Lucile, Amour et Rock’n’Roll (Ai Shite Knight) de Kasai Osamu (DVD)

Posté le 6 décembre 2011 par

Replongeons-nous en enfance, avec la sortie en DVD de l’intégrale d’Ai Shite Knight alias Lucile, Amour et Rock’ n’Roll !  Shojo culte de Tada Kaoru ! Wildside gâte les nostalgiques ! Par Jérémy Coifman.

Ce dessin animé était diffusé au Japon originalement entre 1983 et 1984, et est arrivé en France en 1988 pour la première fois sur notre défunte « La Cinq », la chaine qui nous faisait découvrir des dessins animés plus géniaux les uns que les autres.  Ah ! 1988 ! C’était quand même sympa. Michael Jackson était le King Of Pop, on voulait tous participer au Kumite comme Jean-Claude Van Damme dans Bloodsport ou partir à l’aventure avec Willow.  Puis un matin, on se réveille à 7 h du matin comme d’habitude, et on allume la télé, pressé de plonger dans ses dessins animés matinaux. Tiens un nouveau dessin animé ! Il s’appelle dans un premier temps « Embrasse-moi Lucile » (il sera renommé de manière permanente lors de sa diffusion dans « Le club Dorothée » en 1991 sur TF1).

Il s’ouvre sur le générique désormais culte, chanté par la fameuse Claude Lombard, spécialiste de la musique de dessins animés et du doublage.  C’est chantant, virevoltant, plein de couleurs. Tout commence par la rencontre de Lucile, jolie étudiante avec Benjamin, petit bout de chou de quatre ans. Cette amitié va engendrer tout un tas de rencontre pour la jeune femme, notamment Mathias, le frère du petit garçon et Tristan qui n’en finiront pas pendant 42 épisodes de se battre pour son amour.

Quoi ? mais c’est un truc pour les filles, me disais-je, enfant. Pourtant, petit cœur d’artichaut que j’étais, je me passionnais pour ce triangle amoureux sur fond de Rock’ n’Roll. C’était plein de musiques toutes géniales ! Lucile était très jolie et les personnages secondaires étaient tous supers ! Il y avait Monsieur Duronchon, le père de Lucile, restaurateur ronchon (d’où son nom, pardi !), Marika, la peste de service (riche évidemment), et surtout Roméo, chat de Benjamin, obèse et misogyne, ne pensant qu’à manger. Quand on est enfant et qu’on découvre autant de vie et de bonne humeur, on ne peut qu’adhérer. On avait nos préférences, entre Mathias ou Tristan, on vibrait avec Lucile sur les musiques des Bee-Hive (le groupe de Rock des deux garçons). A chaque épisode, il y avait une histoire passionnante. On ne voulait pas que ça s’arrête, 20 minutes, c’était trop court. Qu’allait faire Lucile ? Quel stratagème allait utiliser le petit Benjamin pour la rapprocher de Mathias ? Quelle musique géniale allons-nous entendre ? Puis la série se termine et on est triste. Les années passent, on en garde un souvenir durable, tendre. Alors quel effet cela fait-il de revoir la série plus de 20 ans après ?

C’est fou ce que le temps peut faire sur votre perception d’une œuvre. On grandit, notre cynisme aussi, et la donne n’est plus tout à fait la même. Lucile, amour et Rock’ n’Roll commence par un générique Kitsch, avec des mecs en pleine période Glam Rock habillés et coiffés comme X-Japan, dansant comme des fous. Pourtant ça fonctionne toujours. On sourit, l’air nostalgique. Car soyons honnête, si la nostalgie n’est pas un facteur pour vous ou que vous n’avez pas entre 5 et 12 ans, vous allez avoir beaucoup de mal avec le dessin animé.

Le problème principal de Lucile, Amour et Rock ‘n’Roll est bien évidemment la francisation de l’ensemble et les doublages plus qu’approximatifs. Wild Side ne proposant que la version française, on s’en contente et le dessin animé prend une toute autre tournure pour nous adultes. L’histoire, censée se dérouler au Japon, se passe ici en France. Les personnages  prennent le train pour Nice, les Bee-Hive chantent à Bercy (pour un groupe local, c’est l’exploit !), Tristan et Mathias étudient à la Sorbonne (la classe !). Tout ce qui touche au Japon est soigneusement effacé. Quand on est enfant, on se fiche de tout ça, mais plus tard, cela fâche quelque peu. Évidemment, c’était le même traitement pour tous les dessins animés Japonais arrivant en France à cette époque. Les personnages sont renommés (la palme à M. Duronchon quand même au lieu de M. Mitamura), et Roméo, le chat, réclame des « crêpes ».

Le plus douloureux demeure le doublage, la plupart du temps à côté de la plaque. Quand le chat Roméo parle, c’est très drôle, mais quand les erreurs pullulent, c’est difficile. Mathias appellera Lucile « Alice » (surement parce que la traduction se faisait directement à partir de la version Italienne et que dans celle-ci, l’héroïne s’appelait Licia), ou le personnage de la femme de ménage se fera appelé « Humé », puis « Marthe » l’épisode d’après. Tout cela nuit à la cohérence de l’ensemble.  Pis, quand la mère de Benjamin, revient de Paris dans un épisode, pas moyen d’éviter le piège ! Ce doublage et cette francisation rendent le tout encore plus kitsch qu’il ne l’était déjà.

Le scénario des épisodes est aussi à la peine. Quand enfant on se passionnait pour ces histoires, on ne peut qu’être hilare quand on les découvre aujourd’hui. Même le pire des soaps opéra n’aurait pas fait mieux. Les épisodes sont vides, les rebondissements vains et les réactions des personnages énervantes au possible. Les enjeux sont très limités. .. La série ne se résume presque qu’au choix de Lucile entre deux garçons. Il faudra attendre une vingtaine d’épisodes pour voir l’intrigue évoluer quelque peu. A partir du moment où Lucile fera son choix, on aura un scénario plus développé. La série garde son simplisme, mais on préfère s’intéresser à la carrière des Bee-Hive ou à l’avenir de Benjamin plutôt qu’au dilemme amoureux.

Verdict :

Mais que faire face au pouvoir de la nostalgie ? Malgré tout, notre cœur se réchauffe. On pense à un temps révolu, à nos réveils le matin pour regarder la télévision, au King Of Pop qui n’est plus ou à Jean-Claude Van Damme qui n’est plus le héros qu’il était. Petit à petit, on range notre cynisme au placard, on redevient enfant. Lucile, amour et Rock n’ Roll, c’est un peu la madeleine de Proust d’une génération trentenaire ou presque, qui ne rêve que d’une chose, retrouver les doux moments d’une enfance perdue.

Jérémy Coifman.