Pour son premier long métrage, Les Jeux des nuages et de la pluie, le cinéaste d’origine brestoise, Benjamin de Lajarte, se démarque du genre par son ambition dans le récit et la mise en scène. Néanmoins, à l’exception de quelques coups d’éclat, le résultat escompté n’est guère convaincant.
Synopsis : Au cœur d’une météo mouvementée, un détective américain, un cadre chinois, une serveuse, un couple de magiciens et une femme chinoise énigmatique vont devenir les héros d’une histoire singulière et mouvementée. Tous vont jouer leurs destins en l’espace de 24 heures…
« Ce film se situe un peu à contre-courant des habitudes ancrées depuis cinquante ans. Dans le cinéma classique, le héros vit une espèce de quête, avec un début et une fin, dans laquelle il faut rendre sa normalité au monde. Et dans le cinéma moderne, issu de la nouvelle vague, le projet du héros est une errance dans un monde qui n’a plus rien à apporter. Moi je voulais que les personnages aient un trajet sans que l’histoire soit signifiante. ». Bien en amont, Benjamin de Lajarte encadre son projet dans la volonté de procéder différemment. Son court-métrage, Son nom, introduisait dans le récit cette appétence pour la superposition de plusieurs couches de langage afin de séduire les investisseurs pour la réalisation d’un long métrage qui viendra quatre ans plus tard. Dans Les Jeux des nuages et de la pluie, le cinéaste se dote d’un casting international, polyglotte et singulier avec notamment la présence de Simon Yam, muse de Johnnie To et affichant près de 500 films à son actif. Pour sa première fois dans un film européen, il signe ici une prestation plus qu’honorable au côté d’Audrey Hana (Welcome, Tellement proches) tout comme le musicien français Alain Chamfort pour ses premiers pas cinématographiques.
Avec ce parcours aux destins croisés de ces six hommes et femmes de nationalités et d’horizons différents, l’attente était à la hauteur de l’ambition. Malheureusement, on constate qu’on est bien loin de la grande claque prise par Simon Yam dans la première scène du film. Après une brève présentation des tenants et aboutissants en quête ou panne d’amour, on se rend compte que cela sonne rapidement faux et creux. Ce n’est pas le jeu des acteurs qui est en cause, mais sa direction et plus globalement l’atmosphère où les personnages sont enfermés qui déteint et déséquilibre toute la force qu’aurait pu prendre le récit. Ce dernier, polyphonique, apparaît au contraire en décalage musical avec ce qu’il essaie d’instaurer. Le spectateur est alors relégué… à un rôle de spectateur, le distanciant petit à petit des sorts des duos de personnages qui se font et se défont par extrémité sociale (le riche diplomate chinois avec la serveuse française en déficit affectif et matériel, la femme du diplomate chinois avec un détective privé américain, etc.).
Rarement touché par un scénario aux multiples artifices, on assiste avec indifférence pendant près d’une heure à ces confessions intimes, sincères mais maladroites dans leur expression dont la chapitrisation n’allège en rien la conception maniériste. Les bonnes idées sont là, mais la mise en scène les surchage. En témoigne cette longue scène en face à face par téléphone interposé entre Li Qin et le détective privé américain, dans laquelle un traducteur rajoute encore une couche de langage qui rallonge considérablement l’échange qui s’essouffle et épuise en même temps pour, paradoxalement, s’illuminer quand les couches de traductions disparaissent. Ces réconforts et fulgurances sont bien trop rares au milieu du noyau principal platonique que constitue la forme du récit presque expérimental, juqu’à son titre mystérieux voire pompeux. Benjamin de Lajarte essaie vainement de maîtriser un récit qu’il aurait souhaité hypnotique.
Julien Thialon.
Les Jeux des nuages et de la pluie est disponible en DVD chez Blaq Out depuis le 20 août.