Les Américains n’ayant pas le monopole des super-héros, voici que Wild Side édite Red Eagle en DVD, super-héros thaïlandais luttant dans un futur proche. Par Yannik Vanesse.
Mitr Chaibancha a longuement incarné le justicier Red Eagle, durant sa prolifique carrière – 266 films entre 1956 et 1970 tout de même ! Et c’est en revenant à ce personnage qu’il mourra lors d’une cascade. Ce film, reprenant le personnage pour un reboot, est aussi un hommage à l’acteur décédé tragiquement.
Ce reboot reprend donc la genèse du personnage et nous raconte une nouvelle histoire de ce héros, restant ainsi très compréhensible pour toute personne ne connaissant pas les films d’origines, difficilement visibles pour les occidentaux. Et c’est le réalisateur thaïlandais Wisit Sasanatieng qui se charge de cette lourde tâche – car il ne fait aucun doute que l’homme devait avoir une très forte pression dans son pays.
Wisit Sasanatieng est un auteur, un vrai, comme le prouve son film le plus connu, Les Larmes du tigre noir. Le réalisateur aimant donc les expérimentations, tant scénaristiques que visuelles, il n’allait pas livrer, avec Red Eagle, un simple produit. Ainsi, si l’histoire est on ne peut plus simple, elle est aussi plus profonde qu’elle n’y paraît. Se déroulant dans un futur très proche où le carburant se raréfie, la Thaïlande se retrouve sous la coupe d’un premier ministre s’étant fait élire en prônant l’arrêt des constructions des centrales nucléaires mais qui, dès son accession au pouvoir, s’empresse d’accentuer leur fabrication. Il travaille pour une sombre organisation secrète contrôlant la politique et les criminels et qui agit, selon toute vraisemblance, à l’échelle mondiale. Des promesses non tenues, le problème d’énergie et de carburants, des politiciens corrompus, tout cela dans un futur proche ? Que voilà un scénario des plus possibles et qui, bien que se passant en Thaïlande, aurait pu se dérouler dans la plupart des pays du monde – qui a dit la France ?
Dans ce contexte très critique apparaît donc de nulle part un justicier masqué, Red Eagle, aux méthodes que ne dénigreraient pas le Punisher, et qui entend bien tuer politiciens corrompus et criminels, avec comme but ultime de détruire la fameuse société secrète. Et, comme Batman et le Punisher, il sait qu’il doit marquer durablement les esprits. Décapitations, mots laissés à l’intention de ses futurs cibles, tortures, cartes de visites laissées sur les lieux de ses éxactions, tout est bon pour traumatiser, effrayer et énerver ses proies. Ainsi, le film, très violent, n’hésite pas à nous montrer de la pédophilie, des gerbes de sang et autre scènes bien sauvages, les effets digitaux étant, en la matière, des plus crédibles, grâce à un budget confortable. D’ailleurs, le sang digital, associé à l’ambiance de la ville et au costume du héros – dont le kitsh assumé du masque colle parfaitement à l’atmosphère – n’est pas sans rappeler l’ambiance du Sin City de Frank Miller et Robert Rodriguez.
Alors tout n’est pas parfait, bien évidemment. Quelques dialogues sont de trop, par exemple, et les rapports entre Red Eagle et le policier enquêtant sur lui sont montrés de manière totalement abrupte. L’addiction à la morphine de notre justicier n’est pas très importante, ne le mettant par exemple pas en danger, et est plus là parce que le héros d’origine était lui aussi dépendant (à l’alcool en ce qui le concerne). De plus, si les effets spéciaux sont très bons, les explosions sont plutôt ratées – mais nous ne sommes pas dans Beowulf tout de même, évidemment. Cela dit, il ne s’agit que de chipotage, tant ces détails n’empêchent pas d’apprécier cet excellent film, loin s’en faut ! Les scènes d’actions sont sublimes et satisferont tout amateur ne recherchant pas de réalisme. Car ici les personnages sautent de toits en toits, parent les balles avec des poelles à frire, avant de lancer des baguettes dans l’oeil de leurs adversaires, et autres joyeusetés du même acabit. Mais si l’on parvient à rentrer dans l’ambiance à l’esthétique un peu toc et aux prouesses surnaturelles, alors ce film fera passer un moment magnifique, le clou du spectacle étant l’affrontement entre Red Eagle et sa némésis, Black Devil (une sorte de croisement entre Docteur Fatalis et Hannibal Lecteur). Ce genre d’affrontement est souvent une déception, après que le spectateur l’ait attendu tout le film (tout le monde se rappelle de Star Wars – Épisode I). Dans Red Eagle, ce ne sera pas le cas, le combat étant d’une intensité époustouflante…
A cela s’ajoute de l’humour, parfois plutôt embarrassant – le message « fumer tue » après qu’un fumeur se soit fait décapiter – parfois très sympathique, comme lorsque les combats virent au portnawak merveilleux – mais toujours totalement maitrisé, nous ne sommes pas dans un nanar.
Bref, voici un blockbuster généreux, au spectacle total et délicieusement too much, offrant même quelques brisages d’os vus par rayons X de manière bien plus sympathiques que dans le nanar Roméo doit mourir. Votre serviteur n’aura donc qu’une chose à dire pour conclure : vivement la suite !
Yannik Vanesse.
Red Eagle de Wisit Sasanatieng, édité en DVD et Blu-Ray Combo par Wild Side, depuis le 26/07/2011.