlements de compte professionnels. Notons à cette occasion l’incroyable transformation de la ville hongkongaise sous la caméra chinoise : la ville est expurgée du cantonais et même les acteurs locaux (Gigi Leung, Aarif Lee, Christy Chung) parlent le mandarin à l’exception de Michael Wong, toujours plus à l’aise en anglais.
Enfin, Love Is Not Blind, comédie romantique de Teng Hua Tao, suivant la quête d’amour de Bai Baihe. À l’instar des précédents, ce film laisse une place importante au monde du travail, et tous les hommes à qui a affaire la jeune femme sont des gens qu’elle rencontre par le boulot. Pour fournir un sentiment d’évasion, ou disons de divertissement, les trois films n’hésitent pas à avoir recours à tous les artifices possibles, les pires comme les meilleurs : accélération subite qui revient à un rythme normal, effets « pop » en CGI… On perçoit également un phénomène qui tranche radicalement avec les précédentes générations. La mise en scène semble avoir peur d‘être statique. La caméra opère bien souvent de légers travellings, et si le cadre est fixe, le montage se doit d’accélérer, comme s’il ne fallait pas que le spectateur prenne le temps de se poser. Une tendance qui semble s’opérer un peu partout dans le monde hélas.
Loin des villes : la Chine redneck
Les régions reculées de la Chine offrent au spectateur la contemplation de paysages plus épurés. Des campagnes insalubres, des déserts hostiles, ou encore des montagnes apaisées. Dans Hello! Monsieur Shu, Han Jie dépeint une petite ville minière, dans laquelle vit Shu (Wang Baoqiang), garagiste qui fait la rencontre d’une jeune femme sourde muette et sombre progressivement dans la folie. Contrairement à son affiche laissant penser qu’il s’agit d’une comédie, Hello! Monsieur Shu est finalement une œuvre bien plus ambigüe et tourmentée. Dans cette ruralité difficile, il devient progressivement complexe de démêler les niveaux de récit et le réalisateur s’éloigne ainsi de la production formatée annoncée.
Love For Life est pour sa part un véritable fourre-tout. Tour à tour mélodrame, romance ou comédie, le film avec Aaron Kwok et Zhang Ziyi cherche à toucher le spectateur par tous les moyens. Cette impression de surabondance nuit quelque peu à ce récit qui était déjà bien assez audacieux en relatant la vie d’un village de campagne contaminé par le sida. La volonté de vivre des personnages, traitée de manière plus simple, aurait certainement gagné en impact mais le récit n’évite hélas aucun pathos. Reste malgré tout un drame social au sujet intéressant mais qui se disperse un peu trop.
Kora est pour sa part une belle découverte. Coproduction sino-taiwanaise, le film suit le chemin d’un jeune taïwanais (Zhang Shuhao) qui décide de faire la route de Lijiang à Lhassa au Tibet. Sorte de trip spirituel, traitant la thématique du deuil, Kora est une œuvre rafraîchissante et touchante, qui touche juste en visant la simplicité. Tout l’inverse de Love for Life en somme.
Chinestory
La production de films historiques en Chine est toujours énorme, le genre étant un vivier de thèmes pouvant susciter le nationalisme. Reign of Assassins de Su Chaobin et John Woo marque le retour à une production plus « humaine » pour le réalisateur après les monstrueux Red Cliff. Cela donne un wu xia pian à intrigue maîtrisé comme on n’en voit plus tellement. Pour rester dans l’esprit HK, The Great Magician de Derek Yee est en réalité une comédie dans laquelle un magicien du début du XXe siècle (Tony Leung Chiu Wai) se retrouve face à des seigneurs de guerre. Avec son casting hongkongais (on retrouve également Lau Ching Wan, Lam Suet, Alex Fong et Paul Chun Pui), le film offre un spectacle certes inoffensif mais très plaisant.
1911 est pour sa part un triste spectacle. Voir Jackie Chan lécher les bottes du parti depuis quelques années a quelque chose de navrant. Film nationaliste prônant la réunification de la Chine, 1911 est un véritable film de propagande dans la continuité de Founding of a Republic et Founding of the Party. Tout contenu textuel mise à part, le film ne brille pas non plus par sa mise en scène totalement pathos, tentant de s’approcher d’un certain lyrisme de l’action à l’américaine. Bien dommage quand la Chine a pu donner naissance à des formes d’action beaucoup plus personnelles (et réussies).
Enfin, Sous l’aubépine de Zhang Yimou nous change quelque peu des blockbusters et wu xia pian récemment commis par le réalisateur. Adapté d’une nouvelle de Ai Mi, le film évoque la romance d’une adolescente avec un jeune homme pendant la révolution culturelle. C’est de manière assez touchante que Zhang traite la découverte de la sexualité dans un contexte difficile.
Bilan
Ces 10 films présentent donc différentes facettes de la Chine, mais également différents aspects du cinéma chinois populaire. Étaient également présentés quatre métrages d’animation, sur lesquels nous avons dû faire l’impasse, faute de temps. C’est avec curiosité en revanche que l’on attendra la programmation de la prochaine édition. Il serait intéressant de découvrir quelques productions indépendantes chinoises (pas forcément auteuristes) et ainsi fournir aux spectateurs d’autres facettes de la production nationale.