LE FILM DE LA SEMAINE – L’Arbre aux papillons d’or de Pham Thiên Ân

Posté le 20 septembre 2023 par

Récompensé du prix du meilleur premier film avec la Caméra d’Or au Festival de Cannes 2023, Pham Thiên Ân livre dans L’Arbre aux papillons d’or un discours initiatique empreint d’énergies figuratives sur la foi et le deuil parmi les paysages reculés de la campagne vietnamienne. Un voyage inoubliable à découvrir en salles le 20 septembre 2023 chez Nour Films.

Après la mort de sa belle-soeur dans un accident de moto à Saigon, Thien se voit confier la tâche de ramener son corps dans leur village natal. Il y emmène également son neveu Dao, âgé de 5 ans, qui a miraculeusement survécu à l’accident. Au milieu des paysages mystiques de la campagne vietnamienne, Thien part à la recherche de son frère aîné, disparu il y a des années, un voyage qui remet profondément en question sa foi.

Le cinéaste Pham Thiên Ân, à seulement 34 ans et n’ayant qu’une mince carrière de courts-métrages aux Etats-Unis, surgit avec ce premier film de 3h présenté à la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes 2023. C’est à l’éveil d’un artiste auquel le public assiste alors, un artiste disposant d’une maturité cinématographique bouleversante pour son jeune âge. L’Arbre aux papillons d’or relève déjà d’un exercice de style ramifié d’une quantité prodigieuse d’intentions esthétiques, qui témoignent tout à la fois d’une sagesse et d’une digestion des répertoires empruntés que d’un savoir-faire nouveau.

Dans les cinématographies d’Asie du Sud-Est, la poétique de l’égarement occupe une place prépondérante et canalisatrice de formes sensibles aux mondes de l’imaginaire. Chez Weerasethakul en Thaïlande ou Bi Gan en Chine, l’être en perdition se confond avec son environnement, agissant d’une part comme un espace capable de traduire les cultures qui s’y expriment, de l’autre comme un interstice chargé d’énergies mystiques et contradictoires. En ce sens et à bien des égards, L’Arbre aux papillons d’or comporte des atouts singuliers qui le rendent quelque peu unique dans le paysage cinématographique de cette région du monde, où la foi s’exerce au travers des religions locales.

Pham Thiên Ân ouvre en revanche les portes de toute une imagerie chrétienne à laquelle le spectateur occidental peut aisément se rattacher. Le deuil, l’exode et la rédemption sont autant de thématiques réinvesties à l’aune du particularisme culturel du Vietnam, faisant de L’Arbre aux papillons d’or un voyage esthétique à part entière qui se tisse en parallèle de celui du protagoniste. Les mouvements de caméra vacillants du réalisateur, parmi les vestiges, les monastères et les jungles luxuriantes, invitent sans cesse à la rêverie et à l’évasion. L’attention portée aux éléments et à la restitution sensorielle de ces derniers, confine le métrage au dialogue avec la mémoire et à la quête attentive des souvenirs évanescents qui jalonnent l’entreprise spirituelle de Thien.

En soubassement de ces peintures de paysages et de cette étude d’un espace culturellement ancré, l’exploration intime de la psyché des personnages sous forme de doutes et de confusion fait corps avec l’apaisement que procure le métrage. Au travers des conversations avec les nonnes, les anciens du village et les témoins de l’Histoire, Pham Thiên Ân sollicite le spectateur dans ses réflexions personnelles, et exhorte ainsi à la patience quant aux finalités de la quête du protagoniste se faisant soudainement père pour un petit garçon qui n’a de la mort que des conceptions abstraites et idéales. Passé ou présent, histoire ou fiction, L’Arbre aux papillons d’or donne sensiblement à admirer le monde au gré des interactions de toute sorte qui le façonnent, de ce vieil homme racontant la guerre à cette rencontre inopinée avec la figure fantasmagorique d’une femme surgissant du passé sur les toits d’un bâtiment en ruine.

Richard Guerry.

L’Arbre aux papillons d’or de Pham Thiên Ân. Vietnam. 2023. En salles le 20/09/2023.

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