Les Guerriers du temps de Clarence Fok (DVD)

Posté le 8 avril 2011 par

Les récentes sorties Metropolitan ont du bon. Elles permettent notamment aux cinéphiles français de découvrir, ou redécouvrir, les films dans lesquels Yuen Biao s’est affiché dans des premiers rôles. Après les classiques Knockabout, Righting Wrongs, Peacock King, ou On the Run, voilà que débarque The Iceman Cometh, réalisé par Clarence Fok, auparavant déjà édité dans une version amputée de plus d’une vingtaine de minutes sous le titre Time Warriors. Heureusement, l’erreur est réparée avec la présente édition, si subtilement retitrée Les guerriers du temps. On y gagne donc en sobriété ce que l’on perd en référence à la pièce d’ Eugene O’Neill (ou au film de Frankenheimer, c’est selon), mais on commence à avoir l’habitude. Par Anel Dragic.

Les couloirs du temps

Produit par la Golden Harvest et la Johnny Mak production Ltd. en 1989, The Iceman Cometh est totalement empreint de la folie des productions de Mak de l’époque. Écrit par Johnny Mak (que l’on ne remerciera jamais assez pour son chef d’oeuvre Long Arm of the Law ) et Stephen Shiu, le scénario est une sorte de mélange des Visiteurs , Hibernatus et Terminator . Yuen Biao et Yuen Wah jouent deux gardes impériaux de la fin de dynastie Ming, mais hélas, ce cher Wah a un vice : il aime violer et tuer les femmes (et pas forcement dans cet ordre !). Biao est donc sommé de le retrouver afin de l’arrêter.

Les guerriers du temps

Tout cela n’est qu’un début et bien vite, un affrontement dans les montagnes leur sera fatal. Quelques siècles plus tard, c’est à dire vraisemblablement en 1989, les scientifiques retrouvent les cadavres congelés de nos deux compères l’un sur l’autre (“Nous venons de prouver que l’homosexualité existait déjà durant la dynastie Ming” s’exclame Elvis Tsui). Cependant, un incident technique réveille les deux ennemis pour les opposer une fois de plus dans leur combat séculaire. Yuen Biao, devenu le Godefroy le Hardi chinois fait, par la suite, la rencontre de Maggie Cheung, qui joue ici une prostituée (c’était sa grande période des rôles de pouffiasses, notamment dans L’auberge du Dragon et Heroic Trio ), qui l’hébergera en attendant qu’il ne retrouve son rival. C’est alors l’occasion de suivre la découverte du vingtième siècle et de ses technologies par un Yuen Biao buvant dans les toilettes ou encore effrayé par des monstres appelés voitures. Cela ne vous rappelle rien ?

Les Guerroiers du temps 2

Les acteurs se montrent tous aussi inspirés les uns que les autres. Yuen Biao est très drôle dans son rôle “moyenâgeux”, Maggie Cheung est très à l’aise en personnage féminin culotté (le film n’est pas féministe pour autant, son personnage commençant prostituée pour devenir une femme d’intérieur modèle!), et mention spéciale à Yuen Wah qui trouve ici un de ses rôles les plus outranciers, avec un jeu réellement appuyé et un look des plus incroyables. Sans parler des seconds rôles et caméos particulièrement savoureux (Elvis Tsui en scientifique, on aura tout vu!).

What the Fok?

Je vous l’accorde, le titre du paragraphe était facile, mais il faut aussi avouer que l’univers de Fok Yiu Leung se prête bien à une telle définition. Rarement un réalisateur hongkongais aura enchainé autant de films ambitieux et extravagant, tirant vers le blockbuster, mais bien souvent fait avec le budget le plus minimal. Je vous épargne un descriptif film par film de ses différentes tentatives, mais rappelons que l’homme a touché à la catégorie III érotique, au film d’action cartoonesque, au wu xia pian ultra-cablé, ainsi qu’au polar “portnawakisant” de la In-Gear film (Andy Lau tirant au lance-roquette pendant un saut « trampoliné » reste un grand moment de délectation, cf. Gun N’ Rose ).

Iceman cometh

Il faut un certain talent pour tirer son épingle du jeu en réalisant des blockbusters cheapos. Tout ici sent le grandiloquent, et pourtant chaque décor transpire le studio. Avec ses éclairages psychédéliques (rouge, vert,… tout y passe) et son look typiquement eighties, le film est un régal de nostalgie. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on contemple la veste en jean de Maggie Cheung, le pull en laine de Yuen Biao, ou encore les décors très typés, tel cet appart /garage où vivent un couple, elle semi-pute, lui gangster (incarné par l’inénarrable Ng Chi Hung). Un style appuyé, notamment grâce à sa très belle photo, mais qui manque en revanche souvent de cohésion. Peut être faut-il trouver la cause de tout cela dans la présence de six directeurs de la photographie (!), mais peu importe puisque c’est ce qui fait tout son charme.

Les guerriers du temps

Les combats ne sont pas en reste et suivent la tendance de l’époque. On ressent en effet, le passage du style lancé par la Film Workshop : très câblés, avec des cadrages très serrés et un montage des mouvements très découpés. Le tout est porté par une mise en scène qui se montre tout de même moins virtuose que chez l’ami barbichu. En revanche, le travail du Yuen Clan est remarquable. Jamais les chorégraphies orchestrées par la Yuen Ga Ban (la stuntmen team de Yuen Biao), en collaboration avec Chin Kar Lok et trois des sept petites fortunes (Yuen Biao, Yuen Wah et Yuen Tak), ne se laissent effacer par le style de la mise en scène, s’y conformant pour se mêler admirablement bien ensemble.

The Iceman Cometh est un témoignage de plus de la folie qui touchait le cinéma de Hong Kong à cette époque. Véritable pilule de LSD, le trip en vaut largement le détour si le mélange de kung fu, de comédie, d’aventure et de bien d’autres choses encore est votre came. Et tant qu’on y est, notons la présence en bonus d’une interview de 8 minutes de Yuen Biao. Une habitude que l’on aimerait voir se démocratiser à l’avenir.

Verdict :

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Les Guerriers du temps de Clarence Fok. DVD édité par Metropolitant, disponible depuis le 08/02/2011.

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