Critique de L’Homme aux poings de fer (Blu-ray/DVD)

Posté le 16 mai 2013 par

Depuis le succès des films de Quentin Tarantino et de son compère Robert Rodriguez, le cinéma grindhouse a le vent en poupe, et nombreux sont ceux qui s’essaient au film de fans s’intéressant à tout un pan du cinéma d’exploitation. Le résultat, bien évidemment, n’est pas toujours heureux, et il ne suffit pas d’aimer le cinéma de genre pour savoir faire un bon film. Que vaut donc la tentative du rappeur RZA en la matière ? Par Yannik Vanesse.

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Les rappeurs s’essayant au cinéma sont légion, mais plus fréquemment comme acteurs que réalisateurs. Pour son L’Homme aux poings de fer, RZA se voit épaulé par quelques grands noms. Quentin Tarantino produit le film ; mais si l’homme a déjà prouvé son talent comme réalisateur, son statut de producteur n’est pas forcément un garant de qualité, les nanars ou mauvais films portant la mention « Quentin Tarantino présente » étant légion.

Eli Roth, scénariste et réalisateur du surestimé diptyque Hostel comme co-scénariste (en compagnie de RZA) n’est pas non plus là pour rassurer le spectateur. D’ailleurs, le scénario n’est pas du tout le point fort du très sympathique L’Homme aux poings de fer. L’histoire, on ne peut plus basique, se passe à Jungle Village. Des clans s’y affrontent pour une cargaison d’or, des fils trahissent leur père, bref, cette histoire n’est qu’un prétexte pour mettre de nombreux combattants aux surnoms rigolo dans le même endroit, afin qu’ils finissent par s’entretuer. Silver Lion, X-Blade, Mister Knife, Les Jumeaux, Corps de Cuir et bien d’autres apparaissent durant ce métrage. Archétypaux ? Exactement, et c’est finalement un des points forts de ce film. Les personnages portent le nom de leur technique, et finalement, le spectateur n’a pas besoin de plus. Il n’est pas là pour ressentir de l’empathie, souffrir avec ses personnages ou autre, mais il est là pour s’amuser face à des combats aussi gores que fun.

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Pourtant, le début du métrage n’est pas rassurant. Après un combat d’introduction plutôt mal chorégraphié, RZA nous inonde de sa voix off très présente, pour expliquer les enjeux avec philosophie. Si quelques détails étaient nécessaires pour appréhender l’histoire, la voix du rappeur s’attarde trop sur des problèmes métaphysiques dont le spectateur se moque. RZA est aussi le protagoniste principal du film, qui deviendra l’homme aux poings de fer. Paradoxalement, il est le personnage le moins intéressant du métrage. Trop lisse et creux (et le rappeur n’est pas un très bon acteur), il ne devient l’homme aux poings de fer que tardivement (lors d’une séquence rappelant Evil Dead 3) et le réalisateur, trop content de se mettre enfin en scène dans des combats de titan, en fait des tonnes. Si déjà précédemment, certains tics un peu grossiers gênaient quelque peu (des accélérés malvenus, même si l’un d’entre eux permet à des flots de sang de s’écouler d’une manière à la poésie redoutable), quand il se met en scène, cela dépasse l’entendement. Ecrans coupés en plusieurs, ralentis, poses classieuses, RZA ne sait plus où s’arrêter. Et  certains costumes, au début, particulièrement ridicules (le clan des loups fait diablement peur, dans le genre), laissent craindre le pire pour la suite.

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Heureusement, ces moments n’empêchent pas d’apprécier le film. Car si RZA rate la mise en scène de son personnage, il parvient à faire exploser l’écran à d’autres. Russel Crowe est dantesque en Mister Knife (et paraît s’amuser comme un petit fou), tantôt classieux et gentleman, tantôt fou furieux, livrant une des scènes les plus sanglantes du film. Lucy Liu, en dirigeante de la maison close pleine d’assassins sexys, est magnifique et sexy en diable, et ils ne sont pas les seuls. Les techniques secrètes improbables des personnages sont fun et bien amenées (entre les lames secrètes de X-Blade et les techniques des Jumeaux, le spectateur s’amuse comme un fou). Certes, les chorégraphies ne sont pas les plus surprenantes qu’un spectateur habitué au genre ait pu voir, mais elles sont correctes et bien réalisées, et compensent le peu de recherche par du gore en pagaille ! Le sang gicle de tous côtés, pour le plus grand bonheur des yeux, quand ce n’est pas un œil qui s’envole contre l’écran.

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Si RZA réalise ici bien évidemment un hommage aux wu xia pian (la Shaw Brothers en tête), il ne cherche pas à s’arrêter là. Ayant fait fi de tout réalisme pour les combats, il se lâche aussi dans l’ambiance. De nombreux éléments de western sont présents (faisant un peu penser au Sukiyaki Western Django de Miike Takashi, pour son mélange des genres aussi improbable que bien venu), que ce soit dans l’ajout d’un saloon, ou dans le look de certains personnages, ou encore dans l’utilisation d’armes à feu, ce qui, dans certaines chorégraphies, ajoute une originalité bienvenue. Les acteurs parlent tantôt anglais, tantôt mandarin, mais ce n’est pas tout. Nous découvrons un personnage avec des lunettes de soleil, et au niveau de la bande-son, RZA n’hésite pas à ajouter du rap, ce qui ne surprendra personne. Pourtant, ce gloubiboulga d’ambiances, de styles, et de combats, permet curieusement d’apprécier le film, qui devient un maelström portnawak curieusement cohérent.

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Souvent, les séquences de L’Homme aux poings de fer sont prévisibles. Ainsi, le combat au milieu des miroirs a été vu de nombreuses fois. Cependant, parfois, RZA parvient à surprendre. La séquence de luxure vue de haut est de toute beauté (et ajoute une dose d’érotisme des plus appréciable). De même, si parfois les tics de réalisation déplaisent, comme lors d’un flashback en noir et blanc inutile (permettant le cameo tout aussi inutile de Pam Grier), à d’autres moments, il a d’excellentes idées. Là encore, il faut citer la séquence de luxure, superbe, mais RZA parvient aussi à faire montre d’une poésie à laquelle le spectateur n’est pas préparé. La mort des Jumeaux est ainsi sublime. Les effets spéciaux sont de toute beauté, permettant des séquences magnifiques lors des combats.

Yannik Vanesse

Verdict : Difficile de qualifier L’Homme aux poings de fer de bon film, il est vrai, la faute à son personnage éponyme, à un scénario trop basique et à des tics de réalisation parfois déplaisants. Mais, grâce à des personnages délicieusement archétypaux, du sang en pagaille, du fun outrancier dans les combats, les situations et les ambiances, RZA emmène son spectateur dans un plaisir coupable des plus agréable.

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L’Homme aux poings de fer, disponible en DVD et en Blu-ray depuis le 02 mai 2013.

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