HENRI – It’s All Because of a Katoey (Katoey pen het)

Posté le 12 avril 2021 par

Grâce à la plateforme Henri de La Cinémathèque française et la « carte blanche thaï », nous pouvons redécouvrir des œuvres anciennes du cinéma thaïlandais, en courts et longs-métrages. Place à It’s All Because of a Katoey ou Katoey pen het, une comédie de 12 minutes produite en 1954.

À l’instar de The Ghoul également diffusé sur Henri, le postulat de It’s All Because of a Katoey est simple, afin de faire tenir dans un temps restreint une petite histoire et amuser les spectateurs avec quelques gags. Une femme se rend dans un club du coin pour ramener son copain à la maison. Il lui dit qu’il veut s’amuser encore un peu à jouer au billard. Très belle, elle devient l’objet de de la convoitise de tous les hommes présents dans la salle, qui tour à tour lui offrent un verre puis la draguent très lourdement. Finalement, dans l’agitation créée par son refus, sa perruque tombe et les personnages s’aperçoivent que c’est un katoey, nom donné à une personne transgenre male-to-female ou à un homme efféminé dans les termes anciens thaïlandais.

Le descriptif sur Henri le rappelle : le katoey est un personnage fréquent dans le cinéma thaïlandais, qui n’a pas toujours été traité avec autant de bienveillance et de réalisme, y compris à notre ère. Plus globalement, les personnages transgenres et travestis apparaissent de manière assez fréquente et précocement dans le monde de l’image animée. L’usage a été rendu possible grâce à une longue existence préalable de conventions usant du travestissement au théâtre. Dans le théâtre kabuki, dans les opéras régionaux chinois, mais y compris ailleurs dans le monde, comme en France avec des actrices telles que Sarah Bernhardt, changer de genre sur scène a été possible. Par ailleurs, le travestissement sert d’inépuisable ressort comique aux États-Unis, dans les cartoons de Warner Bros ou des films tels que Certains l’aiment chaud. Tout cela concerne le cinéma dans sa dimension populaire et industrielle, c’est-à-dire que les limites de l’ouverture sont atteintes lorsque le conservatisme des producteurs, et de la société in fine, s’exercent.

C’est là que It’s All Because of a Katoey devient unique, car le film traite son sujet avec un soin inhabituel de la représentation pour cette époque, alors que ce n’est pas le cas pour les travaux précédemment cités. Les personnages des cartoons ou de Certains l’aiment chaud ne se travestissent que parce qu’ils poursuivent un objectif dans leur intrigue, ou à cause de quiproquos. Quant au théâtre, il s’agit d’une convention d’acteurs : dans l’histoire de la pièce, l’homme est un homme, la femme est une femme, et le genre de tous les jours de l’acteur ou de l’actrice s’efface sur scène. La transidentité de la protagoniste de It’s All Because of a Katoey n’est pas le ressort comique en lui-même. Il s’agit plutôt de montrer les hommes qui gravitent autour d’elle comme des bœufs, et c’est cela précisément qui est rare : son identité est établie dès le début. L’utilisation du terme Katoey permet d’ailleurs de faire vivre une conception sociale propre à la Thaïlande, et cela explique pourquoi cette œuvre détonne autant face au reste de la production mondiale. Sans en avoir la portée dramaturgique ou fictionnelle, It’s All Because of a Katoey se rapproche intellectuellement d’œuvres avant-gardistes telles que Jeunes filles en uniformes de Leontine Sagan, film lesbien de la République de Weimar, car ce sont des œuvres traitant des thématiques LGBT bien avant que le terme existe, et sans cryptage.

Maxime Bauer.

It’s All Because of a Katoey (Katoey pen het). Réalisateur inconnu. Thaïlande. 1954. Disponible sur Henri jusqu’au 29/06/2021.

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