Udine, jour 5

Posté le 4 mai 2011 par

Udine, jour 5, avec le très grand Michael Hui à l’honneur, entre autres réjouissances (dont le meilleur pinku eiga de tous les temps) ! Par Bastian Meiresonne.


Michael Hui, l’inoubliable Mister Boo, était à Udine !

Mercredi 4 mai

Comique des serre-vis

Une promesse, que je me suis faite en tentant de transmettre ma passion du cinéma asiatique, c’est à la fois de veiller à donner des informations “généralistes” pour faciliter la “découverte” et à la fois placer des anecdotes plus pointues pour les fans. Pourtant, il m’arrive encore de prendre certaines choses comme “acquises”, comme penser que le nom de Michael Hui ne nécessite plus aucune présentation du personnage… C’est pourtant oublier, que très peu de ces films aient édités en Europe (un tort prochainement réparé avec un coffret à venir chez HK Vidéo) et que son dernier gros “succès” hongkongais remonte à… 1988 (je fais l’impasse sur le vilain Rob-B-Hood , où son personnage est honteusement sous-employé face à un Jackie Chan plus cabotin que jamais) ! C’est donc à la fois avec effroi et grand bonheur, que j’ai vu toute une nouvelle génération de personnes (re)découvrir Michael Hui, rire aux éclats et se bousculer aux séances suivantes de ce que je considère l’un des plus grands comédiens de tous les temps… et dont j’aimerais rapidement retracer le parcours à l’occasion de la projection de deux autres de ses films en ce cinquième jour, Games Gambler’s Play et The Warlord , son premier rôle sur grand écran.

michael-hui udine
Michael Hui est né en 1942 dans une famille nombreuse relativement pauvre, ce qui lui vaudra de subvenir lui-même aux frais d’université en étudiant le jour et en donnant des cours le soir. Cette jeunesse lui forge un caractère de débrouillard et de bosseur.
Hui grandit en plein boom de la télévision des années 1950s et (surtout) 1960s et trouve rapidement des jobs comme assistant et traducteur pour des émissions de variétés. Bravant l’interdiction formelle de ses parents de ne pas se lancer dans l’industrie de divertissement, mal vue à l’époque, il va proposer le concept d’une émission comique à la chaîne TVB. Genre très apprécié, The Hui Brothers Show , animé par Michael et son frère (chanteur) Sam s’est dès le départ distingué par sa nouvelle manière d’enchaîner très rapidement des gags conçus à partir du quotidien et surtout des “petits gens”, simples ouvriers ou délaissés du grand système capitaliste. Le show cartonne et propulse immédiatement les deux frères au rang de vedettes ; un statut consolidé avec les succès consécutifs de Michael Hui acteur dans The Warlord de Li Han-Hsiang et Michael Hui réalisateur avec son premier long, Games Gambler Play en 1974, deux cartons au box-office. Ses longs suivants, The last message (1975), The private eyes (1976) ou encore Security Unlimited (1981) seront tous d’énormes succès, et élèveront les frères Michael, Sam et Ricky au rang de superstars. Ces derniers inspireront toute une génération de comiques, dont Stephen Chow, qui doit absolument tout à Michael, depuis ses gestuelles, sa façon particulière de parler et même le personnage du vil opportuniste.
Au-delà du talent évident, Michael Hui a également eu la chance de démarrer sa carrière au moment de la suprématie de la télévision, qui lui aura facilité le passage sur le grand écran et… de la mort de Bruce Lee. Cette dernière mettra un terme prématuré au genre du kung-fu et crée un gros vide dans le cinéma local, qui sera en grande partie comblée par l’engouement pour la comédie.
Durant les années 1980s, Michael Hui va se faire beaucoup plus discret en privilégiant le rôle de scénariste et de producteur et faisant l’acteur dans les films des autres, comme dans Chicken and duck talk , souvent à tort attribué à Michael Hui, mais en fait réalisé par le roturier Clifton Ko. Hui explique cette “retraite anticipée” car il a atteint ses propres “limites” dans le comique en se contentant de réitérer toujours le même concept d’un individu face à une série de situations plus ou moins absurdes et surréalistes ; mais également en avouant être en conflit permanent entre le Michael Hui scénariste (qui aimerait faire les choses en grand en imaginant des scènes impossibles à réaliser), réalisateur (qui aimerait une approche plus directe et réaliste) et acteur (qui ne peut se défaire de son personnage et ne se retrouve donc ni dans un cinéma grandiloquent, ni dans l’approche plus réaliste). Ce qui ne l’aura pas empêché d’annoncer à Udine préparer une séquelle au mythique Chicken and duck talk plus de vingt ans après l’original !!!

Games Gamblers’ play , présenté à la séance matinale du festival d’Udine, est donc le premier long des frères Hui et constitue leur passage du petit au grand écran. Si le succès triomphal du film à l’époque de sa sortie peut aujourd’hui paraître un brin exagéré en raison de sa relative mollesse dû à un manque de rythme, trop de dialogues inutiles et une alchimie encore bancale entre Hui et ses frères, il ne faut jamais oublier de remettre les choses dans le contexte de leur époque : le rythme considéré comme plutôt long aujourd’hui était alors perçu comme rapide avec un découpage travaillé au détriment des habituels longs plans fixes (issus de la tradition des adaptations de théâtre et d’opéra)… Et puis surtout, Hui traitait son sujet avec un grand souci de réalisme, le “gambling” étant un passe-temps favori des locaux et la plupart des gags inspirés des choses du quotidien. Le fait de filmer dans des endroits originaux, loin des plateaux de studio était également novateur et puis surtout, surtout Hui a tenu à tourner en CANTONAIS, “langue” abandonnée au cinéma depuis les années 1960s au profit du mandarin, mais toujours répandue à la télévision et au quotidien. Les succès consécutifs de House of 72 tenants , réalisé par Chor Yuen l’année précédente et de Games Gamblers… ont ainsi contribué au renouveau du cantonais au cinéma…
Outre cette remise dans le contexte, Games Gamblers… reste quand même l’une des comédies les plus faibles des frères Hui, malgré quelques scènes cultes, comme celle de Hui jouant sa vie au cours d’un jeu télévisuel où chaque mauvaise réponse donnée vaut aux candidats de s’enfoncer dans un bassin infesté d’alligators…

Michael hui

 

La même remarque pourrait être fait à propos du Warlord de Li Han-hsiang. Comédie dramatique, le choix culotté des studios de la Shaw Brothers d’attribuer le rôle du général Pang Ta-Fu (clairement calqué sur le personnage historique réel de Yuan Shikai, premier président autoproclamé de la République de Chine en 1915) est largement payant avec un Hui autant à l’aise dans les moments comiques que dramatiques ; en revanche, l’épopée ne sait pas toujours sur quel pied danser et dilue son intrigue faiblarde dans des longues séquences bavardes inutiles.

Quoiqu’il en soit, ces deux films auront contribué au lancement du futur génie de Michael Hui, qu’il aurait été dommage de manquer dans l’Histoire du Cinéma Mondial !

Les deux ne font pas la paire

Je l’ai rapidement abordé dans la paragraphe précédent, une bonne alchimie entre acteurs est essentielle pour la bonne réussite d’une comédie : Laurel & Hardy, les frères Marx & Hui, les Stoogees… Bref, une qualité, qui peut également virer au principal défaut, comme dans le cas des trois autres comédies de la journée…

Perfect wedding constitue l’une de ces nombreuses comédies sur le schéma de “je t’aime, moi non plus”, qui ne résistera certainement pas à l’usure du temps en raison de son déroulement et dénouement parfaitement attendus. L’histoire conte celle d’une organisatrice de mariage, qui va devoir collaborer avec un nouvel employé avec lequel elle a couché la veille sur une simple impulsion.

Perfect wedding vaut surtout pour célébrer le second retour sur grand écran de Miriam Yeung, qui s’était faite discrète ces trois dernières années après que les critiques et le public lui ont reproché de toujours interpréter le même type de personnage, tout en ne la suivant pas non plus lorsque l’actrice changeait de registre. Pour son retour, elle n’a pas vraiment changé de fusil d’épaule en continuant à sévir dans le registre de la comédie romantique. En revanche, elle s’est adaptée au “vieillissement” de ses fans de première heure en tournant coup sur coup Love in the puff d’Edmond Pang et ce Perfect wedding aux thèmes immanquablement plus matures.

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La mise en scène est signée Barbara Wong, réalisatrice remarquée pour son premier Truth or dare , mais dont les suivants ont été empreints d’une suffisance, qui passait mal auprès du grand public. Le succès lui a finalement souri en 2009, en réalisant le mélodrame impersonnel adolescent Breaking Club et elle persévère donc avec ce Perfect wedding foncièrement commercial, parfaitement exécuté, mais sans aucune saveur particulière, ni génie comique.

Les séances de l’après-midi dans la salle du Visionnario ont permis de découvrir les deux parties du long Brother Wang and brother Liu on the road to Taiwan de 1959. Réalisé par le “parrain du cinéma taïwanais” Lee Hsing, initiateur du mouvement “réaliste sain” des années 1960, ce film est également le premier “blockbuster comique” de l’Histoire du Cinéma Taiwanais, spécialisé dans les drames et / ou comédies romantiques jusque-là.

Brother Wang and brother Liu on the road to Taiwan

 

Les Frères Wang et Liu du titre sont deux comparses inséparables, l’un petit et maigrichon, l’autre grand et très costaud, calqués sur le modèle des américains (Stan) Laurel et (Oliver) Hardy. Mais la comparaison s’arrêtera là. A l’image de ce duo très, très, très loin du génie comique de leur modèle, tout semble n’être qu’ébauche d’idées sans jamais aller au bout : aucun (et je dis AUCUN) “gag” n’est abouti, à l’instar de cette scène où un personnage lance une peau de banane sur laquelle personne ne va jamais glisser… Le gag serait donc le fait de lancer une peau de banane par terre ? Ou à nos deux compères de se tromper de porte et de prendre un bain du côté des femmes. Ils batifolent et s’aspergent d’eau pendant cinq bonnes minutes avant d’entendre des voix de femmes et de paniquer… fondu au noir !!! Un parfait cas d’étude pour celui qui voudra comparer les approches humoristiques dans les comédies asiatiques à travers le temps, mais deux films que je ne conseillerai à personne… Sauf peut-être pour apercevoir quelques plans d’extérieurs de Taipei, Beitou, Kaohsiung, Chiayi, Tainan, etc, etc de l’époque préindustrielle.

Mercredi, journée de la Mort, qui rit

L’habituelle “journée de l’horreur du mercredi” a été cette année écourté à une seule “nuit de l’horreur” pour des raisons qui m’échappent, tant la production horrifique est toujours aussi riche dans certains pays comme l’Indonésie ou la Malaisie – bien que la qualité ne soit pas toujours au rendez-vous J’en veux pour preuve le malaisien Seru (qui veut dire “Va chier” en tchèque, comme je l’ai appris de l’un de mes nombreux compagnons de salle durant cette édition…).

Un film attendu en raison d’une campagne de lancement savamment orchestrée au cours de ces dernières semaines sur le Net, qui inclut notamment une bande d’annonce alléchante… Trailer de deux minutes, qui est finalement composé des seules scènes d’horreur d’un film qui fait près d’une heure et demi… Le reste n’est qu’agitation vaine et images floues, le film étant l’un de ces nombreux ersatz du Blair Witch Project avec cette histoire de bandes retrouvées d’une équipe de tournage partie réaliser un long-métrage dans la profonde jungle malaisienne et qui sont tous morts dans d’étranges circonstances.
Si le Blair Witch Project est évidemment à l’origine de tous ces récents mauvais films d’horreur réalisés caméra à l’épaule, la faute en incombe également au voisin indonésien, qui enchaîne les œuvres de ce type, principalement pour des raisons budgétaires. S’il peut y avoir des bonnes surprises, comme Scared (2009) de Monty Tiwa, force est de constater, que la plupart du temps, il y a beaucoup d’agitation pour pas grand-chose. Et dans le cas de Seru , même la fin est totalement ratée. Un comble de la part du réalisateur Woo Min-jin, célèbre pour ses “films festivaliers”, dont Tiger Factory , qui m’avait fait forte impression l’année dernière.

Paranormal-activity-2-tokyo-night

 

Paranormal Activity 2: Tokio Nights est un rejeton officiel de la fameuse franchise américaine, qui – sur le même principe d’images filmées à l’aide d’une caméra DV – propose quand même un dernier quart d’heure efficace… mais après plus d’une heure de grand vide scénaristique. En gros, un garçon va filmer l’appartement de sa sœur alitée où des phénomènes étranges vont se multiplier. Plus proche de l’original que de la séquelle américaine sortie l’année dernière, on peut quand même dire que lorsque l’on en a vu un, nul besoin d’en voir d’autres…

Dernier film (qui passait en fait en premier, mais j’aime bouleverser l’ordre des choses) du trio du soir, Bedevilled est le mal nommé Blood Island fraîchement sorti en DVD par chez nous et très largement commenté un peu partout depuis sa projection coup de serpe à la dernière Quinzaine des Réalisateurs à Cannes.

Et pour terminer, un petit mot concernant Wandering Home , que je n’ai su placer ailleurs, mais dont l’addiction à l’alcool est quand même une horreur en soi.
Ce film est en fait l’adaptation de l’autobiographie de Kamoshida Yutaka, célèbre photographe, mais surtout l’ex-mari de la populaire mangaka Rieko Saibara. La tumultueuse relation de ce célèbre couple en raison de la dépendance à l’alcool de l’époux a été au cœur des nombreux ouvrages de la dessinatrice et il était donc intéressant de voir l’autre vision des choses. Le récit se concentre surtout sur les dernières années de Kamoshida : ravagé par l’alcool, il va tenter de suivre une cure avant d’apprendre son cancer. Histoire portée de bout en bout par l’interprétation de Tadanobu Asano, le portrait est subtil, en montrant notamment que le sevrage de l’alcool ne constitue finalement que le début du traitement en soignant corps et esprit.

Wandering_Home

 

Des perles pour le cochon

Et pendant ce temps-là, de l’autre bout de la ville, Bastian était Happy à se refaire une trilogie pinku particulièrement bandante ! Oui, n’ayons pas peur des mots, car outre un délire Doyle-esque et l’un des tous premiers Wakamatsu, votre humble serviteur a pris son pied et a connu l’extase suprême avec la découverte de l’un des meilleurs pinku, voire films tous courts vus au cours de ma vie – rien de moins !

Mais tout d’abord quelques mots sur Underwater love , vendu (à l’international) comme “le premier musical pinku”, mis en boîte par M. Christopher Doyle en personne, se permettant du coup une petite infidélité à son compagnon de route Wong Kar-wai, qui – lui – est de toute façon occupé avec Bruce Lee.

Underwater-Love-Poster

 

Underwater Love est une coproduction internationale du studio de Kokuei avec les allemands de chez Rapid Eye, notamment coupables d’avoir déclenché une véritable Bollywood-mania au pays d’Angela Merkel il y a une dizaine d’années. Pas étonnant donc, qu’ils financent un musical, mis en notes par l’excellent groupe éléctro (synthé) STEREO TOTAL.
Le film annonce la couleur avec l’ouverture sur un écran rose bonbon avant d’interpeller le spectateur international en donnant une définition de la mythique créature du “Kappa”, connu de tous les japonais. Suit un long premier plan signé Doyle, qui s’amuse à jouer du colorimètre avec le plan large d’un Kappa croquant du concombre dans un marais isolé. Enter l’héroïne principale du film, ouvrière dans une usine de poissons, qui se fend rapidement dans la seule danse chorégraphiée du film, que n’aurait pas renié Björk dans Dancer in the dark . C’est beau, une fille la nuit et nous voilà partis pour la première partie de jambes en l’air plutôt chaste et qui restera malheureusement l’une des seules du film…en-dehors de celle, mythique, d’un coït entre le Kappa et une femme fontaine visiblement comblée par les bons 50 cm de caoutchouc qu’elle s’enfiler. L’histoire, elle, raconte pèle-mêle pourquoi un ancien camarade de classe mort noyé revient voir l’héroïne pour – notamment – lui enfiler une perle anale de la taille de mon poing C’est plus amusant sur papier, que sur la trop longue durée de 83 minutes, mais ça reste un bon petit délire, même si l’on en est très loin des meilleurs pinkus du genre. A se demander (et craindre), que cela ne soit d’ailleurs l’une des possibles alternatives du pinkus pour survivre, de chercher à produire des versions délurées et parfaitement inoffensives à destination d’un marché international. Seul l’(in)succès de ce premier essai nous le dira…

Comme d’habitude, changement d’époque et de style complet avec le second film de la soirée, Lead Tombstone, huitième long-métrage de Wakamatsu à ses tendres débuts, plus motivé par son amour pour le genre du yakuza eiga, que par un quelconque sentiment de rébellion. Peu de sexe et aucune revendication donc dans cette histoire d’un jeune chien fougueux, qui grimpe les échelons à coups de cadavres dans le monde impitoyable de la pègre. C’est frais, enthousiasmant et certainement moins consensuel que les autres productions du genre de la même année, mais reste un Wakamatsu mineur.

 

Enfin, LA giclée en pleine visage : Rustling in Bed de Taijri Yuji ( Love Master 3 ), un film qui avait jadis remporté le prix du public au festival d’Udine de 2002, et pour cause ! Jamais le désir n’aura été aussi bien traduit en images, l’expression amoureuse captée d’aussi près. Ce film est une histoire d’Amour à lui tout seul, celle de votre premier amour ,dont le souvenir vous restera dans la peau jusqu’à la fin de vos jours.

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L’intrigue est archi-simple : le jour où Tomomi se fait plaquer par son petit ami, elle fait la rencontre de Takao dans un train de banlieue. Ils vont vivre une nuit d’amour et de passion, sentiment qui ne les quittera plus au cours des semaines suivantes. Mais alors que Tomomi, 28 ans, pense sérieusement à se caser, Takao, huit ans plus jeune, craint l’engagement et ne veut surtout pas se soucier du lendemain… C’est donc une relation purement charnelle, dont le langage des corps saura retranscrire tout ce qu’ils sont incapables de se dire par les mots… C’est d’autant plus réussi, que Taijiri adopte un point de vue résolument féminin et jamais caresses n’auront semblées aussi douces devant un objectif de caméra, qui rend entière justice à l’incroyable beauté de Kubota Azumi. Bref, vous l’aurez compris : plus qu’une leçon de cinéma, une leçon de vie pour ma part.

Bastian Meiresonne.

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