Troisième jours des aventures de Bastian à Udine ! Au programme de ce lundi 2 mai, de l’humour, de l’amour et du sexe. C’est la belle vie en Italie !
La vision de The Lost Bladesman, le très attendu nouveau film des créateurs d’Infernal Affairs méritait-elle de rater un Pinku ? Réponse ici !
Lundi 2 mai
Mort (and more) de rire
C’est dans la joie et la bonne humeur que les spectateurs matinaux (9h15) du TEATRO NUEVO s’apprêtaient à découvrir l’un des événements de ce festival, Labor’s Love, plus ancienne fiction chinoise encore existante de nos jours, puisque datant de 1922. Il s’agit d’une comédie réalisée par Zhang Shichuan, réalisateur et producteur de 156 films entre 1913 et 1938, dont la toute première fiction chinoise, The difficult couple , la première œuvre martiale, The Burning of Red Lotus Temple (1928), ou le classique Les Anges du boulevard (1937). Le lancement de la projection était un moment magique : le temps paraissant comme suspendu à la découverte des premières images sautillantes et grésillantes, accompagnées d’une magnifique partition musicale parfaitement adaptée aux images.
Une vraie découverte, rappelant que le cinéma chinois de l’époque n’était pas que films historiques, mais abondait en genres les plus divers, telle la comédie. Curieux également de découvrir une vraie histoire construite avec ce vendeur de fruits, qui a pour ordre de fructifier les affaires de son futur beau-père médecin s’il veut épouser la fille de ce dernier. Très peu d’éléments de slapstick, mais plutôt une série de gags élaborés, amenant à ce dénouement incroyablement cruel, durant lequel le personnage principal trafique les marches d’un escalier pour faire chuter des personnes et leur casser les os… D’ailleurs, l’histoire dit que les créateurs du film avaient dû biaiser avec les censeurs de l’époque pour ne pas faire interdire la projection pour cause “d’immoralité” et “d’incitation à la haine et violence pour assurer sa réussite économique”.
Dans la foulée, un autre classique de la comédie chinoise de 1939, l’une des très nombreuses adaptations de la fameuse bande dessinée Mister Wang de Ye Qianyu. Un personnage ultra populaire, qui existe encore aujourd’hui sous forme de dessin animé. L’histoire est celle d’un “monsieur Tout le Monde, M. Wang”, à qui il arrive toujours toute une série de “tuiles”, dont il s’en sort avec malice et intelligence. Dans le présent Mr. Wang got a meal hardly , le personnage chaplinesque est ruiné et enchaîne les petits boulots pour se payer un repas. C’est frais, c’est drôle et finalement toujours d’actualité avec cette accumulation de petits boulots pour tenter de survivre – et notamment une personne quinqua dont personne ne veut plus.
A noter, que le film est réalisé par son charismatique acteur principal, Tang Jie, qui s’est totalement fondu dans son personnage jusqu’à se faire arracher les dents de devant pour ressembler au modèle dessiné. Il ne pourra d’ailleurs plus se dépareiller de son image jusqu’à la fin prématurée de sa vie en 1953, à l’âge de 54 ans (soit celui du personnage de Mr. Wang dans ses aventures…).
C’est avec une banane incroyable que les spectateurs se sont pris l’une de mes comédies personnelles favorites de tous les temps, Chicken & duck talk du hongkongais Clifton Ko de 1988. Pour l’anecdote, je l’avais enregistré par hasard lors de son passage sur ARTE aux tous débuts de la chaîne – et ai totalement usé la VHS depuis, en me passant et repassant notamment la première demi-heure, un véritable cas d’école au niveau mise en place et timing comique. Michael Hui incarne son personnage habituel de petit patron hargneux et opportuniste, qui tient un rade hyper crade, mais fameux pour son canard laqué. Ses beaux jours sont pourtant comptés, lorsqu’une chaîne de fast-food s’installe juste en face de chez lui. Inutile d’en rajouter : courez voir ce bijou de la comédie hongkongaise pour vous payer une bonne dizaine de fous rires !
Pour terminer l’exercice des zygomatiques de la journée, deux autres comédies classiques étaient proposés dans le cadre de la rétrospective “Asia Laughs” du côté du Visionario.
How to get a wife de Chun Kim de 1961 prouve une nouvelle fois la superbe du troisième plus gros studio, la Kong Ngee Film Company, auquel les Archives du Film Hongkongais ont rendu un superbe hommage il y a quelques années, mais qui reste pourtant méconnu du grand public au profit de la Cathay et de la Shaw Brothers. Et c’est bien dommage, car la plupart des films de cette société de production et de distribution n’ont pas pris une ride en raison de sujets beaucoup plus matures que ses concurrents et toujours d’actualité. Il n’est donc absolument pas surprenant de voir ainsi abordé le thème de l’adultère dans une comédie populaire de… 1961 ! Tse Sing tombe ainsi amoureux d’une nouvelle employée du bureau, qui n’est autre que la maîtresse de son patron et ancienne entraîneuse. Rien que ça à une époque où les bonnes mœurs régissaient encore la vie quotidienne ! Plus surprenant encore, la participation de nombreuses vedettes de l’époque, dont le charismatique Patrick Tse Yin et la belle Patsy Kar-Ling, qui prennent d’ailleurs un malin plaisir à se moquer de leur propre image tout au long du film. Un petit bijou de la comédie vaudevillesque avec nombreux malentendus et portes qui claquent.
Topsy-Turvy Journey était la première des trois comédies du japonais Segawa Masaharu présentée à Udine, et le troisième volet de la franchise des Journey avec Frankie Sakai, qui reprend ici le rôle originellement initié par Tasumi Kiyoshie. Il interprète Goichi Hasegawa, un contrôleur de train entièrement voué à son travail, vivant seul avec sa mère. Il tombe amoureux de sa professeure de cuisine, mais peine à conclure en raison d’une amie d’enfance geisha hyper jalouse. Ce n’est pas tant la bouille de Sakai que son parfait duo avec Baisho Chieko qui l’emporte sur des gags pas toujours réussis… mais jamais faciles, ni vulgaires. Une belle première découverte.
L’Amour de très près
L’amour, un thème également présent dans les autres films de la journée de genres très diversifiés.
Dans The Lightning Tree, le réalisateur japonais Hiroki Ryuichi donne une nouvelle fois la part belle à un personnage de femme troublée, mais héroïque. Son premier film en costumes, produit par le grand studio de la TBS, Hiroki garde pourtant sa relative indépendance en approfondissant ses deux personnages principaux, plutôt que de signer un énième remake de Roméo et Juliette avec un prince héritier et une pauvre quidam dans l’impossibilité de pouvoir s’aimer en raison de leur différence de statut social.
Hiroki se trouve actuellement dans la même situation que d’autres de ses confrères auteurs. Le cinéma indépendant n’existe quasiment plus, étouffé par l’omniprésence et la mainmise totale des gros studios des salles de diffusion. En même temps, les majors font de plus en plus appel à des cinéastes issus des circuits parallèles pour tenter d’injecter un peu de sang neuf dans un cinéma hyper formaté et – surtout – pour confier des budgets moins importants à des réalisateurs habitués à travailler dans des conditions précaires ; si bien que des gens comme Shimizu Takashi ( Ju-On ) ou Miike Takashi se retrouvent à la tête de blockbusters ou de projets ouvertement commerciaux des gros studios. Révélé au marché international avec ses succès festivaliers Vibrator ou It’s only talk , Hiroki a ainsi enchaîné des projets beaucoup plus populaires, tel que Only friends ou le larmoyant April Bride l’année dernière. The Lightning Tree s’adresse à un public plus mature, même s’il s’agit d’une énième adaptation de best-seller, comme le sont aujourd’hui un film sur trois produit au Japon. Il n’empêche que le traitement extrêmement intimiste, voire austère qu’inflige Hiroki au matériau original le distingue de la plupart des artisans actuels, même s’il ne peut s’empêcher de recourir à quantité de facilités cinématographiques, comme des scènes franchement larmoyantes sur fond de ralentis, décors clichés et musique ultra envahissante. Un nouvel exemple d’un film d’auteur commercial ou d’un film commercial auteurisant Ce qui n’est pas franchement ma tasse de thé, car le résultat manque finalement d’une touche vraiment personnelle.
Rakenrol marque le retour très attendu du philippin Quark Henares sur le grand écran après un détour par la télévision et l’ouverture d’un bar (sic) pour pouvoir s’y produire avec son groupe de musique.
Le réalisateur avait connu les honneurs du circuit festivalier avec son Keka en 2003 et avait signé coup sur coup deux succès populaires en 2006, Don’t look back et Super Noypi . Il revient aujourd’hui avec un projet beaucoup plus personnel, quasi autobiographique, Rakenrol , qui raconte les années post-ado d’Odie. le personnage décide de créer un groupe de rock avec sa petite amie d’enfance Irene. Glanant rapidement un succès d’estime dans le petit monde underground des bars, le groupe sera pourtant mis à rude épreuve… Et c’est malheureusement là toute la dramaturgie du film, avec des coups de bec entre membres et la séparation du couple Odie / Irene… Pour le reste, Henares signe une chronique adolescente plutôt pépère, à la bande-son tonitruante, aux effets spéciaux stylés, mais sans vrai enjeu qui permettrait de se passionner jusqu’au bout pour cette histoire d’ados embourgeoisés, qui se payent juste une bonne tranche de vie sans vraiment devoir se démener.
L’hongkongais Lover’s Discourse est un film à sketches autour du thème… de l’amour ! Cosigné à quatre mains par Derek Tsang, fils de l’acteur Eric, et par Jimmy Wan, scénériste et proche collaborateur sur tous les films d’ Edmond Pang depuis AV , le film est – à l’instar de tous les films omnibus – de qualité inégale avec des segments plus ou moins réussis.
Le premier vaut pour le jeu extraordinaire d’ Eason Chan et de Karena Lam, qui incarnent des anciens amants présentement casés, qui se retrouvent le temps d’un soir. Le second est déjà beaucoup moins réussi en donnant la part belle à la chanteuse Kay Tse, blanchisseuse qui fantasme sur l’un de ses clients. Le troisième est un très, très mauvais plagiat de Wong Kar-wai avec cette histoire, situé dans le passée, d’un ado, qui s’entiche de la mère (la chanteuse Kit Chan) de son meilleur pote. Histoire vue maintes fois mieux réussie ailleurs. Le quatrième segment renoue avec le précédent, mais dans le futur, avec le jeune Bo devenu grand, qui soupçonne sa femme de le tromper et contacte l’épouse de l’amant incriminé pour tenter de piéger leurs partenaires respectifs. Cet ultime épisode fait également revenir tous les personnages des précédents épisodes pour tenter de créer un semblant de lien et de boucler toute l’histoire. Bref, le film colporte tous les défauts à la fois d’un premier long-métrage bancal à force de vouloir trop bien faire et du film d’auteur dans ses nombreux effets de style clinquants assez ratés.
The Lost Bladesman était un autre grand événement du festival, passé en Première européenne en ouverture. Coréalisé par le duo gagnant derrière la franchise des Infernal Affairs , Felix Chong et Alan Mak, le film marque à la fois leur première incursion dans le film en costume et sur le marché chinois avec – cerise sur le gâteau – Donnie Yen dans le rôle principal du personnage historique de Guan Yu. Un monsieur, que l’on a pu récemment découvrir dans Les Trois Royaumes de John Woo et Les 3 royaumes: LA résurrection du dragon de Daniel Lee.
J’aurais voulu dire beaucoup de mal de ce film, dont la reprise à la séance de 20 heures du Visionario signifiait également un pinku eiga en moins… Mais finalement, il est plutôt potable et divertissant, à défaut d’être “réussi”. Je craignais notamment un navet de la trempe de Kingdom of war de Ching Siu-Tung avec un Donnie Yen, qui n’aurait fait que traverser le film, trop occupé sur ces (trop) nombreux projets actuellement. Et finalement, The lost bladesman n’a absolument pas à rougir de la concurrence effréné du moment dans les reconstitutions historiques avec – surtout – des très nombreuses séquences d’action et de combats franchement bien foutus et un Donnie Yen au meilleur de sa forme, maniant notamment lance et épée. En revanche, l’histoire est inutilement alambiquée avec – en gros – un Guan trahi, qui doit accompagner la concubine Qilan du futur empereur de la Chine sans en tomber amoureux – ce qui revient dans tous les cas à une mission impossible.
Le japonais Confessions de Nakashima Tetsuya ( Kamikaze Girls ) et le chinois Wind Blast de Gao Qnshu ( The Message ) colportent tous deux des histoires d’amour déçues, mais ont été – une fois de plus – largement discutées par ailleurs, pour que je vous en reparle ici (et si VRAIMENT vous tenez à avoir mon avis, allez lire mes critiques sur cinemasie– pseudo “happy”). Juste un tout petit mot concernant Confessions , qui a été assurément pour moi LE film japonais de l’année 2010 mis en scène par l’un de tous meilleurs réalisateurs de la décennie toujours selon moi…
A la vie et à l’Amour
Il ne reste donc plus guère que de conclure par les deux pinku obligatoires pour passer une bonne nuit à Udine.
Le premier, Wet Peony était à nouveau un “classique” du genre, réalisé en 1970 par Umezawa Kaoru (aka Tomoto Kaoru). Ce monsieur est un ancien assistant réalisateur de Wakamatsu Koji, qui a fait son premier long, Teenage Moans en 1965 chez Kokuei, le tout premier film supervisé par Asakura Daisuke, à laquelle la rétrospective était dédiée cette année. En 22 ans, il va signer plus de 200 films avant de se retirer en 1988 et de mourir prématurément en 1998 à l’âge de 64 ans.
Wet Peony est notamment devenu culte en raison de l’utilisation conjointe de séquences en couleur et en noir & blanc, des nombreuses scènes de torture et de son extraordinaire séquence d’introduction, durant laquelle une femme survit à une fusillade avant d’être violée au beau milieu d’un cercle de flammes ! La suite dévie en un incroyable jeu au chat et à la souris malsain entre l’héroïne voleuse d’un butin et des gangsters avides de mettre la main sur le pactole. Une expérience cinématographique (en copie 35 mm, merci !!) d’autant plus étrange qu’un problème de son a réduit le volume au minimum, sauf des explosions de saturations des enceintes du cinéma toutes les trois minutes, qui aura eu raison de la quasi-totalité du public au bord de l’implosion cardiaque…
High Noon Ripper ne vaut pas seulement de par sa qualité certaine, mais aussi parce qu’il est signé Takita Yojiro (futur oscarisé pour Departures ), qui a atteint un nouvel échelon avec ce film.
Après un premier succès dans le sous-genre du “pink psycho horror film” avec SErail RApe en 1983 et – surtout – l’incroyable popularité de sa franchise des Molester’s Train (1982-1986), Takita s’associe à Shiro Yumeno, futur scénariste de qualité de la plupart des pinku de Hisayasu Sato ( Sex Virgin Unit ). Pas si éloigné de l’univers de Blow-Out d’ Antonioni et de sa “variation” signée de Palma, High Noon Ripper s’intéresse à l’enquête d’un photographe qui tombe par hasard sur une série de clichés représentant le meurtre d’une femme. Mais au fur et à mesure de son investigation, les cadavres pleuvront autour de lui, jusqu’à ce qu’il soit menacé directement. Un film franchement bien foutu, qui donne la part belle à ds scènes de fesses hyper chaudes, mais aussi à des très nombreux meurtres, dont celui de l’une des protagonistes principales assassinée au plan près comme Tipi Hedren dans le fameux Les Oiseaux de Hitchcock.
Bastian Meiressonne.