PYIFF 2019 – Entretien avec Jia Zhang-ke

Posté le 13 juillet 2019 par

Du 19 au 25 juin, le MK2 Bibliothèque, à Paris, a proposé une reprise en six films du Festival International du Film de Pingyao (PYIFF). Le cinéaste Jia Zhang-ke (Les Eternels), qui est à l’initiative de cet événement, était présent pour nous en parler.

Les jeunes réalisateurs étaient à l’honneur dans cette sélection effectuée parmi les programmes des deux premières éditions du Festival de Pingyao. Le public français a ainsi pu découvrir Crossing the Border de Huo Meng, The Crossing de Bae Xue, Youth de Feng Xiaogang, Three Adventures of Brooke de Zhu Yuanqing, Walking in Darkness de Tang Yongkang, ainsi que le programme de courts-métrages Where has time gone auquel Jia Zhang-ke a contribué. Le réalisateur avait fait le déplacement pour encadrer cette reprise et présenter le festival.

En octobre a eu lieu la deuxième édition du Festival International du Film de Pingyao, dont vous êtes à l’initiative. Est-ce que vous pouvez nous parler des objectifs de cet événement ?

Pour moi, il a deux éléments. D’abord, c’est une plateforme très importante pour montrer aux cinéphiles et professionnels chinois les nouveaux talents occidentaux. Le marché du cinéma chinois commence à se développer, il y a beaucoup de films qui cartonnent, de films de divertissement, mais c’est un marché assez fermé. Il est donc primordial de montrer aux gens qu’il y a des films du monde entier : des films contemporains, modernes, occidentaux… Il faut qu’on s’en rende compte et qu’on voie ce genre de films. Par ailleurs, ce festival est aussi à destination des professionnels occidentaux. En Chine, on produit environ 1000 films par an, dont environ 300 de jeunes réalisateurs, et c’est important d’établir une plateforme pour introduire ces nouveaux talents dans les festivals, auprès de producteurs et distributeurs occidentaux. Par exemple, le film d’ouverture de cette reprise, Crossing the Border, est passé par le processus d’inscription normal : le producteur a déposé le film au festival et il a été choisi parmi plusieurs. Par la suite, il a été sélectionné dans de nombreux festivals et a été suivi en Chine, donc c’est notre rôle d’aider ce genre de jeunes réalisateurs.

Pour cette reprise au MK2, vous avez sélectionné six films chinois qui ont marqué les premières éditions du festival. Comment les avez-vous choisis pour le public français ?

Nous avons sélectionné, parmi les deux premières éditions du festival, des films qui ont reçu de très bonnes critiques et qui ont aussi été bien accueillis par le public. A travers ces six films, on peut également voir la situation actuelle de la Chine. Ce n’est pas nous qui les avons choisis spécifiquement pour cela, mais ce sont les réalisateurs qui, dans leur processus de création, y ont réfléchi.

Pensez-vous que le public français aura un regard différent sur ces films ?

Hier soir, j’ai assisté à la session de questions-réponses à la suite de la projection de Crossing the Border, et il y a eu une question assez intéressante. Quelqu’un a demandé au réalisateur pourquoi il n’y avait pas de personnage féminin dans le film, et le réalisateur a dû beaucoup réfléchir pour trouver une réponse. C’est une question qu’on ne poserait pas en Chine, mais qu’on peut poser en France.

Avez-vous vocation à exporter le festival dans d’autres pays que la France ?

Cette année, on envisage de projeter trois ou quatre films au Festival de Munich, et on va également organiser une reprise à Hong Kong.

Pour revenir à la Chine, vous y réalisez des films mais vous produisez aussi de jeunes cinéastes. Vous avez également lancé la National Arthouse Film Alliance, un réseau de salles d’art et essai. Enfin, vous avez été élu député à l’Assemblée Nationale Populaire pour votre région natale. Tout cela vous donne une position-clé au sein du cinéma indépendant en Chine. Comment voyez-vous l’évolution de ce cinéma ?

En effet, tout ce que je fais tourne autour du cinéma, et j’essaie d’aider au développement du cinéma indépendant chinois à travers différentes approches. Maintenant, les jeunes réalisateurs chinois ont de la chance car le marché est favorable et il y a beaucoup de financements. C’est plus facile de trouver des financeurs qu’il y a vingt ans, quand j’étais jeune. En revanche, l’ambiance et l’environnement ont empiré. A mon époque, nous étions solidaires, mais aujourd’hui c’est le marché du divertissement qui prédomine, et le soutien des réalisateurs plus matures est crucial pour les jeunes. C’est la même chose au niveau de la presse : il y a vingt ans, même pour les films indépendants voire underground, il y avait beaucoup de presse pour communiquer sur les films. Aujourd’hui, s’il n’y a pas d’argent en jeu, personne n’écrit sur les films indépendants. C’est pour ça que même s’il y a de l’argent et les investisseurs, il faut vraiment soutenir les jeunes talents. C’est aussi important de leur apporter une validation du point de vue psychologique.

Pour finir avec une question plus générale, y a-t-il un film que vous avez vu récemment et qui vous a marqué ? En novembre vous nous aviez parlé de Les Etendues Imaginaires de Yeo Siew-hua, mais avez-vous eu un nouveau coup de cœur depuis ?

En fait, pour la première moitié de l’année 2019, j’ai vu peu de films car je me suis concentré sur la production de mon prochain film, le documentaire So Close to My Land. Il est presque fini.

Jia Zhang-ke commencera également à travailler sur une nouvelle fiction à partir de novembre.

Propos recueillis par Lila Gleizes le 21/06/19 à Paris

Remerciements : Catherine Giraud et Jean-Charles Canu

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