Joli succès en salles pour une triste année de cinéma, Dans un jardin qu’on dirait éternel d’Omori Tatsushi est un bel hymne à la vie et aux joies du quotidien, dernier baroud d’honneur de la grande Kirin Kiki. Le film est sorti en DVD chez Arte Éditions.
A Yokohama, Noriko est présentée par sa cousine à Madame Takeda, professeure en cérémonie du thé. D’abord peu emballée, elle se prend peu à peu au jeu et découvre en cet art séculaire une doctrine de vie qui la guidera des années durant, au fil des saisons…
La force du film réside dans la description de l’écoulement du temps. Déroulée de manière linéaire et du point de vue de l’héroïne, l’intrigue alterne entre scènes de cours au contact de la professeure, campée par Kirin Kiki, et vie personnelle de Noriko. Cet entremêlement narratif permet à la philosophie de l’art du thé d’infuser dans la vie privée des personnages. On assiste ainsi à la maturation psychologique de Noriko, qui n’a certes rien d’un grand questionnement métaphysique, mais qui cherche tout simplement à répondre à la question : que faire de ma vie ? La simplicité mécanique de la réalisation et le calme de l’atmosphère font régner peu à peu la sérénité dans les esprits, ceux des personnages et, par contagion, des spectateurs. En un sens, Dans un jardin qu’on dirait éternel est une carte postale, pour son iconographie japonaise et son sujet typique, à ceci près que l’intention et son exécution réussie font corps avec la description de la cérémonie du thé, si bien que ce n’est pas une carte postale de façade. Le film est un bel ambassadeur de l’activité, décrivant avec minutie ses gestes et leurs sens, sans oublier de montrer comment ses vertus peuvent influencer les vies de ses pratiquants. Il ne s’agit pas non plus d’un propos prosélyte ou sectaire ; la mise en lumière de cette activité propre au Japon, à travers une mise en scène contemplative, permet de former un film qui a les mêmes vertus de l’exercice qu’il décrit. En somme, l’effet de style qui en découle montre avant tout les qualités cinématographiques de l’œuvre, alors que cette simplicité apparente serait susceptible de nous en faire douter.
Kirin Kiki nous a quittés en 2018 et Dans un jardin qu’on dirait éternel est le dernier film dans lequel elle apparaît. Il ne pouvait pas y avoir de plus belle finalité, pour cette actrice à la carrière impressionnante qui nous a émus chez des auteurs tels que Kore-eda Hirokazu (Une Affaire de famille) et Kawase Naomi (Les Délices de Tokyo), que d’incarner une vieille dame, d’une grande sagesse, maîtresse dans son art… Un personnage qui règne sur son monde, parfois arborant une fragilité, avec ses joies et ses humeurs, mais in fine, faisant montre d’une chaleur humaine qui enveloppe les décors dans lesquels elle apparaît. Madame Takeda est un protagoniste complet et terminal, qui délivre, dans ses dernières paroles à l’écran, un message ultime de béatitude.
Au revoir Kirin Kiki.
Les bonus du DVD
Le DVD comporte deux bonus.
Le making-of du film (40 minutes). On apprend dans ces images de tournage que le film a été bouclé une petite dizaine de jours, sans accroc et grâce au talent de ses interprètes, Kirin Kiki vantant celui de Kuroki Haru, la jeune actrice principale. On comprend aussi que l’un des succès de l’œuvre réside dans le choix du décor, la maison des beaux-parents de Kirin Kiki. Le film aurait pu être réalisé en studios, mais cette belle bâtisse fait corps avec le sujet du film (le passage du temps et le rapport aux rituels traditionnels) et semble posséder les ondes apaisantes inhérentes à l’architecture et à l’art des jardins japonais. On assiste à plusieurs scènes-clés du film, sans fard, ce qui nous permet de voir les dernières interactions de Kirin Kiki au cinéma. Un document léger mais apaisant, qui prolonge les sensations ressenties pendant le film d’Omori. À ce sujet, le réalisateur intervient peu, la part belle de la parole étant donnée aux trois actrices principales.
La cérémonie du thé japonais en 20 leçons (15 minutes). En 20 chapitres de moins d’une minute chacun, ce document présente les règles et les ustensiles de la cérémonie du thé dans une belle exhaustivité. Le cadrage en carré, avec partie basse écriture et partie haute séquence d’illustration tirée du film, est peu ergonomique. Chaque leçon, pourtant très courte, arbore le thème musical ainsi que les cartons du titre du film et de la leçon, ce qui rend le tout assez répétitif. Il aurait été préférable de décliner ces textes, somme toute instructifs, dans un petit livret d’une vingtaine de page et le glisser dans le boitier du DVD. Malgré tout, le bonus reste facilement consultable leçon par leçon, pour quiconque serait intéressé par une information rapide relative à la cérémonie du thé japonais.
Maxime Bauer.
Dans un jardin qu’on dirait éternel d’Omori Tatsushi. Japon. 2019. En DVD le 01/12/2020 chez Arte Editions.