blind mountain

FICA 2017 – Blind Mountain de Li Yang – Campagnes d’Asie (Vesoul)

Posté le 5 février 2017 par

Le 23ème Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) propose Blind Mountain dans sa sélection Campagnes d’Asie. Sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes en 2007, le film de Yi Lang traite d’un drame social chinois : la vente de jeunes femmes comme « épouses » à des paysans frustres et brutaux. 

Li Yang Blind Mountain

Dans le nord de la Chine, au début des années 90, Bai Xumei, étudiante en médecine, est enlevée et vendue par des trafiquants d’êtres humains. Trois choix s’offrent alors à la jeune femme : s’échapper, se résigner ou se tuer. Elle qui pensait simplement travailler quelques jours dans une ferme pour gagner de l’argent afin de rembourser les dettes de sa famille. Cruelle désillusion ! Bai Xumei découvre bientôt qu’elle n’est pas la seule femme du village vendue comme épouse. Tout ça avec la complicité des autorités et de l’ensemble des villageois. Un « crime collectif » d’après l’expression du réalisateur Li Yang. De Bia Xumei ou du reste des villageois, qui est le plus misérable ?

Blind Mountain est le deuxième film de fiction de Li Yang, un réalisateur surtout habitué au documentaire TV. Son premier essai, Blind Shaft, s’intéressait à la vie de travailleurs dans une exploitation minière clandestine. Un film récompensé dans plusieurs festivals (Berlin, Deauville, Bratislava). Dès ce premier film, Li Yang montre sa volonté d’aborder une part sombre de la société chinoise après son ouverture vers le libre marché et la dévotion à l’argent roi. Le fameux socialisme chinois. En s’attaquant aux problèmes sociaux de la Chine contemporaine, Li Yang se rapproche du travail de Jia Zhangke, Wang Bing ou Jiang Yue. Des réalisateurs plus ou moins reconnus à l’étranger mais souvent inconnus (et rarement distribués) en Chine. Une situation paradoxale qui s’explique par les problèmes liés à la censure. Comme l’explique Li Yang dans un entretien pour Écran Noir, « Montagnes oubliées [Blind Mountain] est tiré d’une histoire vraie mais j’ai dû apporter des modifications au scénario pour qu’il soit finalement accepté. En tout, on a coupé 40 morceaux… Dans notre pays, il est difficile de trouver des investisseurs pour ce genre de films car même le Bureau du cinéma ne veut pas qu’ils soient tournés… ».

Li Yang Blind Mountain

Dans  le « making of » disponible dans le DVD édité par Spectrum Films, Li Yang revient justement sur les problèmes de financement de Blind Mountain. Face à la frilosité des investisseurs et au risque de voir le film non distribué en Chine (et au revoir le retour sur investissement), Li Yang a dû puiser dans ses propres deniers et emprunter de l’argent à ses proches. Avec un budget donc très limité, le tournage s’est effectué dans des conditions assez précaires, avec des repas rationnés et des techniciens s’improvisant parfois acteurs. Tout cela dans un village reculé de la Chine du Nord, dans des conditions climatiques difficiles. L’équipe de tournage est même restée bloquée quatre jours dans un village de montagne en raison des chutes de neige. Li Yang est tout de même allé au bout de son projet, livrant un film pastoral à la violence larvée, dans des décors finalement assez lugubres.

En filmant dans des décors naturels et en mettant en scène de véritables paysans (souvent analphabètes), Li Yang atteint un certain réalisme pour un sujet dramatique qui s’est développé en Chine dans les années 90. La mise en scène est sobre. En tout cas, le réalisateur n’use d’aucun artifice particulier (le manque de moyens et de matériel expliquant cela). Le sujet se suffit à lui-même pour être suffisamment dramatique et susciter l’intérêt du spectateur. Passée l’horreur humaine des premières séquences, l’histoire se stabilise dans le quotidien de la jeune femme séquestrée. Un quotidien presque banal et « normal » : tâches domestiques, lessive, cuisine, fêtes de village, lectures des journaux, attentes du facteur… et même une brève bluette avec l’instituteur local. Desperate Housewives en Chine rurale. C’est moins chic mais plus choc.

Avec Blind Mountain, Li Yang voulait laisser une trace d’un passé sombre de la Chine : « C’est une critique du règne de l’argent roi dans la société chinoise et une implacable de la laideur, de la cupidité, de la brutalité et de la trahison dans la nature humaine. C’est un appel à un retour des valeurs humaines élémentaires dans notre société ».

Aux dernières nouvelles, Li Yang prépare Blind River, film qui clôturera une trilogie sur les drames sociaux de la Chine des années 90.

Marc L’Helgoualc’h.

Blind Mountain de Li Yang, à voir au  23ème Festival International des Cinémas d’Asie (FICA) de Vesoul du 7 au 14 février. Plus d’informations ici !

Vendredi 10 février à 10h – Majestic 3
Samedi 1 février à 14h – Majestic 3

 

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