FFCP 2020 – Dispatch ; I Don’t Fire Myself de Lee Tae-gyeom

Posté le 12 novembre 2020 par

Écourté en raison des annonces gouvernementales, le Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) a vu sa troisième journée se transformer en dernière. Elle nous a cependant permis de prolonger la ligne établie par la programmation de ce début de festival, centrée sur la place de la femme en Corée. Lucky Chan-sil, Way Back Home et Kim Ji-young, Born 1982 avaient déjà montré trois portraits de femmes hétéroclites et forts. À cela vient s’ajouter le courageux Dispatch ; I Don’t Fire Myself de Lee Tae-gyeom.

Le réalisateur a étudié le cinéma et le Talchum, danse masquée traditionnelle coréenne souvent utilisée pour la satire. Il semble donc assez logique que son deuxième long-métrage s’attaque à un sujet sociétal fondamental : la discrimination envers les femmes dans le monde du travail.

Jeong-eun, qui travaille dans une grande entreprise, est envoyée malgré elle dans une petite ville de province afin de travailler pour un sous-traitant de la maison-mère. Elle qui est habituée à travailler en bureau se retrouve dans une petite boîte de maintenance du réseau électrique, loin de chez elle, au milieu d’ouvriers et d’un cadre qui se demandent ce qu’une femme qui ne connaît rien au terrain vient faire parmi eux. Mais Jeong-eun ne compte pas baisser les bras.

A l’image de son synopsis, le film suit le parcours d’une femme en résistance face à un milieu qui la rejette et l’humilie. Si le propos de ce long-métrage inspire la colère et la révolte face à l’injustice de traitement subie par Jeong-eun, l’ambiance du film, elle, nous apaise et nous conduit vers la résilience et l’espoir.

C’est en effet, l’esthétisme du film, qui constitue son plus grand atout. Ethérée, atmosphérique, la mise en scène et ses couleurs nous placent dans les espaces qui régissent la nouvelle vie de l’héroïne. Nous la suivons le long de ces câbles interminables, où chaque nouvel étage d’un pylône peut conduire à une mort certaine. La caméra semble voler pour accompagner son personnage dans cette immensité de ciel et de vide, et le souffle de Jeong-Eun donne un rythme lancinant à ces scènes contemplatives.

Tantôt gris, tantôt rose, le ciel devient un lieu d’émancipation pour son personnage principal. Comme affranchie des contraintes terrestres, cette zone intermédiaire devient une métaphore de la lutte de Jeong-eun qui refuse d’abandonner, dans ce monde d’hommes où on lui refuse une place.

Au-delà de la qualité de l’image, le film trouve en son actrice principale un soutien formidable. Yoo Da-in a notamment remporté le prix d’interprétation du Festival International du Film de Jeonju pour sa performance. Elle forme un très beau duo avec Oh Jung-se, dont on avait déjà pu apprécier le talent l’année dernière au festival dans Swing Kids ou encore Extreme job.

Malgré ses nombreuses qualités, le film nous laisse cependant sur notre faim. L’ambiance singulière instaurée par la mise en scène retient notre attention, mais le développement des personnages est trop faible pour que l’émotion dépasse le seul stade sensoriel. Nous ressortons donc du film assez frustrés, car si l’esthétique nous reste en mémoire, le propos du film, lui, n’est pas aussi percutant qu’il aurait mérité de l’être. Lee Tae-gyeom attaque son sujet avec une grande sincérité et une véritable ambition esthétique mais n’arrive jamais tout à fait à nous bouleverser.

Marie Culadet

Dispatch ; I Don’t Fire Myself de Lee Tae-gyeom. Corée. 2020. Projeté au FFCP 2020

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