Ancien décorateur des Studios Ghibli et disciple de Miyazaki, Yamamoto Nizou passe à l’animation en réalisant La forêt de Miyori, un conte écolo plein de vilains pas beaux. Actuellement disponible en DVD et Blu-Ray, voyons ensemble si la magie opère… Par Dorian Sa.
L’histoire
Délaissée par des parents séparés, la jeune Miyori âgée de onze ans est confiée à sa grand-mère vivant à la campagne. Dans la forêt, elle sympathise avec des divinités farfelues qui lui révèlent ses dons de sorcière protectrice de la nature. Miyori devra ainsi faire bon usage de ses pouvoirs afin d’empêcher la construction d’un barrage et préserver la végétation foisonnante…
La critique
Ainsi font font font, les petites « Miyorinette »…
Dans le fond, le message de Yamamoto est plutôt raide quand on n’a que 8 ans. Fini l’ère du nourrisson élevé au miel de Winnie l’Ourson ! En plus des problèmes familiaux, les bambins n’ont plus le temps de vivre l’insouciance car la planète est si polluée qu’elle s’autodétruit. On déforeste à tout va, les ressources alimentaires s’épuisent, la catastrophe est imminente, il faut donc responsabiliser les chérubins le plus tôt possible.
L’innocence de Miyori s’en est allée. Un jour viendra où on se demandera si elle n’a jamais existée. Pour le moment subsiste encore un répit, le temps de chanter en chœur une dernière fois : « ainsi font font font, les petites marionnettes… »
Planter une graine pour demain
À travers La forêt de Miyori, le metteur en scène exprime un vœux et file la métaphore aussi haut dans le ciel qu’une étoile à son firmament. Son discours peu nuancé tend à démontrer que les méchants ne sont plus les monstres verts de notre imagination, ce sont les Hommes. Et quand la réalité du fond dépasse la fiction de la forme, les prépubères gagnent soudain en maturité. Les apparences ne trompent plus car l’inconscient collectif de nos chères têtes brunes a été remanié. Si les adultes en perdition ne sont plus à imiter, l’éducation des nouveaux-né n’est plus belle, elle devient rebelle. Depuis qu’ils souffrent de l’absence de géniteurs peu intègres et trop souvent submergés par leur travail, les poupons se construisent seuls au gré de leurs propres découvertes.
À l’égal de Miyori, les diablotins ont la lourde tâche de fortifier le globe. Si nous abîmons leur univers, leur bois, leur sève, nous les abîmons eux-mêmes indirectement, car ils ont trouvé en la faune et la flore des mères nourricières qui ne les trahiront jamais. Voilà pourquoi la tolérance et le respect de l’environnement fondent la morale de cette fable bio. Elle puise dans la terre le secret de la vie et fait naître la symbiose aux antipodes des distractions consuméristes.
Et si l’avenir de l’Homme, c’était la Femme…
En choisissant une fillette pour son rôle titre, on se demande si le réalisateur a été inspiré. En définitive oui, mais non. Oui puisqu’effectivement, ce sont les hommes au pouvoir qui ont cumulés les erreurs écologiques. Dans ce chaos, Miyori représente la relève féminine, quitte à se comporter comme un garçon manqué. Cela dit, on ose espérer qu’à notre époque, tous les gens se sentent concernés et œuvrent à leur échelle pour la bonne cause.
Quant au personnage de Miyori, il semble juste brossé au fusain, ce qui nous paraît léger pour une héroïne. L’auteur aura sans doute confondu le fait d’avoir du caractère et le fait d’avoir de la personnalité. Un manque de profondeur évident, et pire, un manque d’humanité ; le comble quand on veut faire passer Miyori pour l’ambassadrice de Greenpeace chez les 8-12 ans.
La forme… La forme de quoi au juste ?
Si le fond est plutôt enthousiasmant, la forme laisse à désirer. Yamamoto a une conscience, on le félicite, mais son scénario est néanmoins branlant, simpliste et peu convaincant (rien ne justifie par exemple la construction du barrage…).
Au niveau technique, on ne dépasse pas la qualité d’un animé TV (c’est d’ailleurs sa destination originelle via Fuji Television). La naïveté du trait de crayon accentue une animation hasardeuse manquant cruellement de relief. L’action s’en ressent forcément et peine à sortir du « statique mis en mouvement ».
L’ensemble ne peut donc rivaliser avec les sérieux concurrents que sont Pompoko de Takahata Isao ou Princesse Mononoké de Miyazaki Hayao. Un essai peu concluant pour Yamamoto Nizou, à qui on conseillera de retourner gentiment à ses planches à dessins et de laisser le reste à ceux qui savent. Car si Miyazaki l’avait réalisé, il aurait fait beaucoup mieux, alors pourquoi se contenter de moins bien ?
En résumé, l’intrigue est intéressante car elle concilie le mythe traditionnel des yokaï (les esprits défenseurs de l’écosystème) et les désillusions liées au divorce (le sentiment d’abandon, la culpabilité…).
Développer de telles thématiques pour les enfants est assez ambitieux et plutôt de bon augure. On aura tendance à encourager ce genre de démarches engagées, à condition qu’elles soient efficacement mises en image. Mais rassurez-vous, La forêt de Miyori n’en demeure pas moins un divertissement éducatif qui passera très bien chez les 9-10 ans, accompagné d’un grand verre de lait, à l’heure du goûter.
Dorian Sa.
Verdict :
La forêt de Miyori de Yamamoto Nizou est disponible en DVD et Blu-Ray chez Metropolitan Filmexport depuis le 20 janvier 2011.