VIDEO – Alienoid : Les Protecteurs du futur de Choi Dong-hoon

Posté le 16 mars 2024 par

Après deux décennies à flirter avec les influences du cinéma hongkongais, Choi Dong-hoon, avec Alienoid, assume finalement une œuvre somme, un hommage total au cinéma de sa jeunesse, entre l’esthétique wuxia du cinéma de l’Extrême Orient et celle de la science-fiction des années 80 du cinéma de l’Extrême Occident. Le cinéaste opère une fusion des genres qui en révèle leur indissociabilité et leur étrange singularité.

Dans cette première partie de l’œuvre qui en compte deux (la seconde est sortie au début de cette année en Corée du Sud), on suit le gardien (Kim Woo-bin) dans une quête mystérieuse. Entre l’intrigue classique de la recherche d’un artefact mystique dans la Corée du XIVème siècle et celle tout aussi classique d’une invasion extraterrestre au XXIème, Choi Dong-hoon travaille ses deux matières de fiction comme une seule. Les références à Tsui Hark sont comme des miroirs face à celles qui évoquent James Cameron. On en vient parfois à se demander où l’on est et ce que l’on regarde comme si notre regard épousait la confusion des personnages dans des combats qui les dépassent car ils transcendent l’espace-temps. Les effets spéciaux nous indiquent justement la nature du geste du cinéaste coréen, leur fluidité contraste avec les coupures net du montage d’une époque à l’autre. Les images sont bien distinctes comme les époques mais dans leur intérieur se joue une reconfiguration, une contamination. Choi Dong-hoon joue avec l’ultime monteur de son œuvre, le spectateur. C’est le liant qui organise les résonances au sein des plans comme des symboles au sein de son esprit qui ferait la suture dans l’infini qui va se joncher dans l’interstice des images comme des dimensions.

Mais le cut qui paradoxalement lie et sépare ces deux périodes n’en est pas vraiment un. La fantaisie et la SF ne sont deux faces d’une même pièce non pas parce que l’une est dans le futur ou l’autre dans le passé. Mais plus parce que l’une se veut l’extrême rationalité et l’autre l’extrême sensibilité. Les deux sont en réalités indissociables par leur coexistence en simultané dans la psyché du spectateur. Car l’espace dans lequel existe cet infini, l’espace qui lie par une coupe abrupte ces deux choses. C’est le même qui lie l’héroïne, Lee Ahn (Kim Tae-ri / Choi Yoo-ri) à elle même dans les deux périodes. C’est également ce qui divise le robot qui lui fait office de chaperon en deux entités. C’est la conscience elle-même. C’est ce qui existe et qui vient se loger dans l’interstice des deux dimensions paradoxales. C’est ce dont Escher tendre de rendre compte par la figuration d’une réalité qui suivrait les règles des abstractions mathématiques, car l’ombre du peintre hollandais est la citation absente qui brille par son omniprésence. Or, par définition, elles n’existent que dans un endroit abstrait donc absent de matière. C’est cette matière que doit retrouver l’héroïne de Alienoid en faisant l’expérience de la vie puis presque de la mort. Mais le spectateur lui n’assiste qu’à un jeu de formes entre blocs d’espace-temps par des images mouvantes dont il est au final le dernier monteur. C’est ce qui ce joue dans cette œuvre bizarre, une quête de la conscience sur elle-même pour apprécier et sauver la matière du monde. Qui ne peut être dissociée ni par des concepts comme le passé ou le futur, ni par des approches du réel par les sensations ou la raison, ni par l’existence d’autre forme de vie, qu’elles soient organiques et aliens ou robotiques et familières. Les individus seraient de toute façon des astronautes perdus dans l’infini de leur « je », qui ne pourrait être défini ou limité. Lee Ahn piégée dans un bain amniotique ou dans les remous du fleuve du temps n’est singulière que par le fait qu’elle est seule. C’est une sorte de fable sur la solitude étrange du cri de la conscience dans l’infini de l’existence. Les deux faces du divertissement en miroir cachent un avertissement.

BONUS 

Le DVD nous offre deux capsules vidéo de 5min qui nous apprennent plus sur les ambitions du film et en biais la démarche de Choi Dong-hoon à travers cette fascinante entreprise.

Kephren Montoute

Alienoid : Les Protecteurs du futur de Choi Dong-hoon. Corée. 2022. En DVD, Blu-Ray et Blu-Ray 4k le 29/04/2024 chez Condor Entertainment