Mulan de Jingle Ma (DVD)

Posté le 25 juillet 2011 par

La prononciation du nom de Jingle Ma est à chaque fois accompagné d’un sentiment d’effroi pour le spectateur. Le réalisateur représente en effet le pire de ce que peut produire l’industrie cinématographique hongkongaise. Yes man, metteur en scène impersonnel capable d’emballer tous les genres les plus opportunistes (allant des comédies romantiques au pire du cinéma d’action local), il était en effet plus qu’effrayant de voir le réalisateur s’associer au combo ultime: Jingle Ma + Wu xia pian mainland !

Il est mort le wu xia…

Depuis sa transformation en blockbuster suite au succès de films comme Tigre et Dragon d’Ang Lee, puis Hero de Zhang Yimou,  le wu xia pian est devenu (à quelques exceptions près, je pense notamment à Red Cliff de John Woo), l’un des genres les plus pénibles du cinéma de Hong Kong. Évoluant vers des fresques parsemées (plus ou moins selon les films) de scènes d’action, le genre s’est standardisé pour répondre à un style à l’occidental et ainsi toucher le plus grand nombre. La plupart de ces productions étant coproduites par Hong Kong et la Chine populaire (ici Polybona Films, eurk…), ces productions mandarines ont d’abord pour but de toucher le marché mainland (et l’international après), autrement plus vaste et avec qui la colonie partage un héritage culturel commun.

Devant un tel océan de fadeur, on peut en effet se demander ce qu’il reste de l’héritage des grands esthètes du wu xia pian : King Hu, Chang Cheh, Chu Yuan, Ching Siu Tung et Tsui Hark… Autant de grands réalisateurs ayant su donner une patte graphique et cinématographique (notamment grâce au montage) à leurs films. Pourquoi uniformiser la production et donner au bout du compte un film formaté, calibré pour ressembler à n’importe quel film de capes et d’épées occidental ? Tout le monde n’a pas le talent de Ridley Scott, et voir les wu xia pian actuels réduits à l’état de sous-sous-sous Kingdom of Heaven est bien triste. La démarche est un tel génocide créatif, qu’on ne retrouve plus guère la « Hong Kong touch » des wu xia pian qui ont pourtant fait la gloire du cinéma local.

Trop d’élans épiques, de musique symphonique ont pour effet de faire des films de style hollywoodien, tentant de rendre aussi authentique que possible ce que l’on voit à l’écran. Sauf que ce n’est absolument pas ce que recherche à voir l’amateur de cinéma de Hong Kong, qu’on se le dise. Disons le tel quel, le genre est devenu chiant, sans originalité et les photographies sales et réalistes sont tout bonnement moches. Arrêtons le massacre messieurs, et rendez-nous le kitsch et la folie qui faisaient les qualités de ce cinéma.

For Whom the Jingle Bell Tolls

Dans ce paysage en proie au chaos, Jingle Ma est un peu un cavalier de l’apocalypse, venu porter le coup fatal à un genre déjà mourant. Reprenant l’histoire déjà bien connu chez nous de Mulan (merci Disney!), le réalisateur s’essaie au genre en reproduisant les clichés bien pompeux du wu xia pian moderne, mais avec toutes ces petites choses qui rendent le spectacle encore plus insupportable, à commencer par cette chère Zhao Wei. On se souvient de l’actrice pour son rôle dans Shaolin Soccer, mais en dehors de ça, elle représente véritablement l’archétype de l’actrice mainland insupportable, au jeu mélodramatique trop appuyé et au visage tête à claque. Si le personnage de Mulan est intéressant, partagé entre douceur et bravoure, entre féminité et travestissement, Zhao Wei ne parvient pas à donner au personnage toute sa crédibilité, surtout lors des scènes d’action ou les grimaces de l’actrice jouent contre elle.

Mulan entretient une relation de complicité avec son ami d’enfance, incarné par Jaycee Chan. L’acteur peut se montrer plus ou moins bon selon les films, mais en jouant ici fortement sur le registre comique, il se montre finalement assez mauvais. Reste Hu Jun, qui parvient toujours à marquer les scènes dans lesquelles il apparaît, grâce à sa présence et sa stature imposante. Sous ses airs de fable féministe, le film attache assez d’importance à la féminité et aux tourments qui habitent Mulan, qui respecte le devoir de piété filiale tout en s’émancipant. Jingle Ma parvient également à placer quelques élans romantiques dans son film, via le personnage incarné par Chen Kun qui flirte avec Mulan, et prouve qu’il n’est pas taillé pour le genre, comme l’avait déjà laissé entrevoir le terrible Butterfly Lovers.

Mulan est loin d’être une réussite et aurait mérité de rester inconnu en occident. On pourra se consoler en revoyant le film d’animation Disney, qui dégage pour sa part une certaine poésie. Côté éditorial, on remerciera FIP de rendre une fois de plus plus laid qu’il ne l’est déjà, en retouchant les écritures, donnant au tout l’effet d’un mauvais fansub. En guise de bonus, on trouvera une interview du casting de 30 minutes, un making of d’un quart d’heure et la bande-annonce du film.

Verdict:

Mulan de Jingle Ma, disponible en DVD et Blu-Ray, édité par FIP, disponible depuis le 18/05/2011.