Critique : Les Enfants Loups, Ame et Yuki de Hosoda Mamoru (Vesoul)

Posté le 5 février 2013 par

Hosoda Mamoru confirme les promesses entrevues dans La Traversée du temps et Summer Wars pour signer son chef d’oeuvre. Par Justin Kwedi.

 

Le paysage actuel de la japanimation, notamment les productions cinéma, n’est pas au mieux. Entre le déclin de Ghibli (hormis les films de Miyazaki), un Oshii Mamoru perdu dans une veine expérimentale absconse, Otomo Katsuhiro inactif depuis Steamboy et des sorties se résumant à surfer sur les succès télévisés (les plaisant films issus de One Piece ou Full Metal Alchemist), le constat est décevant. Heureusement, quelques auteurs ont émergé ces dernières années et se sont montrés capable d’offrir un spectacle original, personnel et grand public, à l’image de Shinkai Makoto ou Hosoda Mamoru. Hosoda est même un pur produit de cet état de fait, lui qui rongea longtemps son frein dans des produits de série (à divers postes dans des staffs de série TV et réalisateurs de deux films Digimon), puis, trop indépendant, fut éconduit par Ghibli où il devait réaliser Le Château Ambulant avant de prendre enfin son envol avec son « vrai » premier film, le sublime La Traversée du Temps (2006). La confirmation se fera avec l’ambitieux Summer Wars (2010), et Les Enfants Loups est tout simplement le film de l’accomplissement d’un Hosoda au sommet de son art.

Difficile à première vue de distinguer un lien thématique dans l’intrigue de Hosoda Mamoru : une jeune adolescente se découvre le don de voyager dans le temps (La Traversée du temps), un jeune garçon timide aide une famille traditionnelle japonaise à vaincre un réseau social informatique qui menace le monde (Summer Wars) et, pour Les Enfants Loups, une jeune femme tombe amoureuse d’un homme loup et à sa disparition doit élever seule ses deux enfants. Les trois films partent d’un argument extraordinaire qui ne servira qu’à mettre en valeur des problématiques à l’inverse très ordinaires, inscrites dans le quotidien des personnages. L’intimiste La Traversée du temps confronte donc son héroïne par son don à ses premières amours adolescentes, et dans le plus adulte Summer Wars, l’ampleur de la menace va permettre à une famille de renouer ses liens au moment de l’affronter.

Les Enfants Loups fonctionne de la même façon, Hosoda transcendant les qualités des films précédents. Il troque ses héros adolescents pour le point de vue de Hana,  jeune mère qui va tour à tour rencontrer et perdre l’amour de sa vie le temps d’une introduction sublime puis devoir difficilement élever seul ses enfants. L’ordinaire de cette situation se mêle à l’extraordinaire par la nature de l’amant disparu et de sa progéniture : ce sont des enfants loups. Après avoir dévoilé avec poésie cette étonnante faculté (et l’union physique des amants délicatement amenée ce qui change des prudes productions Ghibli), il s’agira de la gérer dans le quotidien à travers des difficultés toutes communes : payer le loyer, les factures…

Ces tracas bien urbains seront en partie oubliés lorsque la famille s’exilera à la campagne. Là, Hosoda déploie une esthétique majestueuse pour magnifier ce cadre rural, entre réalisme pour la description des travaux fermiers et onirisme par l’attrait de la beauté et du mouvement de cette nature. Cette description obéit à la tradition japonaise de retour au pays natal synonyme également de retour sur soi, un sentiment que le Souvenir goutte à goutte de Takahata Isao rendait superbement. Dans le film, ce sera le lieu idéal où Hana pourra sereinement élever ses enfants tandis qu’eux même pourront réellement trouver leur identité, homme ou loup. Le timide et chétif Ame va ainsi s’aguerrir en découvrant les mystères de la forêt tandis que la plus sauvage Yuki va découvrir des premiers émois sentimentaux bien humains. Ce cheminement s’étend finalement à Hosoda Mamoru lui-même qui aura admis lors de l’avant-première que la région où se déroule l’intrigue est également sa région natale.

Cette évolution se fera donc au gré des rires, des larmes et des heurts de cette famille, au fil des années (l’intrigue se déroulant de la naissance à l’adolescence des enfants) où Hosoda capture avec brio la notion de temps qui passe par de belles idées narratives (le va et vient entre les salles de classe d’Ame et Yuki) et, encore et toujours, l’activité de cette nature dans le changement de saisons et de climats. C’est d’ailleurs durant le déchaînement des éléments que viendront l’heure des choix lors d’une déchirante scène finale. Hosoda atteint une émotion rare en transcendant ces thèmes de prédilection sur la quête et l’affirmation de soi. En hissant la hauteur de son propos au regard d’une mère aimante et anxieuse pour l’avenir de ses enfants, il touche tout simplement à un questionnement universel et réalise son chef d’œuvre.

 

Les Enfants Loups, Ame et Yuki de Hosoda Mamoru visible au FICA de Vesoul. Programmation ici.

 

 

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