Le Marché de l’amour de Philippe Rostan (Vesoul)

Posté le 27 février 2012 par

Plongée dans les coutumes ancestrales de deux ethnies nord-vietnamiennes avec Le Marché de l’amour de Philippe Rostan. Par Jérémy Coifman.

Les Hmongs et les Daos sont deux ethnies du nord du Vietnam, toujours un peu en marge, mal vues, comme beaucoup de minorités. Une fois par an se tient un marché assez particulier dans la région de Sapa : le marché de l’amour. Chacun se retrouve, s’observe, se séduit. On est là sans ambiguïté pour trouver un partenaire, que ce soit pour la vie ou juste pour une nuit. Les hommes préparent leurs instruments de musique, outils de séduction, et les femmes se parent de leurs plus beaux atours. Dans ces régions, on se marie très jeune, et il n’est pas rare de voir des jeunes adolescentes se livrer au jeu de l’amour et du hasard. L’autre particularité de ce marché est qu’il accueille également des personnes déjà mariées. Ces femmes et ces hommes cherchent une aventure ou un ancien amour avec lequel le mariage n’était pas possible.

Philippe Rostan réalise un film sur l’amour, sa force, son universalité. Sur les traditions, les différences et le progrès. Le marché de l’amour est simple et humble, à l’image de ces protagonistes. Les jugements de valeurs qu’on pourrait émettre au début de l’aventure s’effacent tout doucement pour laisser place à de la tendresse pure et simple. C’est cela le tour de force de ce documentaire, nous faire accepter l’autre. Pour nous occidentaux, il est  pourtant difficile de voir des enfants parler de mariage par exemple, et le film fait assurément réagir et réfléchir sur notre propre condition. Impossible de ne pas penser à notre vision de la vie et de l’amour. Ce documentaire est un miroir tendu vers nous, spectateurs.

Mais c’est avant tout l’histoire d’hommes et de femmes qui transpire l’honnêteté. Souvent mariés sans amour, ces couples apprennent à se connaître et à vivre ensemble, heureux. Le mensonge ne fait pas partie de leur vie. Chacun sait que l’autre a un ou plusieurs amants, personne ne s’en cache. Ce qui entraîne des scènes des plus cocasses. Voir la femme dire devant son mari qu’elle sait qu’il a une maîtresse est à la fois très drôle mais aussi incroyablement surprenant pour nous occidentaux. Peu à peu, on en découvre plus. Les coutumes, les oracles qui décident d’un mariage, les amours enfouis qui ressurgissent. On s’aperçoit que ce sont des gens très romantiques, pudiques et purs. Ils sont simples. Au milieu de cette douce étrangeté et de cette drôlerie attachante afflue l’émotion. Sans crier gare, au détour d’un témoignage (poignante histoire d’amour ou violents souvenirs), Philippe Rostan saisit la douleur avec beaucoup de respect et de pudeur. Pour nous, spectateurs du film, il est très difficile de ne pas s’attacher à ces personnes, de ne pas ressentir une grande empathie.

L’évolution au travers des âges de ce marché de l’amour est la principale inquiétude de Rostan. Qu’adviendra-t-il de ces traditions à l’heure de la mondialisation et du tourisme de masse ? Le marché perd son âme. Les musiciens répètent leur parade pour les touristes. Pour quelques pièces, les femmes vendent leurs habits et des bibelots tandis que les étrangers viennent pour le tourisme sexuel. Paradoxalement, certains changements sont bénéfiques pour ces tribus (on pense au téléphone qui, même s’il est symbole de modernité et d’occidentalisation, permet à certains de rester en contact). Philippe Rostan filme ce paradoxe et livre un constat plus que pessimiste. Finalement, ce mode de vie et ces traditions sont voués à disparaître un jour ou l’autre.

Quand le film se termine, on en ressort ému, heureux, et chanceux d’avoir partagé le quotidien de ces gens qui à coup sûr resteront avec vous bien après la vision.

Verdict :

Jérémy Coifman.

Inconnu, présumé français de Philippe Rostan, disponible en DVD, édité par Jour2Fête, depuis le 03/05/2011.

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